Le mensonge chez l’enfant

Le mensonge chez l’enfant

TRIBUNE. Pour l’enfant, mentir, est une expérience naturelle et nécessaire. Il s’agit d’un phénomène inévitable auquel les parents et également les écoles doivent être capables de faire face sans juger l’enfant ni le traiter de « menteur », car cette accusation peut être dévastatrice pour lui. On peut schématiquement diviser le mensonge chez l’enfant en deux catégories : le mensonge lié au fantasme et le mensonge qui déforme la vérité. 1- Mensonge et imagination L’enfant est un grand rêveur, mais aussi un excellent inventeur de phénomènes irréels. Les parents doivent donc respecter les rêves de l’enfant et ne pas essayer de le décourager en lui disant : « C’est n’importe quoi ». Sachons que les rêves et l’imagination sont nécessaires à notre équilibre psychologique, et c’est pourquoi les parents doivent jouer au jeu lorsque l’enfant décrit ses rêves imaginatifs, car ce jeu renforce la relation affective et émotionnelle avec l’enfant et exprime le respect de ses œuvres imaginatives. Ce n’est en aucun cas un mensonge, et surtout, il ne faut pas le traiter de menteur, sinon l’enfant cessera de rêver et d’inventer des histoires, ce qui entravera le développement de son cerveau. Par exemple, votre enfant vient vous dire très sérieusement qu’il a vu des extraterrestres et qu’il leur a parlé, et ici les parents doivent l’encourager à être créatif. De plus, sans rêves, aucun auteur ne peut écrire des romans. Les parents devraient jouer au jeu et lui demander plus de détails sur son histoire des extraterrestres, par exemple : « Combien étaient-ils, quelle langue parlaient-ils, étaient-ils des adultes ou des enfants, des filles ou des garçons, que voulaient-ils ? Et pour information, c’est ce que nous, les psychiatres, faisons avec l’enfant dans la relation d’aide en psychothérapie. En parlant à l’enfant, en écoutant avec tout le respect et la sincérité son histoire imaginaire, nous parvenons à comprendre ses frustrations et ses difficultés, et ainsi il s’ouvre à nous. Tout d’un coup, nous le voyons raconter son histoire réelle sur sa vie scolaire, ou avec certains élèves et professeurs, ou sur sa vie de famille, et nous pouvons alors comprendre sa souffrance. Ici, l’enfant ne ment pas, et si les adultes le traitent de menteur dès le début, cet échange n’aura jamais lieu et l’enfant ne nous racontera jamais son expérience. Comme vous pouvez le constater, on passe du récit fictif à la découverte de sa vraie vie. 2- Mentir, une distorsion de la réalité a- Mentir est un « jeu » Vers l’âge de 5 ou 6 ans, l’enfant découvre que mentir est un jeu et une source d’amusement. Par exemple il cache ses chaussures, ses jouets, la télécommande de la télévision, ou encore le téléphone de sa mère. Les parents se mettent alors à chercher la chose disparue et lorsqu’on lui demande s’il ne l’a pas vue, il répond non, et cela lui plaît. C’est pourquoi les enfants adorent jouer à cache-cache, et en se cachant, comme s’il ment pour dire qu’il a disparu. Lorsque les parents découvrent que c’est l’enfant qui a caché l’objet, ils doivent jouer au jeu et à leur tour cacher les affaires de l’enfant. Ainsi ils aident l’enfant à comprendre que ce jeu n’est pas aussi amusant qu’il le pensait. En revanche il ne faut jamais lui crier dessus et le traiter de menteur. b. Le mensonge comme instrument de pouvoir Lorsque l’enfant déforme la vérité, il découvre qu’il contrôle les parents et exerce un pouvoir sur eux. Les parents doivent rester calmes et ne pas décrire l’enfant comme un menteur. D’un autre côté, il faut donner la priorité à la communication, l’amener à analyser sa déformation de la vérité, le faire réfléchir aux conséquences sur la relation de confiance avec lui et plus tard avec le monde extérieur, et l’encourager à prendre conscience que l’honnêteté est un acte héroïque. c- Le mensonge révèle un défaut dans sa relation avec ses parents Si votre enfant vous ment, votre relation avec lui est malsaine. Par conséquent, au lieu de blâmer l’enfant, les parents devraient se remettre en question, revoir leur éducation et corriger leur comportement avec lui. d- Mentir, un moyen d’imiter les parents Si un enfant ment, il cherche à ressembler à ses parents. L’enfant apprend vite que ses parents lui mentent, mais aussi mentent entre eux et aux autres. Certains parents glorifient même un menteur et le décrivent comme un génie car il possède l’art de gérer ses affaires et d’obtenir ce qu’il veut. Les parents promettent toujours des choses à leur enfant sans tenir leurs promesses. Par exemple, un enfant demande à son père de jouer avec lui, et le père lui dit qu’il n’est pas disponible pour le moment mais qu’il le fera le soir ou le week-end. Lorsque le moment indiqué arrive, l’enfant demande au père de jouer avec lui, et malheureusement le père lui dira : « Pas maintenant, je suis fatigué, nous jouerons demain ». Comme d’habitude, je vous laisse faire votre propre synthèse et tirer vos propres conclusions. Docteur Jaouad MABROUKI Psychiatre, psychanalyste de la société arabe

Comment savoir si votre enfant est victime de cyber harcèlement ?

Votre progéniture est-elle victime de cyber intimidation ? Découvrez les signes avant-coureurs les plus courants de harcèlement en ligne chez votre enfant. L’harcèlement en ligne est de plus en plus répandu. L’hyper-connectivité des plus jeunes combinée au pseudo anonymat qu’offre Internet signifie que les enfants sont de plus en plus exposés aux cyber-abus. Nous le voyons aujourd’hui avec le triste engouement autour du hashtag #Anti2010 qui vise les jeunes nés en 2010 pour leur rentrée en 6e. Ces jeunes adolescents sont cible de moqueries et d’insultes sur les réseaux sociaux. Quels sont les signes que votre enfant en soit victime ? 1. Changements physiques inexpliqués : la première chose à surveiller, ce sont les changements physiques perceptibles. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un signe certain de cyber harcèlement, si votre enfant a soudainement perdu du poids ou de l’appétit, a de la difficulté à dormir pendant la nuit ou semble stressé le matin, il vaut la peine d’avoir une conversation pour savoir si tout est en ordre dans sa vie et si tout va bien pour lui. 2. Phobie scolaire : de même, si votre enfant fait régulièrement semblant d’être malade pour éviter d’aller à l’école, cela pourrait aussi être un indicateur de problème. Presque tous les enfants se servent d’excuses pour éviter l’école de temps à autre, mais si cela devient une habitude, il peut y avoir un problème plus grave, comme la crainte d’un conflit avec un tyran. 3. Sautes d’humeur : soyez à l’affût d’une nervosité perceptible, des sautes d’humeur soudaines et des réponses trop courtes à vos questions. Il peut s’agir de caractéristiques communément associées aux adolescents lunatiques, qui ne signifient pas nécessairement que votre enfant est harcelé. Mais si les changements d’humeur s’accompagnent régulièrement de réactions irritantes et de réactions nerveuses, il est peut-être temps de vérifier si tout va bien. Les réponses telles que « ça va » ne doivent pas être considérées comme satisfaisantes par les parents – elles ne signifient pas toujours que tout va pour le mieux. 4. Perte d’intérêt : un autre signe à surveiller est la perte d’intérêt pour un passe-temps ou une passion. Votre enfant aime jouer au football ou à la guitare, mais a soudain perdu tout intérêt pour ces hobbies ? Cela pourrait aussi être un signe que quelqu’un leur fait passer un mauvais quart d’heure. De même, si votre enfant commence à s’éloigner de sa famille et de ses amis, cela peut indiquer qu’il vit une situation difficile. 5. Abandon des réseaux sociaux : enfin, méfiez-vous de votre enfant qui quitte soudainement les médias sociaux. A une époque où les jeunes investissent beaucoup de temps dans le développement de leur présence numérique, notamment sur les réseaux sociaux, la suppression abrupte d’un compte devrait déclencher une alerte. Pour conclure, il peut être très difficile – voire effrayant – pour les enfants de parler de leurs expériences ou d’admettre qu’ils sont victimes d’intimidation, c’est pourquoi il est important que les parents puissent savoir si leur enfant est victime de violence ou de harcèlement en ligne. Portez une attention particulière à l’état de santé de votre enfant et, au besoin, soyez prêt à lui donner un coup de main. Que faire en cas de doutes ? ESET recommande de contacter l’association e-enfance : https://www.e-enfance.org/ et pour les plus jeunes, de les accompagner avec un contrôle parental, en complément d’un dialogue et d’une sensibilisation aux risques. ESET-Afrique

Le suicide chez l’enfant et l’adolescent

Le suicide chez l’enfant et l’adolescent

TRIBUNE. J’ai remarqué ces dernières années, plusieurs publications médiatiques des cas de suicide chez les adolescents et plus particulièrement chez les enfants. Ceci suscite une douleur et une angoisse chez les lecteurs. Ainsi, j’ai vu qu’il est important de clarifier ce phénomène. 1- Quelques chiffres L’enfant ne peut pas concevoir la mort comme un phénomène irréversible avant 6 ans. En France un chiffre de 30 à 100 enfants se tuent chaque année mais on peut penser qu’un grand nombre d’accidents sont des analogues suicidaires et donc il est impossible de parler de suicide, car l’enfant ne peut en aucun cas avoir la même conception de suicide comme celle qu’on trouve chez l’adolescent et l’adulte. Par contre chez l’adolescent de -14 ans, le nombre de suicide, en France, est variable en fonction des années, par exemple en 2000 « 44 cas », en 2008 « 26 cas », en 2011 « 41 cas », en 2014 « 30 cas ». Donc il est difficile de dire que le nombre augmente, peut être c’est une impression suite à la quantité de publications des cas de suicide dans les médias! 2- Le suicide chez l’enfant Chez l’enfant on parle de « se donner la mort » et non de « suicide ». Il peut survenir suite à un passage à l’acte impulsivement sans aucune évaluation des véritables risques de perdre la vie. Ce passage à l’acte impulsivement peut être une solution à ses problématiques scolaires ou relationnelles ou familiales ou affectives. Il est difficile pour nous professionnels, d’imaginer que le suicide chez l’enfant est un acte réfléchi et prémédité. Aussi dans le même contexte, se donner la mort, peut être un accident en voulant imiter un héros ou un membre de la famille suicidé par exemple. Il peut survenir aussi dans un contexte dans lequel se confondent le jeu, l’aventure et l’insouciance. 3- le suicide chez l’adolescent Chez l’adolescent, se donner la mort peut être impulsif sans contrôle ou bien un passage à l’acte suite à une crise de colère, ou bien subir une grande injustice ou une rupture sentimentale ou encore une trahison. Chez l’adolescent, on peut parler de suicide prémédité et voulu et planifié face à une détresse affective, le plus souvent dans une relation pathologique avec ses parents 4- facteurs révélateurs du risque de suicide chez l’enfant Nous ne disposons pas de réelles études cliniques pour évaluer les risques de suicide chez l’enfant, du fait que l’enfant n’a pas encore une maturité intellectuelle et affective suffisantes pour exprimer sa douleur et sa dépression par exemple. Encore plus difficile, car l’enfant se donne la mort d’une manière impulsive et non réfléchie. 5- symptômes révélateurs de la probabilité de suicide chez l’adolescent Nous avons des signes cliniques suffisants pour évaluer le risque suicidaire réfléchi et impulsif. Raison pour laquelle nous restons toujours très vigilants sans aucune sous-estimation de ce risque au point où personnellement, je considère tout ado est exposé au risque de suicide et même devant des problématiques banales à nos yeux. Parmi ces facteurs révélateurs nous notons, l’isolement, la désocialisation, le désinvestissement scolaire, la négligence de son hygiène, la tristesse, l’amaigrissement ou la prise de poids, les crises de colères ou l’absence de l’autodéfense, l’effacement, trop ou peu de sommeil, les antécédents familiaux de suicide, difficultés scolaires et relationnelles, des idées de mort, une joie ou une tristesse excessive par exemple. Devant ces symptômes, il est impératif de consulter un spécialiste. 6- l’âge d’apparition de suicide L’enfant ne pense pas au suicide en tant que tel, mais plutôt au désir de mourir et il ne peut concevoir le suicide et le planifier qu’à partir de 10-12 ans à peu près. 7- parler du suicide avec les enfants et les ados Nous savons que les enfants, par le biais des réseaux sociaux, s’intéressent à ce phénomène qui reste mystérieux pour eux, sachant que l’enfant est attiré par le mystère de toute chose. Les parents doivent parler du suicide comme une disparition définitive qui provoque du chagrin pour eux, car ils aiment fort leurs enfants. Ils doivent leurs expliquer, que quelques soient les raisons, ils sont là et ils sont capables de les résoudre afin de continuer de vivre ensemble, car les gens qui nous aiment ont besoin de nous. Insister aussi sur le fait que s’ils parlent aux proches, au médecin de famille et à la maitresse de leurs difficultés et souffrances, ils pourront être aidés par eux et rester en vie à coté de ceux qui les aiment. Les parents doivent être très proches de leurs enfants, présents, passer du temps avec eux et jouer beaucoup avec eux. Nous devons leur exprimer notre amour sans réserve et être réellement présents dans leur vie en s’intéressant à leur monde, à leurs amis, à leurs problèmes avec leurs camarades et ne pas considérer ceux-ci sans aucun intérêt « trucs d’enfants ». Leurs expliquer que chacun de nous a ses problèmes selon son âge et nous les vivons tous avec douleur. Les parents doivent  être prudents de ne pas considérer le chagrin de l’enfant suite à une dispute avec ses amis par exemple, n’est rien devant le chagrin de la perte d’emploi chez l’adulte, il s’agit toujours du chagrin. Le fait de s’intéresser à l’enfant de cette manière, consolide les liens d’amour et imbibe l’enfant d’affection. C’est le fait d’être aimé qui donne un sens à la vie. Docteur Jaouad MABROUKI Expert en psychanalyse de la société marocaine et arabe

Refus de visa : quand la suspicion prime sur l’intérêt supérieur de l’enfant*

Refus de visa : quand la suspicion prime sur l’intérêt supérieur de l’enfant*

TRIBUNE. V., un enfant de 12 ans veut rejoindre sa mère reconnue réfugiée en France. Il est actuellement bloqué et seul au Maroc, à la suite d’un refus de visa de l’ambassade de France. Militante politique en République démocratique du Congo (RDC), sa mère, Madame M. a été contrainte de quitter son pays en urgence en laissant derrière elle trois de ses enfants. Arrivée en France fin 2015, elle obtient le statut de réfugié un an plus tard. Entretemps, son fils aîné de 12 ans, V., prend le chemin de l’exil avec son oncle pour tenter de la rejoindre. Arrivé au Maroc, son oncle a du rapidement repartir. Il confie à un compatriote le garçon, qui est éligible à une procédure de réunification familiale, pensant que l’obtention d’un visa ne serait qu’une formalité. En effet, une personne réfugiée en France a le droit de faire venir sa famille. Mais la réalité est toute autre comme souvent dans les procédures de réunification familiale des réfugié·e·s. En juin 2017, V. se présente pour la première fois à l’ambassade de France pour demander un visa. L’agent consulaire refuse de le recevoir. La Cimade alerte alors le poste consulaire sur l’urgence de la situation et contacte le GADEM pour l’accompagner dans ses démarches. Commence alors pour ce jeune garçon un long combat pour répondre à toutes les exigences administratives et compléter le dossier. En novembre 2017, alors que celui-ci est complet, une nouvelle demande de rendez-vous au consulat reste sans réponse. Face à ce silence, le GADEM interpelle à de nombreuses reprises les services consulaires. Ce n’est que le 21 février 2018 que V. peut enfin déposer son dossier de demande de visa au consulat général de France à Rabat, soit 10 mois après la première tentative. La Cimade alerte à plusieurs reprises en France le Bureau des familles de réfugiés (BFR), qui co-instruit les dossiers de demande de visa, sur l’urgence de statuer au vu de la dégradation de l’état de santé physique et psychologique de l’enfant. Livré à lui-même, hébergé dans des conditions précaires et déscolarisé depuis deux ans, V. menace de se tuer ou d’embarquer sur un bateau de fortune. Malgré cela, le 22 juin 2018, deux jours après la Journée mondiale des réfugiés, V. se voit notifier un refus de visa par le poste consulaire au motif que « l’intérêt supérieur de l’enfant commande qu’il reste auprès de son autre parent dans son pays d’origine » et que la demande de réunification familiale n’a pas été faite pour les deux autres enfants restés au pays. Si le consulat et le BFR avaient réellement étudié le dossier, ils auraient pourtant pu y lire que le père de V. est réfugié aux Pays-Bas et qu’une démarche de réunification pour les deux autres enfants a bien été entamée, mais que les dossiers n’ont toujours pas pu être déposés à l’ambassade de France en RDC, faute de délivrance de passeports par les autorités congolaises. Le GADEM et La Cimade rappellent que la France a ratifié la Convention internationale des droits de l’enfant, dont l’article 10 §1 dispose que « toute demande faite par un enfant ou ses parents en vue d’entrer dans un État partie ou de le quitter aux fins de réunification familiale est considérée par les États parties dans un esprit positif, avec humanité et diligence ». De plus, le Comité exécutif du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés, dans sa résolution n° 85 (XLIX) – 1998, « exhorte les États, conformément aux principes et normes pertinents, à prendre les mesures nécessaires pour faciliter le regroupement familial des réfugiés sur leur territoire, surtout moyennant l’examen de toutes les demandes connexes dans un esprit positif et humanitaire et sans retard indu ». Le jeune V. doit rejoindre sa mère en France dans les plus brefs délais. Plus généralement, La Cimade et le GADEM demandent un accès facilité aux familles de réfugié·e·s dans les consulats français et l’arrêt de la suspicion systématique qui freine la procédure de réunification familiale. Cela rallonge la durée de séparation des familles, met des enfants en danger et ajoute un traumatisme à des personnes ayant déjà subi des violences extrêmes. *Une contribution du GADEM (Groupe antiraciste d’accompagnement et de défense des étrangers et migrants)