Congo. L’écrivain Letembet Ambily : 20 ans après

Congo. L’écrivain Letembet Ambily : 20 ans après

Ce 13 octobre 2023 correspond, jour pour jour, au vingtième anniversaire de la mort d’Antoine Letembet Ambily, un romancier méconnu, mais un grand nom au niveau des dramaturges. Vingt ans après sa mort, peu de gens savent qu’Antoine Letembet Ambily s’était aussi fait remarquer par le seul et unique roman au titre de La femme d’espoir, publié en 1994, quelques années avant sa mort. Mais on l’a connu plus homme politique et dramaturge. Son nom a marqué l’histoire sociopolitique du Congo. Une bibliothèque venait de brûler le 13 octobre 2003 à Brazzaville après une vie fructueuse tant sur le plan politique que culturelle. Il était l’un des grands animateurs de la revue Liaison avant les indépendances, outil culturel où s’étaient remarqués aussi ses compatriotes comme Sylvain Bemba, Patrice Lhoni, Placide Nzala Backa et autres. Letembet Ambily s’était révélé dramaturge quand il va emboîter les pas de son cadet Guy Menga qui venait d’inaugurer le Prix du concours théâtral interafricain de l’ORTF (Office de Radiodiffusion Télévision Française), aujourd’hui Radio France Internationale, en 1969 avec L’Oracle et La Marmite de Koka Mbala. Letembet Ambily sera le deuxième Congolais à décrocher ce Prix du concours théâtral interafricain avec la pièce intitulée L’Europe inculpée. S’en suivront d’autres noms célèbres dans ce domaine tels Sylvain Bemba et Sony Labou Tansi, ce dernier étant considéré comme le meilleur dramaturge congolais de son époque avec son Rocado Zulu Théâtre. Antoine Letembet Ambily a été aussi un bon romancier. Nous vous présentons son seul récit La Femme d’espoir qu’il avait publié en 1994, un roman qui construit un pont entre la tradition et la modernité. Unique roman de l’auteur, La Femme d’espoir (1) apparait comme une fresque socio-historique dont les événements se situent à cheval entre l’époque coloniale et celle qui vient après les indépendances. Toute l’histoire met en relief les us et coutumes du Congo septentrional (La Likouala Mossaka) au contact du catholicisme. Le récit commence par un côté fantastique : un rêve qui n’a pas été révélé au chef du village Ndombi. Ainsi, dans la tradition, les villageois condamnent le « rêveur » accusé d’être à l’origine du malheur qui a frappé le village d’Okaya. A partir de cette situation, commence à naître l’héroïne Marie Noëlle Gnanvoua qui, avec l’appui d’autres femmes, essaie de lutter contre l’intransigeance et l’égoïsme des hommes. Et quand le vieux Ndombi meurt, abandonné par ses autres femmes sauf Gnanvoua, le récit change brusquement de ton ; cette dernière devient chef de canton à la place de son défunt mari. A partir de ce moment, la suite du récit sera presque focalisée sur elle. Liant son intelligence aux apports de la religion, elle organise le village. Avec Gnanvoua, le pouvoir de la femme se concrétise par la création des associations féminines pour la défense de leurs intérêts vis-à-vis des hommes. La mort de son mari la lance brusquement dans le firmament du pouvoir. Aidée par Jean Pierre, son nouvel époux choisi par le défunt Ndombi, les responsables coloniaux et ses amies, Gnanvoua incarne le respect de tout le monde et gravit les marches du pouvoir sans problèmes malgré quelques pesanteurs de la tradition. : ses parents ne sont pas d’accord avec leur fille quand celle-ci devient un grand chef car leurs fétiches ne sont pas assez puissants pour la protéger. Transformée par la religion, elle n’hésite pas à se surpasser et à rassurer ses parents : « Etant devenue chrétienne ; je ne crois plus aux fétiches. Je me suis confiée à Dieu et sa Mère, rien donc de dangereux ne m’arrivera… ». On peut dire que ce roman fait l’apologie de la religion catholique : Ndombi est baptisé avant sa mort, elle-même Gnanvoua vivra pendant un moment au couvent et aura pour nom de baptême, Marie Noëlle. Avec un style simple et clair qui respecte les règles classiques de la langue française et du roman, La Femme d’espoir (2) peut être considéré comme un roman colonial et féministe qui rappelle La Légende de Mpfoumou ma Mazono de Jean Malonga. Dans le déroulement du récit, on note que la plupart des personnages actifs sont les femmes ; les hommes, dans leur rivalité pour le pouvoir, assistent paradoxalement au règne de la femme. Noël Kodia-Ramata Notes (1) Letembet Ambily, La Femme d’espoir, Imprimerie nationale du Congo, Brazzaville, 1994 (2) Note de lecture extraite du Dictionnaire des œuvres littéraires congolaises : Romans et recueils de nouvelles de Noël Kodia-Ramata, éditions Paari, Paris/Brazzaville, 2009, 534p. Œuvres dramatiques de l’auteur L’Europe inculpée, ORTF, 1969, Paris et Clé, Yaoundé, 1969 La femme infidèle, Imprimerie nationale du Congo, Brazzaville, 1973 Les Aryens, Clé, Yaoundé, 1977 La Mort de Barthélémy Boganda , Imprimerie du Zaïre, 1983