Congo Brazzaville/Economie forestière. Le contrat de partage de production 60/40 est-il suicidaire pour les forestiers?
Les autorités congolaises se sont attachées les services du prestigieux bureau d’études français FRMI pour produire, pour la première fois au monde, un contrat de partage de production en milieu forestier qui attribue un taux de 60% des profits à l’Etat congolais et 40% de profits aux sociétés productrices des biens et services forestiers. Un avant projet de loi y relatif est déjà dans les tuyaux. Des experts indépendants du secteur et forestiers, unanimes, redoutent la faillite du secteur, si cette loi ne subit pas des aménagements adaptés au contexte de l’écosystème forestier du Congo. À la lecture du contrat de partage de production proposé par FRMI aux autorités congolaises, il y écrit : » Le régime du partage de production s’inscrit dans une évolution forte de la Filière Bois du Bassin du Congo comportant plusieurs changements structurels en cours de déploiement dans la sous-région: interdiction d’exploitation des grumes se généralisant. Découpage Exploitation-Transformation rendu nécessaire par le blocage structurel de l’intégralité-industriel du Bois. Développement des Zones Economiques Spéciales(ZES) avec des mesures incitatives ciblant notamment l’industrie du bois. Émergence d’industriels du bois spécialisés et non forestiers apportant de nouvelles technologies et de nouveaux marchés « . Sur le plan strictement financier, le contrat élaboré par le bureau d’études français FRMI vante le dopage des recettes de l’Etat au bout de 5 ans et plus. Les revenus issus directement du Partage de Production remontent à près de 18 milliards FCFA à 5 ans puis à 21,5 milliards FCFA à 10 ans. Et parallèlement, ceux de la vente de grumes s’élèveront à 7,5 milliards FCFA à 5 ans et 15,7 milliards FCFA à 10 ans. Tout compte fait, les revenus de l’Etat pourraient croître, selon les prévisions, à 25,3 milliards FCFA à 5 ans, soit +25% et de l’ordre de 37,2 milliards FCFA à 10 ans, soit +84%. À titre de comparaison, les revenus de la fiscalité forestière actuelle, y compris la taxe d’exportation, s’élèvent à 20,2 milliards FCFA. L’ aspect d’augmentation des revenus de l’Etat semble être la principale source de motivation des autorités congolaises qui ne manquent pas de comparer les leurs au Gabon qui engrange désormais, depuis sa réforme du secteur forestier, entre 300 et 400 milliards FCFA, au titre de recettes budgétaires annuelles provenant du bois. « Une erreur, puisque le Gabon n’a pas fait appliquer un contrat de partage de production aux concessionnaires », fait remarquer Michel Djombo, président du plus important patronat du Congo. De l’avis des experts indépendants interrogés, et pas des moindres, le cabinet français FRMI a manqué de tact en voulant innover dans le secteur forestier congolais. Le contrat de partage de production 60/ 40, unique au monde, qui consacre le monopole de l’Etat congolais est inapproprié. « Il convient de noter que ce monopole de l’Etat, expérimenté par le passé, s’était déjà soldé par un échec », précise, sans sourciller, André Ondélé- Kanga, expert de l’économie forestière, qui s’est récemment fendu d’un « Avis d’objection des résultats de l’étude du cabinet FRMI sur le partage de production en milieu forestier « . L’ingénieur hors classe de l’économie forestière congolaise et spécialiste de la gouvernance forestière fait remarquer que la répartition des bénéfices d’une exploitation forestière n’est pas uniforme au niveau de toutes les sociétés forestières. Et pour cause, elle est calculée à la proportionnelle par voix du principe social du « PLUS FORT RESTE ». Faut-il noter que ce partage à la proportionnelle n’influe ni sur la production des grumes à l’échelle nationale ni sur le chiffre d’affaires individuel des sociétés forestières. Comment peut-on alors globaliser une quantification uniforme des recettes dans une forêt qui compte plus de 200 espèces de bois différents les uns des autres? Il est à craindre que l’application de la loi, dans les tuyaux, signe l’acte de décès du secteur forestier congolais, du fait de son manque d’attractivité à comparer aux autres pays du Bassin du Congo. « On hasarde de perdre en voulant trop gagner », conseille Jean de La Fontaine. Nous y reviendrons Par A. Ndongo Journaliste économique et financier, Brazzaville Congo.