Les prix de l’énergie et de l’alimentation devraient rester élevés jusqu’à la fin de 2024

Les prix de l’énergie et de l’alimentation devraient rester élevés jusqu’à la fin de 2024

Les tensions sur les prix de l’énergie et de l’alimentation dues à la guerre en Ukraine pourraient durer plusieurs années, prévient la Banque mondiale dans la dernière édition de son rapport « Commodity Markets Outlook ». Dans ce document, publié mardi 26 avril, l’institution financière internationale estime que  les prix vont se maintenir à des niveaux historiquement élevés jusqu’à la fin de 2024. Les prix de l’énergie vont probablement grimper de plus de 50% en 2022 avant de baisser en 2023 et 2024, indique la Banque mondiale expliquant que la guerre en Ukraine a provoqué un choc majeur sur les marchés des produits de base et modifié la physionomie des échanges, de la production et de la consommation dans le monde. S’agissant des biens non énergétiques, notamment les produits agricoles et les métaux, l’institution spécialisée des Nations unies estime qu’ils devraient augmenter de près de 20% en 2022, puis diminuer également au cours des années suivantes. L’organisation internationale relève en revanche que « les prix des produits de base devraient rester bien supérieurs à la moyenne des cinq dernières années et, en cas de guerre prolongée ou de nouvelles sanctions contre la Russie, ils pourraient devenir encore plus élevés et plus volatils que ce qui est actuellement prévu ». Parallèlement, et en raison des perturbations du commerce et de la production consécutives à la guerre, le cours du pétrole brut (Brent) devrait de son côté atteindre une moyenne de 100 dollars le baril en 2022, soulignent les auteurs dudit rapport précisant qu’il correspondra dans ce cas à son plus haut niveau depuis 2013 et à une augmentation de plus de 40% par rapport à 2021. Dans son rapport, la Banque mondiale assure toutefois qu’« il devrait baisser à 92 dollars en 2023, ce qui sera bien au-dessus de la moyenne sur cinq ans de 60 dollars le baril ». Selon les prévisions de l’institution de Bretton Woods, l’analyse de la situation tend à montrer que « les cours du gaz naturel (européen) devraient être deux fois plus élevés en 2022 qu’en 2021, tandis que les prix du charbon devraient être 80% plus élevés, soit des sommets historiques dans les deux cas ». Il est à noter que les cours du blé devraient au cours de cette même période  augmenter de plus de 40% et atteindre un niveau record en valeur nominale cette année. Ainsi que le craint la Banque mondiale, une telle hausse « pénalisera les économies en développement qui dépendent des importations de blé, notamment en provenance de Russie et d’Ukraine ». Quant aux prix des métaux, ils devraient de leur côté progresser de 16% en 2022 avant de s’atténuer en 2023, mais en se maintenant à des niveaux élevés, explique l’institution. Comme le craignaient bon nombre d’économistes et de conjoncturistes, tout porte à croire que la hausse des prix de l’énergie au cours des deux dernières années a été la plus importante depuis la crise pétrolière de 1973. Aussi, selon les analystes de la Banque mondiale, celle des matières premières alimentaires – dont la Russie et l’Ukraine sont de grands producteurs – et des engrais, dont la production dépend du gaz naturel, n’a jamais été aussi forte depuis 2008. Pour Indermit Gill, vice-président de la Banque mondiale pour le pôle Croissance équitable, finances et institutions, il ne fait aucun doute que « globalement, il s’agit du plus grand choc sur les produits de base que nous ayons connu depuis les années 70 ». Cité dans un communiqué de l’institution financière, ce dernier fait un constat : «Comme c’était le cas à l’époque, ce choc est aggravé par une recrudescence des restrictions au commerce des denrées alimentaires, du carburant et des engrais ». Parce que ces phénomènes ont commencé à faire planer le spectre de la stagflation, Indermit Gill estime que « les décideurs politiques devraient saisir toutes les occasions de stimuler la croissance économique au niveau national et éviter toute action néfaste pour l’économie mondiale. » Car, comme le craint Ayhan Kose, directeur de la division Perspectives de la Banque mondiale, qui produit le rapport, « la hausse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie a un coût humain et économique considérable et risque de freiner les progrès en matière de réduction de la pauvreté ». Il y a vraiment de quoi s’inquiéter d’autant plus que « cette augmentation des prix des matières premières exacerbe les pressions inflationnistes déjà élevées partout dans le monde », rappelle-t-il. Les marchés des produits de base étant soumis à une pression énorme, « cela aura des répercussions durables », indique pour sa part John Baffes, économiste senior au sein de la division Perspectives de la Banque mondiale. Selon lui, « la forte hausse des prix des intrants tels que l’énergie et les engrais pourrait provoquer une baisse de la production alimentaire, notamment dans les économies en développement. L’utilisation réduite d’intrants pèsera sur la production et la qualité des aliments, ce qui affectera les disponibilités alimentaires, les revenus des populations rurales et les moyens de subsistance des pauvres. » Alain Bouithy

Les effets du COVID-19 sur l’alimentation et l’agriculture à l’échelle mondiale

Les effets du COVID-19 sur l’alimentation et l’agriculture à l’échelle mondiale

«A l’heure où le virus se propage et où les cas augmentent, et alors que de nouvelles mesures sont prises pour endiguer sa diffusion, le système alimentaire mondial va subir un bouleversement et une mise à l’épreuve dans les prochaines semaines et les prochains mois », a annoncé l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). «Nous risquons une crise alimentaire imminente si des mesures ne sont pas prises rapidement pour protéger les plus vulnérables, préserver les chaînes d’approvisionnement alimentaire mondiales et atténuer les effets de la pandémie sur l’ensemble du système alimentaire», a prévenu l’agence onusienne. Selon l’organisation internationale, « la fermeture des frontières, les mesures de quarantaine et les perturbations des marchés, des chaînes d’approvisionnement et des échanges commerciaux pourraient restreindre l’accès des populations à des ressources alimentaires suffisantes, diverses et nutritives, en particulier dans les pays durement touchés par le virus ou déjà touchés par des niveaux élevés d’insécurité alimentaire ». A en croire la FAO, la communauté internationale doit s’attendre à des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement alimentaire à partir des mois d’avril et de mai. Ainsi qu’elle l’explique sur son site Internet, « les restrictions de mouvements, ainsi que les réactions de défiance des travailleurs, peuvent empêcher les agriculteurs de faire leur travail et les transformateurs de denrées alimentaires – qui manipulent la grande majorité des produits agricoles – de les transformer ». Autre situation à craindre : la pénurie d’engrais, de médicaments vétérinaires et d’autres intrants qui pourrait affecter la production agricole, selon elle. Ce n’est pas tout, puisqu’il faut également s’attendre à ce que « les fermetures de restaurants et les achats moins fréquents dans les épiceries diminuent la demande de produits frais et de produits de la pêche, ce qui affecte les producteurs et les fournisseurs», avertit de même source l’agence affirmant que les petits exploitants agricoles seront particulièrement vulnérables. En outre, les mesures limitant la circulation notamment «des travailleurs saisonniers pourraient avoir des effets sur la production agricole et, par conséquent, impacter les prix sur les marchés à l’échelle mondiale».Par ailleurs, «les mesures destinées à garantir des conditions sanitaires acceptables dans les usines des produits alimentaires pourraient, quant à elles, entraîner un ralentissement de la production». Pour ceux qui n’auraient pas encore pris la mesure de la menace, la FAO rappelle que «la demande alimentaire dans les pays les plus pauvres est particulièrement liée aux revenus, de sorte qu’une perte des sources possibles de revenus pourrait avoir des effets sur la consommation». Mais en dépit de toutes ces menaces qui pèsent à la fois sur les vies et les moyens de subsistance des populations, à l’échelle mondiale, la FAO se veut toutefois rassurante. En effet, elle soutient que, «pour l’instant, les perturbations sont minimes car les approvisionnements en produits alimentaires ont été adéquats et les marchés sont restés stables ». L’agence estime, en outre, que « le niveau des stocks mondiaux de céréales est encore bon et les prévisions sur les récoltes du blé et les principales cultures sont positives pour 2020 ». Par ailleurs, en dépit du fléchissement de la production alimentaire pour les denrées de grande valeur (par exemple les fruits et les légumes) qui aurait probablement déjà eu lieu, la FAO affirme qu’« il n’est pas encore perceptible car il est attribué aux mesures d’endiguement et aux perturbations de la filière ». L’organisation appelle toutefois à la prudence. Et pour cause, si le moment n’est pour l’instant pas à la panique du fait qu’« au niveau mondial, il y a assez de nourriture pour tout le monde », elle exhorte les décideurs politiques du monde entier à « veiller à ne pas répéter les erreurs commises lors de la crise alimentaire de 2007-2008 et à ne pas transformer cette crise sanitaire en une crise alimentaire tout à fait évitable». Car, comme elle le souligne, «nous savons que la maladie finira par se résorber mais nous ne savons pas combien de temps cela prendra». Alain Bouithy