Poésie congolaise. Ainsi faite, la vie de Jean-Pierre Heyko Lekoba : Quête des origines et ancrage nationalitaire

Poésie congolaise. Ainsi faite, la vie de Jean-Pierre Heyko Lekoba : Quête des origines et ancrage nationalitaire

L’ancrage nationalitaire à partir duquel se définit l’œuvre de Jean-Pierre Heyko Lekoba illustre une certaine volonté de sortir des ténèbres et de postuler efficacement le progrès sur tous les plans. Ce qui traduit, inéluctablement, la portée fonctionnelle de son écriture, autant que sa conception de la littérature. Une telle démarche de sa part, instaure une poétique du « bon sens » qui tend à repenser l’homme dans sa relation avec les valeurs sociétales. Il s’agit là d’un élément inhérent à la construction de ses « métaphores obsédantes », et qui se révèle, sans nul doute dans l’ouvrage qui nous concerne directement ici. Le pari dont parle le Pr Mukala Kadima-Nzuji dans son discours préfaciel, trouve bel et bien son sens dans cette sorte de transfrontalité générique, selon qu’ici, l’auteur nourrit son imaginaire d’un genre littéraire nouveau, à savoir, la poésie. Cependant, il convient d’affirmer d’emblée, qu’à travers les linéaments du texte, nous assistons à une simple mue de l’écriture, par rapport aux canons esthétiques, car, sur le plan fonctionnel, il s’agit  d’une simple confluence idéologique.     Le recueil de poèmes Ainsi faite, la vie renouvelle cette même rhétorique militante et pose de façon manifeste une problématique existentielle, l’existence humaine, en ce que la définition de soi se rapporte à celle de l’autre, de ses origines et de sa culture. En effet, l’énoncé titrologique illustre une réalité conclusive, une évidence sur le cours historique des événements. Ce qui renforce le côté traditionnaliste de l’écrivain en général, et du poète, en particulier, dans sa saisie du monde, en étant tout de même dépositaire d’un savoir ancestral, comme nous pouvons le découvrir dans son récit, O’tsina. Les Sentiers des origines, voire dans cette somme poétique, à travers les poèmes : « Terre des origines », « Olèbè », « La colline » et « Chant des mânes ». En effet, tout en dévoilant sa part d’universalité, Jean-Pierre Heyko Lekoba reste enraciné dans ses valeurs ancestrales. La conjugaison des univers et le jumelage des cultures et des civilisations, marquent une certaine authenticité et un désir probant de postuler l’évolution des mondes par le biais de la culture. Ici, le poète assigne à certains de ses poèmes une africanité senghorienne qui ne désigne autre qu’une esthétique de réciprocité et un décloisonnement de la pensée humaine. C’est d’une fierté en soi qu’il s’agit, question de valoriser avec force, sa culture afin de mieux penser le monde. C’est dire effectivement, qu’avec une dose de nostalgie, Jean-Pierre Heyko Lekoba propulse une poésie d’enracinement, à l’image de Jean-Baptiste Tati Loutard dans Poèmes de la mer et Les Racines congolaises, de Dominique Ngoi-Ngalla dans Poèmes rustiques, ou encore, de Marie-Léontine Tsibinda dans Poèmes de la terre, pour ne citer que ceux-là. Il se dégage de cette même perspective, un rappel des origines dans l’élaboration d’une société dite moderne. C’est là l’occasion pour l’auteur, d’attiser une conscience sociale et historique sur la question de l’enracinement traditionnel afin de penser véritablement le monde.  Car comme l’affirme Leroi-Gourhan : «  l’homme du futur est incompréhensible si l’on n’a pas compris l’homme du passé ». Cette compréhension du passé, permet de conscientiser la postérité sur les dérives ou méandres du passé, comme c’est le cas quand le poète rend compte de cette utopie négatrice ou de cette illusion-désillusion : « Tel était le Congo ! Plus jamais ça ! Nous l’avons dit Plus jamais ça Nous l’avons hurlé Et pourtant Pères et mères se livrent encore aux mains Ils engagent dans la bataille le sang de leurs fils Et se renouvellent les mêmes luttes fraternelles » (p.27) La dimension onirique de sa poésie fait entrevoir sa foi en l’avenir. Ce qui nous amène à réfléchir sur les jalons de la bonne gouvernance et la mise en place d’une conscience citoyenne et nationalitaire, par exemple, lorsqu’il parle de son « rêve [pour] le Congo », comme nous pouvons le découvrir à la page 25.  Cette poésie est expressive d’une forme de patriotisme que nous découvrons dans le poème « la congolité mon rêve ». Ce qui revient à dire que Jean-Pierre Heyko Lekoba nous propose là, une forme d’écriture salvatrice qui s’appuie sur les valeurs humanistes pour poser et définir l’avenir du Congo. Parlant de cette « congolité », il aspire à la promotion d’une unité nationale comme véritable pilier du développement. Il écrit à propos :             « La Congolité ! Notre identité partagée De génération en générations Un sillon profond sur le chemin De l’unité Le défi des filles et fils » (p.24, « La Congolité mon rêve ») Par ailleurs, il évoque dans le poème « jours d’avant », la tragédie du 04 mars 2012, et de ses répercussions dans la mémoire collective des Congolais. Ainsi écrit-il :                 « l’instant d’après étouffe la danse Le soleil se pare de noir Et mon pays, dans les ténèbres Tonnerres de feux éclatants Maisons éventrées ruelles désertées » (pp.19-20 « Jours d’avant ») Le poète tend également à immortaliser les lieux mythiques de sa jeunesse, comme pour les rappeler à ceux de sa génération, notamment le quartier Poto-Poto, considéré comme symbole du syncrétisme culturel. Il affirme à propos : « Poto-poto Mon quartier de notre enfance Comme tu nous manques » (« Poto-poto », p.35) En dernière instance, Ainsi faite, la vie s’appréhende dans sa tangibilité poétique et thématique, comme une véritable quête des origines, car le texte signe l’avènement d’un ancrage ancestral. Ainsi donc, ce recueil se donne à lire comme « une défense et illustration » de l’âme ancestrale de l’auteur, tout en révélant une conscience sociale, historique et citoyenne. Ce qui par ailleurs traduit l’optimisme de notre poète face à l’avenir, d’où son affirmation : « j’ai foi en l’avenir de mon pays. Cela m’aide à nommer les choses telles qu’elles sont » (p.15) Rosin Loemba Ecrivain et critique littéraire rosinloemba@gmail.com