Haïti. L’œuvre de Rose-Margarette Milcé Bien-Aimé : un assaisonnement nouveau pour l’esprit

La peinture de la plasticienne haïtienne Rose-Margarette Milcé Bien-Aimé est une peinture d’offrande, une peinture spirituelle où tout est silence et sérénité. Aucun bruit, aucune interférence, une harmonie totale, à mi-chemin entre le rêve et la réalité. Dans l’univers pictural de cette artiste-peintre, qui vit et travaille à Port-au-Prince, la capitale et la ville plus peuplée d’Haïti, cette approche esthétique devient un rituel et un acte de représentation. L’espace du tableau devient alors un tremblement, un souvenir, un détail, un tourbillon chromatique, une vérité mystérieuse, une fissure spirituelle, entre autres. Il y a dans la peinture de Rose-Margaretteune absence de concession, une recherche d’un monde personnel, d’une harmonie qui semble naître de sentiments. Ses œuvres abstraites contemporaines sont l’aboutissement de ses recherches, études de styles visant la définition, la jonction entre l’absence et la présence, le vide et le plein, le visible et l’invisible. Que ce soit à l’aquarelle ou à l’acrylique, cette artiste, lauréate de l’Institut d’études et de recherches africaines d’Haïti (IERAH) de l’Université d’État d’Haïti et du Centre communautaire de loisirs, Sherbrooke INC, peint des mouvements, lumières, formes suggérées qui s’accordent dans ses tableaux, au point, parfois, de tutoyer l’abstraction. Peindre c’est d’abord un plaisir qui lui permet de communiquer aux autres sa vision, d’amener l’invisible au visible, de mettre le point sur l’irréel et le réel, c’est aussi la possibilité de transmettre la poésie de la vie en les faisant sortir de la guerre duelle. Ses toiles se construisent sans idée préconçue. Elles résultent de l’inspiration du moment. Une fois finies, elle y pose un regard aussi pénétrant que contemplatif. Elle est dans le plaisir de l’accouchement et elle s’émerveille de chaque nouveau bébé. Décidément, dans ses œuvres, Rose-Margarette travaille des nuances de couleurs afin que celles-ci ne deviennent pas des acteurs au sens dramatique. Elle a même cherché à détruire l’espace au sens traditionnel et à construire dans une nouvelle plastique indépendante de référence déjà vue. Riches et diversifiées, ses œuvres se prononcent comme des poèmes visuels aux dimensions lyriques en constante expansion. Nourris de sa propre expérience de la vie, ses travaux sont à la fois métaphoriques, symboliques, poétiques et philosophiques. Ils sont une ode à la vie. En coloriste, elle ne néglige pas les effets de matière. Pour elle, l’abstraction dans la peinture artistique est la recherche de la paix, une joie interne d’une tranquillité de cette paix.Après tout, un peu de charlatanerie est toujours permis au génie, et même ne lui messied pas. C’est, comme le fard sur les pommettes d’une femme naturellement belle, un assaisonnement nouveau pour l’esprit. Elle nous fait ainsi découvrir quel labeur exige cet objet de luxe qu’on nomme peinture. Le but étant d’arriver à bon équilibre du mixage des différentes techniques employées. Sa superbe peinture, de caractère universel, n’est que le point de départ d’une errance dans laquelle cette artiste nous entraîne avec elle. Le regard vacille sans cesse, émerveillé entre ses toiles où chacune, d’une seconde à l’autre, suscite une vision nouvelle.Ainsi se révèle-t-elle multiple, polymorphe, créatrice d’un univers pictural authentique, comme toutes les grandes œuvres qui, qu’elles soient dramatiques, symphoniques, poétiques ou littéraires, sont si riches que l’on peut soi-même les déchiffrer et les interpréter de façons diverses. Et si la diversité est le propre de la nature humaine, Rose- Margarette, elle, jongle avec les différentes techniques mises à sa disposition. L’artiste haïtienne bouscule, malmène et renverse le sens commun des choses pour arriver à leur signification profonde. Ce qui explique sa ferme volonté de ne jamais s’en tenir des explications superficielles et d’aller plutôt au- delà des vues conventionnelles vers des réalités intérieures. Qu’on le veuille ou non, bien qu’elle soit toujours dans la recherche et l’expérimentation, elle reste fidèle à son vocabulaire formel et chromatique. L’espoir existe donc, en dépit de tout, au sein de la plus obscure des nuits. C’est normal : l’art n’exorcise-t-il pas, ne conjure-t-il pas les démons, ne sauve-t-il pas la plasticienne en lui permettant de recréer la Création après l’avoir décréée, et la «décréation» n’est-elle pas l’un des exercices majeurs des hautes traditions spirituelles ? Mais ce n’est pas, en tout cas, pour cette artiste- peintre, l’espoir d’une évasion de la peinture. Car comme le poète n’habite pas une terre mais une langue, Rose-Margarette, elle, n’habite pas le monde mais la peinture. C’est la seule mère-patrie dont personne ne peut l’expulser. La peinture est son Haïti inaliénable, son paradis retrouvé. La contemplation de ses œuvres éveille en nous des sensations visuelles, mais aussi et au-delà, des ondes sensitives, sensuelles, salées, sucrées ou épicées. Un frisson, la chair de poule, une douce chaleur. Ainsi, la résonance de l’âme conduit à la sensibilité et statue que l’harmonie des couleurs repose uniquement sur l’entrée en contact avec l’âme humaine et que cette base constitue le principe de la nécessité intérieure : la spiritualité. Mais au-delà des mots, ce qui reste de cette approche, c’est le plaisir évident de peindre, de suggérer des émotions et des sentiments, au fil desquels se profilent une histoire, une expérience parvenue à maturité, dont on saisira le sens plénier en sachant faire le silence en soi. Ayoub Akil
Maroc/Exposition. Hommage posthume à Abdelkader Bentajer et Ali Didouh à la galerie La Kasbah d’Essaouira

Les cimaises de la galerie La Kasbah d’Essaouira abritent actuellement les œuvres remarquables de deux artistes pionniers dans le domaine de l’art au Maroc: Abdelkader Bentajer (1949-2023) et Ali Didouh (1932-2002). Cette exposition remémorative s’inscrit dans le cadre du cycle «Les Immortels d’Essaouira », qui se veut un hommage posthume à ces deux peintres. C’est une manière aussi de célébrer leur héritage, mais également de mettre en avant leurs créations caractérisées par une forte dimension onirique et une grande éloquence. Abdelkader Bentajar, natif de la région de Marrakech, a été séduit par la cité d’Essaouira, cette ville de lumière suspendue entre ciel et terre, au point que, dans ses œuvres, il épouse les couleurs traditionnelles de la ville : le bleu et le blanc, chers aux cœurs des habitants et amoureux de la cité bleue. Pour lui, la couleur bleue est la plus belle, car le ciel bleu est le seul ami et le compagnon fidèle des êtres du commencement jusqu’à la fin. « Les compositions élaborées regorgent d’éléments semblables oucontrastants, disposés en une symétrie presque ésotérique, révélant une pureté visuelle. Les couleurs et les figures, exécutées avec une rigueur technique, incarnent une vivacité qui surpasse la simple esthétique. Le réalisme des références guide notre regard, tandis que le symbolisme des thèmes et des concepts éveille en nous des résonances admirables. Enfin, le trait, empreint d’une imagination fertile, nous ouvre les portes d’une fascination où l’inconnu devient palpable. Ici, l’attente logique est doublée par une révélation inattendue : les éléments réalistes, loin d’être figés dans leur matérialité, sont sublimés par ce que l’on pourrait nommer le « rêve mogadorien», souligne l’écrivain et critique d’artM’barekHousni. Quant au deuxième artiste impliqué dans cette belle aventure, cette exposition à la Galerie La Kasbah d’Essaouira, à savoir Ali Didouh, il adopte dans ses créations artistiques une approche minimaliste qui lui permet de saisir la nature même de ses sujets et de transmettre une profondeur émotionnelle à travers sa peinture. Se concentrant sur l’essentiel, il crée des œuvres qui trouvent une résonance particulière chez le spectateur. Pour l’écrivain et critique d’art M’barekHousni., l’œuvre d’Ali Didouh ne s’éparpille pas en mille détails. «Elle se concentre sur l’essentiel: peindre des êtres, hommes (et animaux, plantes), dont les regards, qu’ils soient de face ou de profil, captivent et envoûtent. Les yeux, omniprésents et magnifiés par leur taille, exercent une véritable emprise sur le spectateur. Ils sont lourds de sens et de présence, conservant, malgré la simplicité du traitement artistique, leur courbe naturelle et leur essence même. Les visages, les corps, les pattes : chaque trait est un hommage à la forme, un ancrage dans le réel qui, paradoxalement, nous entraîne loin dans les méandres de la contemplation intérieure», indique-t-il. C’est précisément cette simplicité et cette intensité émotionnelle qui caractérisent le travail d’Ali Didouh et en font une figure marquante dans le paysage artistique marocain. Ses œuvres, selon M’BarekHousni, sont «des baies ouvertes sur des mondes poétiques, où l’imagination, d’une inventivité foisonnante, règne en maître. L’homme-bébé, la plante dont les racines jaillissent d’une coquille, l’âne aux sabots rouges sont autant de figures allégoriques, chacune porteuse d’une vision qui transcende le quotidien pour toucher à l’universel. C’est une poétique de l’étrange, où chaque créature devient le miroir d’une humanité profonde et d’une nature réinventée». Soulignons enfin que cette exposition/hommage est l’occasion pour les passionnés d’art de voyager librement, direction: les deux univers picturaux foisonnants d’Abdelkader Bentajer (1949-2023) et d’Ali Didouh. «Nous reconnaissons par l’appellation « Les immortels, artistes plasticiens de Mogador », les créateurs dont les traces artistiques, malgré leur décès, sont toujours parmi nous et assurent l’éternité des messages de leur création. Ils les ont laissées pour nous, pour toute l’humanité. Pour lecture et analyse, nous avons soumis ce projet à M’barekHousni, écrivain et critique d’art et Ahmed Harrouz, artiste chercheur. Tous deux également passionnés par cette initiative.Ainsi nous célébrons l’acquis de ce trésor artistique et rendons hommage à la mémoire de ces immortels artistes de Mogador en coordination avec Dr. Abdellah Cheikh, critique d’art et professeur chercheur», affirme Kabir Attar, fondateur et directeur de la Galerie la Kasbah.
Maroc/Exposition. Brahim El Haissan dévoile «Le Désert a une trace» à Tanger

La galerie d’art du Centre culturel Iklyle de Tanger, sous l’égide de la Fondation Mohammed VI pour la promotion de l’action sociale de l’éducation et de la formation, a accueilli vendredi dernier le vernissage de l’exposition individuelle du plasticien et critique d’art Brahim El Haissan. Organisée surle thème « Le Désert a une trace… », cette exposition, qui se poursuivra jusqu’au 3 juin 2025, donne à voir et à apprécier une série d’œuvres de l’artiste réalisées entre 2017 et 2025. Un catalogue de taille moyenne (44 pages), publié à l’occasion de cette exposition, comprend une biographie artistique, des représentations d’œuvres d’art, ainsi qu’une interview collective diversifiée sur le contexte thématique et les caractéristiques techniques et stylistiques qui marquent cette expérience créative .L’entretien avec El Haissan a été réalisée par une pléiade distinguée d ‘esthètes et de critiques d’art du Maroc et d’ailleurs à savoirTallalMoualla (Syrie), Mohammed Benhammouda, Fetah Benameur, Sami Ben Ameur et Khalil Gouia (Tunisie), Mohammad Al Ameri (Jordanie), Mostapha Issa, Amal Nasr, Mohamed Mahdi Hemida (Egypte), Ali Najjar (Irak), Fakhriya Al-yahyai (Sultanat Oman), AbdulrahmanAlSoliman (Saoudite arabe). Pour le Maroc, on retrouve Abdellah Cheikh, Chafik Ezzouguari,, Noureddine Fathy, BenyounesAmirouche, Aziz Azrhai, Driss Kattir, Hassan Laghdache et Said Kermas, ainsi que deux textes en français du critique français Daniel Couturier et de l’artiste et écrivain Hassan Moukdad. Toujours à l’occasion de cette exposition, une table ronde, organisée le 17 mai 2025 sur le thème «L’expérience de la trace dans l’art plastique», était animée par le poète et journaliste SaidKoubrit, avec la participation des critiques d’art, chercheurs etChafik Ezzouguari, Noureddine Fatihi, BenyounesAmirouche, Driss kattir, Abdelkarim El Azhar, Said Kermas, Ahmed Lotfeallah, Youssef Saadoune, Hassan Laghdache et Brahim Machtat, ainsi que la présentation du projet de livre «Veilleurs de la trace – Expériences picturales arabes» de Brahim El Haissan, présenté par le critique d’art Abdellah Cheikh. Selon Brahim El Haissan: «l’intitulé de cette exposition se veut une extension des titres des précédentes expositions personnelles dans lesquelles j’ai travaillé sur le concept de la trace dans son sens culturel et esthétique visuel, notamment «Le reflet de la Trace» (Laayoune, Boujdour et Tarfaya, 1999), «Enveloppes plastiques» (Casablanca, 2003), «Traces nomades» (Agadir, 2017 et Rabat, 2019), «La cartographie de l’effacement» (Rabat, 2018) et «Éloge de la trace» (Essaouira, 2020)». L’expérience picturale ne déroge donc pas à cette tradition, puisqu’elle mise également sur la trace dans des peintures pigmentaires et des objets d’art synchronisés aux étendues du désert… Cette trace apparaît et disparaît, elle est présente et absente autant qu’elle disparaît et s’éteint, imprégnée de dépôts de couleurs et de broderies qui donnent à la peinture une dimension visuelle métamorphosée. De ce fait, la trace devient une mémoire renouvelée qui reflète le désir de briser la permanence et une forme visuelle qui s’oriente vers l’éphémère en tant que caractéristique esthétique. Et ce, conformément à un concept qui a émergé avec le poète français Charles Baudelaire, qui a témoigné de la tendance de la beauté vers le temporaire, le fugace et l’éphémère, ainsi que les artistes dadaïstes qui ont brandi le slogan de briser les moments du temps du passé et du futur et de préserver le présent fugace. C’est ainsi que la trace dans le désert fuit et s’échappe au rythme de la dualité du nomadisme et de la stabilité. Il a ajouté que les peintures présentées à Tanger autour de la trace sont le résultat d’une recherche plastique principalement basée sur l’expérimentation de nombreux matériaux et matières colorantes, à la fois légers et épais (encres et pigments traditionnels). Cette recherche plastique est également basée sur l’investissement du résultat en «utilisant des supports appropriés en toile, papier et bois, des toiles prêtes à l’emploi et des toiles brutes à partir desquelles sont fabriquées les robes des femmes locales, ainsi que le papier « kraft », doux et grossier, qui m’accompagne depuis des années. Pour lui, la raison de l’usage de ce papier kraft s’explique par sa spécificité, son expressivité et son intégration dans le corps du tableau, ainsi que sa capacité à absorber et à faire couler la matière colorante, mais aussi à la montrer d’une manière visuellement frappante, et le bois mince, plat et figuré, avec sa beauté et sa capacité d’adaptation. L’effet est donc multiple, expansif et ouvert à la variation.
Clap de fin pour la Nollywood Week 2025 : le cinéma nigérian ovationné à Paris

Rideau sur la Nollywood Week 2025 ! Pendant cinq jours, du 7 au 11 mai 2025 le public parisien a vibré au rythme des projections, panels et rencontres autour du meilleur du cinéma nigérian. Fidèle à sa vocation de tremplin pour des voix émergentes, le festival a une nouvelle fois confirmé la vitalité, la diversité et la créativité des cinéastes venus du Nigeria et de sa diaspora. Le jury, composé de professionnels du secteur cinématographique, a salué l’audace des propositions artistiques présentées cette année. Voici les films récompensés : Catégorie Longs-métrages Prix du Jury : Legend of the Vagabond Queen Une œuvre puissante et visuellement saisissante qui a su captiver le jury par sa narration originale et la force de ses personnages. Mention spéciale : The Dog Pour son approche sensible et nuancée d’un récit personnel, salué pour sa direction artistique et son authenticité. Prix du Public : For Amina Un véritable coup de cœur du public, cette œuvre poignante a touché les spectateurs par sa sincérité et la performance remarquable de ses interprètes. Catégorie Courts-métrages Prix du Jury : The Screen Test Un film au dispositif audacieux qui interroge avec intelligence la notion de représentation à l’écran. Mention spéciale : Cut Me If You Can Pour son originalité formelle et son ton singulier, cette œuvre s’est distinguée par sa créativité et sa maîtrise narrative. Cette édition a bénéficié du marrainage éclairé de l’actrice, réalisatrice Aïssa Maïga, dont la présence a apporté une résonance particulière aux débats sur la représentation, la diversité et l’avenir du cinéma africain. À travers sa voix et son engagement, elle a rappelé l’importance de créer des ponts entre les cinémas africains et les scènes internationales. Initiée par Serge Noukoué et Nadia Shakur, la Nollywood Week poursuit, depuis sa création en 2013, un objectif clair : offrir une plateforme professionnelle et accessible aux talents nigérians et rapprocher leurs récits du public européen. Grâce à leur passion et à leur vision, le festival est aujourd’hui un rendez-vous incontournable du calendrier culturel cinématographique à Paris. Rendez-vous en 2026 pour une nouvelle édition pleine de découvertes cinématographiques ! À propos de la Nollywood Week : La Nollywood Week est un festival de cinéma qui se tient chaque année à Paris et met en avant la créativité et le dynamisme de l’industrie cinématographique nigériane, l’une des plus prolifiques au monde. L’événement offre une plateforme aux réalisateurs, producteurs et acteurs pour rencontrer un public international et explorer de nouvelles opportunités de collaboration. La programmation de la Nollywood Week est composée de longs-métrages, de courts-métrages et de séries télévisées. Cette année, ce sont 30 films de 8 nationalités différentes que le public parisien a découvert pendant ces 5 jours de fête.
INTERVIEW. Abdelkhalek Bel Arabi: « Il faut mieux diffuser la culture cinématographique afin d’améliorer la distribution et la réception du produit national»

Entretien avec le président de la Fédération nationale des Ciné-clubs du Maroc Partenariats, créations d’évènements cinématographiques, organisations d’ateliers de formation, projections de films éducatifs entre autres, édition de livres sur le 7e art… Nombreuses sont les actions que mènent la Fédération nationale des Ciné-clubs au Maroc dans le but redynamiser le secteur. Dans cet entretien, le président de la Fédération, Abdelkhalek Bel Arabi, nous explique en détails la nature de ces actions et les objectifs escomptés. Pages Afrik : La Fédération nationale des Ciné-clubs du Maroc vient de signer une convention de partenariat avec l’Académie régionale de l’éducation et de la formation (AREF) de Rabat-Salé- Kénitra. Pourriez-vous nous expliquer le cadre général de cet accord ? Abdelkhalek Bel Arabi: Cette convention a été signée à l’occasion de la session ordinaire du conseil d’administration de l’AREF, en présence de M. Mohamed Saad Berrada, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement initial et des Sports.Ce partenariat intervient après le dynamisme qu’a connu la Fédération nationale des Ciné-Clubs du Maroc depuis la signature d’un partenariat privilégié avec le Ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication – Secteur de la Culture. Ce nouveau partenariat définit le cadre général de la coopération entre l’AREF et notre Fédération en vue de développer et de diffuser la culture cinématographique dans les établissements d’enseignement de l’AREF conformément aux engagements et aux conditions précisés dans la présente convention. Quels sont les objectifs de cet accord ? L’accord fixe également des objectifs communs. Il s’agit notamment d’encourager et soutenir la création de ciné-clubs dans les établissements d’enseignement, œuvrer pour le renforcement de la technique cinématographique chez les étudiants et les élèves en leur offrant un divertissement cinématographique accompagné d’une éducation intellectuelle, esthétique, artistique et technique intégrée. Ce partenariat vise également la diffusion de la culture cinématographique afin d’améliorer la distribution et la réception du produit cinématographique national, l’organisation de plusieurs ateliers de formation pour les étudiants et les animateurs des ciné-clubs scolaires, l’accès aux salles de cinéma de la région pour que les élèves puissent assister aux projections programmées par les ciné-clubs et en débattre et l’accès aux projections commerciales de ces salles à un prix réduit. Quelles sont les actions que vous avez prévues pour atteindre les objectifs escomptés ? D’abord, nous allons organiser un concours d’écriture de scénarios, des ateliers de formation. Ensuite, il y a la production de films éducatifs. Enfin, l’organisation d’un festival en partenariat avec l’AREF. Il s’agit du Festival des ciné-clubs pour l’enfance et la jeunesse. Il sera l’aboutissement d’une année de travail rigoureux.J’ai été chargé de certains aspects techniques des salles relevant du ministère de la Culture. Depuis le début du partenariat, le ministère a commencé à former des jeunes des ciné-clubs aux aspects liés à la présentation des films et à la maintenance des équipements de projection, puis la Fédération a engagé des techniciens de son personnel qui effectueront ces tâches en échange d’un salaire mensuel conforme au salaire minimum tout en respectant le droit du travail en vigueur dans notre pays. Et c’est un aspect social important que notre Fédération réalise en faveur de la jeunesse, en plus des aspects tactiques et culturels. En parlant justement du ministère de la Culture, qu’en est-il des salles qu’il a équipées pour les projections de films ? Quelles actions avez-vous entreprises pour en faire des lieux de diffusion de la culture de l’image ? C’est un projet de longue haleine» qui entend combler le manque de salles de cinéma. Il s’agit de l’ouverture de plus de 150 salles de cinéma dans les 12 régions du Maroc. La première tranche de ce projet a été lancée à Tamsna en mars dernier prévoit l’ouverture de 50 salles de cinéma. Cette initiative a pour objectif de promouvoir l’industrie culturelle et cinématographique en fournissant l’infrastructure nécessaire aux artistes, producteurs et réalisateurs pour présenter et promouvoir leurs œuvres cinématographiques au niveau national, ainsi que de créer une dynamique culturelle dans les différentes villes et régions du Royaume.Ce projet, qui cible particulièrement les villes petites et moyennes, consacre les droits culturels des Marocains en démocratisant l’accès aux salles de cinéma, notamment pour les jeunes. Cette initiative vise également à mettre en place un « nouvel écosystème pour les producteurs et réalisateurs marocains » afin qu’ils puissent présenter leurs créations aux citoyens dans des villes telles que Ouarzazate, Debdou, Rissani et Tamesna, qui auront accès à des salles de cinéma grâce à ce projet. Vous avez aussi édité des livres sur le cinéma au Maroc. Pourriez-vous nous en parler ? Effectivement, nous avons édité jusqu’à présent deux livres par deux éminentes figures du cinéma marocain à savoir le réalisateur et scénariste Mohamed ChrifTribak et le critique de cinéma Mohamed Bakrim. Le premier a publié son nouveau livre « Un cinéma différent », dans le cadre des publications de la Fédération nationale des Ciné-clubs du Maroc, avec le soutien du Ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication – Secteur de la Culture. Cette publication ajoute une nouvelle dimension à la critique cinématographique, en combinant connaissances théoriques et expérience pratique, pour donner au lecteur une vision critique intégrée du septième art.Le second, quant –à- lui, a sorti un nouveau livre intitulé « Cinéma marocain : le regard et le discours ». La publication de cet opus s’inscrit dans un cadre général et dans un contexte spécifique. Le cadre général, c’est la vitalité que connaît le paysage cinématographique marocain depuis quelques décennies déjà ; une dynamique qui, quoi qu’on dise, est palpable à tous les étages : production régulière et variée, mutations institutionnelles, présence multiforme dans l’espace public. Nous projetons de publier d’autres livres prochainement. Propos recueillis par Ayoub Akil
Exposition : «Le désert a une trace…» de Brahim El Haissen s’invite à Tanger

Le plasticien et critique d’art Brahim El Haissan expose une série de peintures qu’il a réalisées entre 2017 et 2025 sur le thème «Le désert a une trace…», à la galerie d’art du Centre culturel Iklyle de Tanger, organisée par la Fondation Mohammed VI de Promotion des Œuvres Sociales de l’Education-Formation, du 16 mai au 5 juin 2025. À l’occasion de cette exposition, un catalogue sera publié, comprenant une biographie artistique, des représentations d’œuvres d’art, ainsi qu’une interview collective diversifiée sur le contexte thématique et les caractéristiques techniques et stylistiques qui marquent cette expérience créative . Cette interview avec El Haissan a été réalisée par une pléiade distinguée d ‘esthètes et de critiques d’art du Maroc et d’ailleurs. Il s’agit de TallalMoualla (Syrie), Mohammed Benhammouda, Fetah Benameur, Sami Ben Ameur et Khalil Gouia (Tunisie), Mohammad Al Ameri (Jordanie), Mostapha Issa, Amal Nasr, Mohamed Mahdi Hemida (Egypte), Ali Najjar (Irak), Fakhriya Al-yahyai (Sultanat Oman), AbdulrahmanAlSoliman (Saoudite arabe), et du Maroc: Abdellah Cheikh, Chafik Zougari, Noureddine Fathy, BenyounesAmirouche, Aziz Azrhai, Driss Kattir, Hassan Laghdache et Said Kermas, ainsi que deux textes en français du critique français Daniel Couturier et de l’artiste et écrivain Hassan Moukdad. Selon Brahim El Haissan: «l’intitulé de cette exposition se veut une extension des titres des précédentes expositions personnelles dans lesquelles j’ai travaillé sur le concept de la trace dans son sens culturel et esthétique visuel, notamment «Le reflet de la Trace» (Laayoune, Boujdour et Tarfaya, 1999), «Enveloppes plastiques» (Casablanca, 2003), «Traces nomades» (Agadir, 2017 et Rabat, 2019), «La cartographie de l’effacement» (Rabat, 2018) et «Éloge de la trace» (Essaouira, 2020)». Cette expérience picturale ne déroge donc pas à cette tradition, puisqu’elle mise également sur la trace dans des peintures pigmentaires et des objets d’art synchronisés aux étendues du désert… Cette trace apparaît et disparaît, elle est présente et absente autant qu’elle disparaît et s’éteint, imprégnée de dépôts de couleurs et de broderies qui donnent à la peinture une dimension visuelle métamorphosée. De ce fait, la trace devient une mémoire renouvelée qui reflète le désir de briser la permanence et une forme visuelle qui s’oriente vers l’éphémère en tant que caractéristique esthétique. Et ce, conformément à un concept qui a émergé avec le poète français Charles Baudelaire, qui a témoigné de la tendance de la beauté vers le temporaire, le fugace et l’éphémère, ainsi que les artistes dadaïstes qui ont brandi le slogan de briser les moments du temps du passé et du futur et de préserver le présent fugace. C’est ainsi que la trace dans le désert fuit et s’échappe au rythme de la dualité du nomadisme et de la stabilité. En outre, à cette occasion, le samedi 17 mai, une table ronde sera organisée sur le thème «L’expérience de la trace dans l’art plastique», animée par le poète et journaliste SaidKoubrit, avec la participation des critiques d’art, chercheurs et artistes Chafik Zougari, Noureddine Fatihi, BenyounesAmirouche, Driss kattir, Abdelkarim El Azhar, Said Kermas, Ahmed Lotfeallah, Youssef Saadoune, et Hassan Laghdache, ainsi que la présentation du projet de livre «Veilleurs de la trace – Expériences picturales arabes» de Brahim El Haissan, présenté par le critique d’art Abdellah Cheikh.
Arts plastiques : Essaouira à l’heure de la 3e édition de l’exposition « Le Traitillisme» (Maroc)

Du 14 au 18 mai 2025, BorjBab Marrakech d’Essaouira abrite la 3 e édition de l’exposition «Le Traitillisme», premier mouvement plastique spécifiquement marocain. Organisé par l’Ordre national des Artistes peintres et des Photographes, en partenariat avec le ministère de la Culture de la Jeunesse et de la Communication, l’Association Essaouira-Mogador et le Conseil communal de la ville d’Essaouira, l’événement propose un programme éclectique : une exposition d’art avec plus de 32 artistes des quatre coins du Maroc mais aussi de l’étranger, des conférences, des rencontres, entre autres. Célébrer les splendeurs du patrimoine marocain à travers le traillisme, sa technique et son style. Voici l’objectif de cette 3 e édition qui se veut aussi la vitrine de toutes les expressions artistiques relevant de ce style riche et singulier à plus d’un titre. Au programme de cette manifestation artistique et culturelle, une exposition qui réunira plus de 32 artistes peintres issus des différentes régions du Maroc dont 6 de la ville d’Essaouira. A ces créateurs marocains se joindront des artistes étrangers pour faire de ce rendez-vous un moment de pure fantaisie mais aussi de rencontre et de partage entre ces plasticiens d’ici et d’ailleurs. Au total, les amateurs d’art contemporain auront l’occasion de découvrir plus de 55 tableaux de peinture essentiellement de «traitillisme», durant cette édition. Le vernissage de cette exposition est prévu ce mercredi 14 mai à partir de 17h en présence de plusieurs personnalités de la ville d’Essaouira, d’artistes peintres ainsi que de nombreux passionnés d’art. Parmi les moments forts de cette édition, on retient notamment une conférence organisé à Beit Dakira sur le thème « Immersion dans les couleurs de Mogador» qui aura lieu le jeudi 15 mai à 17 h. Cette conférence sera animée par Pr Mina Mghari, épouse de l’éminent historien marocain JamaaBaida. Un autre rendez-vous pas moins intéressant est donné au même endroit, le jeudi 16 mai à 17 h, où l’artiste peintre et écrivain Afif Bennani animera une conférence autour du thème : « Les conséquences de l’invention de la photographie sur la peinture». Un mouvement, une histoire Le Traitillisme est un mouvement qui a été fondé par l’artiste peintre et écrivain Afif Bennani, dont le manifeste date de 2018 et qui a drainé un grand nombre d’artistes peintres de plusieurs villes marocaines ainsi leurs homologues étrangers. Le style et la technique de ce mouvement consistent à représenter sur la toile une infinie de petits traits décomposant le sujet que l’œil du spectateur sait refondre. Les thèmes de ce mouvement consistent à mettre en exergue le patrimoine matériel et immatériel marocain.
Beirut Women Film Festival 2025 : The Wound de Seloua el Gouni sélectionné en compétition officielle

Après un tournage mené avec sincérité au cœur de Casablanca, The Wound, premier long-métrage de Seloua El Gouni, poursuit son parcours et franchit une nouvelle étape importante : le film est sélectionné en compétition officielle au Beirut Women Film Festival, pour une première régionale prévue le 1er mai 2025. Produit par Pink Sheep et co-produit avec MAD Solutions et distribué par MAD World, The Wound confirme ainsi son rayonnement auprès des festivals qui mettent en avant les voix féminines fortes du monde arabe et au-delà. Avec beaucoup de pudeur, The Wound raconte l’histoire de Leila, une jeune femme marocaine confrontée à une grossesse non désirée dans un contexte où l’avortement reste interdit. Un film sur la position de la femme dans le Maroc contemporain. « The Wound » tisse la lutte de Leila entre ses désirs personnels et les attentes de la société, offrant une exploration poignante des complexités culturelles et des défis des femmes dans le Maroc contemporain. « The Wound » est un drame puissant et poignant qui explore les complexités de la culture, de la tradition et de l’identité personnelle dans le contexte du Maroc contemporain. Plutôt que de sombrer dans le pathos ou la dénonciation frontale, Seloua El Gouni choisit d’approcher son sujet par l’intériorité, le silence et les regards, captant la tension invisible qui traverse les corps et les esprits. Le scénario est écrit par Taha Benghalem, co-écrit Brice Bexter El Glaoui et Brian Bexter El Glaoui, trois plumes complémentaires qui donnent au film sa finesse narrative, entre douleur intime et résonance sociale. Une photographie subtile signée Travis Tips La lumière du film porte elle aussi une grande part de son émotion. Elle est confiée au directeur de la photographie américain Travis Tips (A Girl Walks Home Alone at Night, The Unseen, Deadliest Catch), deux fois primé aux Emmy Awards. Connu pour son travail tout en délicatesse et ses choix de lumière naturelle travaillée, Travis Tips crée ici une atmosphère de douceur voilée, où chaque ombre, chaque éclat de soleil devient porteur de sens. Son approche sensorielle, à la fois réaliste et contemplative, sublime les rues de Casablanca et sert l’intensité retenue du récit. Tourné à Casablanca en octobre 2023, The Wound est interprété par Oumaima Barid, Amal Ayouch, Mansour Badri, Brice Bexter El Glaoui, Sami Fekkak et Soraya Azzabi, dans une distribution à la fois subtile et habitée. À travers ce projet, Seloua El Gouni impose déjà une voix singulière et nécessaire : celle d’une génération de cinéastes marocains qui explorent les blessures intimes pour mieux parler de la société tout entière. Taha Benghalem incarne une nouvelle génération de producteurs marocains alliant vision stratégique et engagement artistique. Avant de cofonder Pink Sheep, il a occupé le poste de Directeur Général des emblématiques Atlas Studios et CLA Studios, où il a accompagné certaines des productions internationales les plus ambitieuses tournées au Maroc, pour le compte de studios tels que Paramount, Amazon, Netflix ou encore Sony. Il a notamment supervisé des projets d’envergure comme la série à succès The Wheel of Time. Fort de cette expérience au cœur de l’industrie cinématographique, Taha opère un virage vers la création en signant The Wound, son premier long-métrage en tant que producteur et scénariste. Ce drame poignant, salué dans plusieurs festivals internationaux, témoigne de sa capacité à conjuguer exigence narrative et production maîtrisée. Porté par une double expertise – opérationnelle et créative – Taha Benghalem s’impose comme une figure montante du paysage audiovisuel marocain, déterminé à porter des récits authentiques sur la scène mondiale et à faire du Maroc une plateforme incontournable de la création cinématographique internationale. Quant à Seloua El Gouni, elle possède un parcours remarquable dans l’industrie cinématographique, au sein de laquelle elle a apporté son savoir-faire à des productions d’envergure internationale telles que Men in Black International, The Wheel of Time, Beirut, The Forgiven ou encore Seneca. Ayant occupé des postes clés allant de directrice de production à productrice, elle a collaboré avec les plus grands studios, notamment Sony, Amazon et Netflix. Récemment, Seloua a marqué un tournant dans sa carrière en réalisant son premier long-métrage, The Wound, confirmant ainsi sa polyvalence et sa sensibilité artistique. Ce film engagé a d’ores et déjà attiré l’attention de plusieurs festivals internationaux, renforçant la réputation de Seloua en tant que voix émergente du cinéma Marocain. Fondatrice de Pink Sheep, elle incarne une nouvelle génération de productrices-réalisatrices marocaines résolument tournées vers l’excellence et l’innovation. Sous sa direction, la société s’est rapidement distinguée par la qualité de ses projets et son engagement à mettre en lumière des récits authentiques, porteurs de sens et d’émotion.