LITTERATURE CONGOLAISE. Et quand nos rêves embrassent les ténèbres (1) : Un chant poétique de Tristell Mouanda

LITTERATURE CONGOLAISE. Et quand nos rêves embrassent les ténèbres (1) : Un chant poétique de Tristell Mouanda

La poésie de Tristell Mouanda s’inscrit dans l’ère du temps car elle respecte le destin juvénile de l’auteur qui est « accroché » à celui de son Afrique. Il veut être en symbiose avec son peuple malgré l’image du continent que lui revoit sans cesse l’histoire on ne peut plus aléatoire de son Afrique natale. Il y a dans la poésie de Tristell Mouanda l’Afrique des ancêtres et des héros. Le poète se trouve au carrefour des fleuves du Congo et du Nil, des astres, des rêves d’un peuple de douleur. S’y dégage l’image éphémère de la femme dans son instinct maternel et idyllique. On y rencontre aussi une poésie des joies et des souffrances internes qui accompagnent le destin de l’auteur dont l’avenir du continent semble incertain. Aussi, s’adresse-t-i à sa mère Afrique en visitant l’univers des astres avant de se mirer timidement dans l’image de la femme. L’Afrique au cœur de l’imaginaire du poète Depuis la naissance de la Négritude, l’Afrique occupe toujours une place importante dans l’imaginaire des écrivains, particulièrement chez les poètes. L’Afrique est chantée dans presque toutes ses dimensions sociales et sociétales. Le regard du poète prend source dans son Congo natal avant de s’éparpiller sur le continent : « Ici à Brazzaville, je lis la vie entre les / lignes du temps » (p.21). Ce pays natal revient vers le poète par l’aquatique symbolisée par le fleuve qu’il partage avec l’autre Congo jumeau : « Magnifique Ô la voix du fleuve : Dans notre muse poétique / la voix du fleuve c’est la voix de la vie » (p.29). Aussi, remarque-t-on dans le subconscient du poète l’importance de ce fleuve qui accompagne le destin de tout un peuple, cet élément aquatique revient dans plusieurs poèmes comme on peut le remarquer dans le Texte N° 19 : « Le jour de ma naissance / J’ai pleuré mes péchés (…) / Un peu d’eau pour étancher ma soif / Le fleuve pour chanter / Mon peuple sans vie / Le fleuve meurt » (p.57). Dans l’imaginaire de son Congo natal, lui reviennent dans les méandres du fleuve Congo, quelques souvenirs fraternellement amicaux de quelques poètes de la phratrie : « Ô fleuve de la résurrection / (…) Ma mémoire crayonne l’aurore de  / (…) Gabriel Mwéne / Okoundji, d’Huppert Malanda » (p.31). À partir de son natal, le poète ouvre la porte du continent pour découvrir d’autres horizons avec leurs peuples et leurs histoires. Le premier sentiment qui colle à son esprit est l’image sombre des antivaleurs qui a ont à survoler son pays : « Je me suis mûri  en écoutant les mêmes / mots : tribalisme, guerre » (p.17). Un cri d’alarme du poète qui révèle certains maux du continent. Et dans presque tous ses textes, Tristell Mouanda se mire dans cette Afrique qui ne quitte pas son imaginaire. Aussi, en bon « fils de Dieu », il implore le Christ pour sauver son Afrique : « Ô Christ ! / Pourquoi la nuit ensemence des joues stériles au Mali ? » (p.23). Et c’est dans la prière que le poète pense sauver l’Afrique : « Car la paix est blessée en République Démocratique du Congo / Pour ce pays, Priez ! » (p.27). La poésie de Tristell Mouanda, en survolant une partie du destin politique du continent, s’avère engagée et engageante. Aussi, chante-t-il d’abord certains héros de son Congo, des figures qui ont marqué la lutte pour libérer le peuple kongo de l’assujettissement colonial : « Ô Simon Kimbangu, Ma Kimpa Vita / Je vous en supplie / Divinités éclairées » (p.24). L’écho de ce chant se répand sur le continent pour « réveiller » les autres héros, ces hommes qui sont morts pour la libération de l’Afrique et l’émancipation de l’homme noir dans toute sa diversité :  « Je brûlerai mes prières nocturnes qui viennent de l’Inde… / De Patrice Lumumba, Bob Marley, Martin / Luther King / À Mandela » (p.23). Dans cette poésie de douleur pour une Afrique martyrisée, se dégage le patriotisme de l’auteur qui traverse ses frontières nationales pour se transformer en destin panafricaniste. Et ce panafricanisme est éclairé par des astres tels le soleil, la lune et les étoiles qui, sans cesse, brillent sur l’écriture du poète comme on peut le remarquer dans certains vers comme : « La nouvelle lune sera la case départ / (…) Les étoiles portèrent des racines » (p.43).  L’éphémère image de la femme Il est rare de parcourir une poésie sans être « réveillé » par l’image de la femme dans sa dimension universelle : la femme-mère, la femme idyllique, la femme héroïne, trois dimensions qui apparaissent quand même dans Et quand nos rêves embrassent les ténèbres. Dans la poésie orale (la chanson) comme dans celle que nous révèle l’écriture, le poète oublie rarement l’instinct maternel comme on peut le revivre chez Jean Baptiste Tati Loutard à travers les poèmes « Nouvelle de ma mère » et « Appel à ma mère », que l’on peut découvrir respectivement dans Poèmes de la mer et L’Envers du soleil. Dans Et quand nos rêves embrassent les ténèbres,  l’adresse de l’auteur à sa mère apparait comme un poème épistolaire : « Reviens ô mère / Par cette opacité / Je perds espoir »(p.21). La femme ici nous rappelle aussi le réveil de l’Afrique à travers l’héroïne Kimpa Vita à la page 24 (Texte N°3). Chez Tristell Mouanda, la femme est aussi vue du côté idyllique, côté cru des sentiments amoureux. À une femme qui semble émouvoir son cœur, comme il l’exprime au conditionnel, le poète explose : « Ô femme sacré ! / Je voudrais t’écrire une lettre d’amour / Je voudrais recevoir ton premier baiser / d’amour » (p.55). Dans son ensemble, Et quand nos rêves embrasent les ténèbres annonce l’avenir d’une poésie qui se veut au confluent de l’hermétisme d’un Tchicaya U Tam’Si ou d’un Maxime Ndébéka auquel s’ajoute le clair-obscur lyrique d’un Tati Loutard. Et il n’est pas étonnant de constater cette symbiose chez le jeune poète Tristell Mouanda car ces trois grandes figures de la poésie précitées ne sont autres que les précurseurs de la poésie congolaise. Avec Tristell Mouanda, Huppert Malanda, Glad Among Lemra, Gabriel Mwéne Okoundji et Maha Lee Cassy, pour ne citer que ces cinq noms parmi une pléiade de jeunes écrivains,