
Le recueil de poèmes de Neil Davis BATCHI intitulé Gerbes de fleurs, a été publié en 2013 aux éditions l’Harmattan-Congo et compte au total trente-six poèmes sous forme de calligrammes. Ce deuxième du poète dont la préface porte la trace de l’écrivain congolais Pierre Ntsemou, s’articule essentiellement sur la mort, l’amour porté par l’exaltation de la femme en général, le tout ponctué par la grande question de la foi. Le poète tout au long de son cheminement poétique dévoile sa foi chrétienne.
En effet, la fatalité du destin, faisant de la mort l’ennemi du sourire et l’ami du deuil éternel, rend le poète malheureux devant cette réalité insaisissable et toujours désolante. Le poète confus devant l’horreur, hypnotisé, meurtri et symboliquement mort peut-être, se libère de ses tourments obsessionnels que lorsqu’il plonge son cœur dans l’encre de la raison, de l’écriture comme catharsis pour en ressortit le cœur plein d’allégresse puisqu’il s’immortalise et immortalise les siens enfouis dans l’oubli du deuil et de la tristesse. D’où l’écriture ici sert de gerbes qui viennent déterrer toutes les tombes de ses pensées, gerbes en ce qu’elles ressuscitent les souvenirs enfouis, les souvenirs bien macabres qui méritent un trône dans la mémoire. La thématique de la mort s’énonce ici en premier plan mais une mort qui ne mord toujours pas la vie, puisque le poète fait de la femme, une déesse, une voie qui conduit vers l’espérance et nourrit le rêve longtemps resté orphelin. Le poète en s’appuyant sur sa foi chrétienne voit en la mort, une nouvelle vie.« Prenez courage/Soyez forts/Ne faites guère exister/Un océan de larmes/Pour mon absence.1 » Comme une prophétie biblique à l’instar du Christ, le poète voit en sa mort une résurrection de la vie, et la vie elle-même apparait à son égard comme une tombe dans laquelle succombe la raison.
Toujours dans cet élan de considérer la mort au même titre que la vie selon le paradigme biblique, le poète écrit dans le poème intitulé « Quand viendra la mort… », « Quand viendra la mort/Me prendre pour me séparer/ De vous/Dites à ceux dont les larmes saignent/Que je ne suis pas mort/Que j’ai longtemps voulu rencontrer/Celle qui vient pour/Séparer notre chair de notre âme/En nous laissant notre trésor »(p17).Ce fragment poétique est chargé d’une porté biblique comme nous l’avons dit supra. Le poète est conscient du jugement dernier grâce auquel il sera à la droite du père après avoir passé une vie saine sur la terre des humains.
Si le poète en envisageant déjà le spectacle qui surviendra lors de sa mort, c’est qu’il a en mémoire un triste souvenir de la mort qui frappe à chaque fois à sa porte. La mort semble parsemer de bout en bout ce recueil et quand au poète, il écrit ces poèmes dans le souci de demeurer proche des siens disparus soit à fleur d’âge, soit au sommet de l’arbre des saisons comme dirait Jean Baptiste Tati Loutard. Car il s’abreuve à la pensée de Birago Diop sur l’existence des morts ,« Ces vivants de jadis/ Que nous appelons morts/Ne le sont pas/Outre-tombe/ En réalité/Ils vivent/Encore près de nous/À notre insu. »(p.15), c’est ce qui le permet justement d’être confiant et de ne point être confus face à cette réalité tragique. Les poèmes comme « le vieux sage », « les morts », « l’ouragan de novembre », « Roger le patriarche », « Adieu Judicaël », « Maman est là… », « À Michael », « Mes pleurs », « Maiva » « Quand viendra la mort… » évoquent à n’en point douter la mort, une triste réalité qui parfume l’existence du poète. Cet hymne à la mort n’est en réalité qu’un hymne à la vie, car le poète se sent brave devant la fatalité et demeure attaché à sa foi chrétienne. Neil Davis Batchi ne tremble pas devant la mort et invite le lecteur dès l’épigraphe du livre, à percevoir le sens de la vanité, « (…) vanité des vanités, tout est vanité ». En plaçant une telle pensée ecclésiastique il tend à atténuer la douleur de la mort et invite le lecteur à chercher plutôt le salut céleste. C’est ici une poésie-prédication, c’est-à-dire où le poète s’investit d’une parole biblique.
Qu’à cela ne tienne, la mort traverse certes les vers de ce recueil de poèmes, néanmoins elle n’est pas la seule signification qu’on peut donner à ces gerbes de fleurs. En fait, ces gerbes de fleurs sont aussi le symbole d’un amour, du poète surtout. Le poète exalte la femme dans toutes ses vertus et dans toute sa splendeur, en la considérant comme le fondement même de l’existence, et n’hésite pas d’afficher son estime à son égard « pour la femme/Mes larmes coulent toujours/Hier fille/Aujourd’hui mère/Demain grand-mère/Elle est l’expression/De notre présence sur terre »(p.42).Tout porte à croire que Neil Davis Batchi à l’instar de Louis Aragon, considère la femme comme « l’avenir de l’homme »,sa présence est vie et son absence mort et chaos.
Le poète poursuit son exaltation de la femme en célébrant comme Léopold Sédar Senghor, la beauté, les merveilles et les vertus de la femme en général et de la femme africaine en particulier. Ainsi, les poèmes comme « la beauté africaine », « Belle Edline », « Confession intime », « dialogue cordial », « Ames égarées » et « confusion » se rapprochent thématiquement à la « femme nue, femme noire » du célèbre poète sénégalais.
On découvre également dans ce recueil de poèmes une poésie d’hommage que le poète fait à ceux dont il qualifie de « patriarches », c’est-à-dire, les précurseurs. Il évoque plusieurs noms d’auteurs de la littérature française et africaine. Dans le poème « Nos patriarches », il évoque pratiquement sa grande fierté des poètes de la négritude ou encore ou tout simplement de ceux qui ont lutté pour la valorisation de la race noire. On peut par exemple lire Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor, Alioume Diop, Gontran Damas et Frobenuis. Cette poésie de la filiation se poursuit dans le poème « où suis-je ? » en évoquasnt Ronsard pour chuter avec Tchicaya U’tamsi.