
OPINION. Deux jours après l’assassinat de l’ambassadeur italien dans l’Est du Congo, le voile devient encore plus épais et les questions plus nombreuses que les réponses au regard des communications discordantes des uns et des autres.
« Les services de sécurité et les autorités provinciales n’ont pas pu ni assurer des mesures de sécurisation particulière d’un convoi ni leur venir en aide faute d’informations sur leur présence dans cette partie du pays », c’est en ces termes que s’exprime le gouvernement congolais via le communiqué de son Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité.
Si j’ai bien compris le contenu du communiqué, les officiels congolais affirment donc ignorer la présence de PAM et de ses accompagnateurs dont l’ambassadeur assassiné dans la juridiction sous leur pouvoir. Ils ne reconnaissent pas être au courant de ce voyage qui s’est soldé par l’assassinat de trois personnes. Ce que nie catégoriquement la direction de PAM qui a fait savoir dans un communiqué que l’attaque s’est produite sur une route sur laquelle le convoi a été autorisé officiellement à circuler SANS ESCORTE.
Sur base des vidéos-amateurs réalisées par les témoins de l’événement d’hier à quinze kilomètres de Goma, beaucoup de points d’interrogation surgissent.
– Le convoi de PAM était composé de deux véhicules, pourquoi les assaillants se sont-ils seulement acharnés sur la jeep qui transportait l’ambassadeur ?
-De quelle autorité de l’Etat congolais émanait l’autorisation de faire circuler le convoi de PAM sans aucune escorte militaire dans une zone à haut risque comme celle-là?
– Selon les témoignages des villageois qui ont assisté à la scène du meurtre, les assaillants ayant chargé le véhicule étaient à quasi 50 mètres de la route et juste à côté du marché public. « La population voit les kidnappers habillés un en rouge, l’autre en blanc et qui ont enlevé leurs habits puis mettre les tenues des policiers. Njoo bale! » criaient les villageois sur le lieu du crime pour vouloir dire « Bango wana”, “les voilà “. Une indication claire démontrant que les tueurs sont bien identifiés par des villageois lorsqu’ils les ont vus changer, à peine à quelques mètres du lieu du crime, leurs vêtements en tenue de la police congolaise. Cette scène a été filmée.
Cette stratégie consistant à se cacher sous l’identité des forces armées congolaises est décrite abondamment par des spécialistes de la guerre de l’Est dont Boniface Musavuli comme le mode opératoire des soldats rwandais à Beni, Rutsuru et autres zones chaudes de conflit à l’Es du Congo.
– Ceci dit, sur base de quelles preuves, les officiels congolais attribuent-ils ce forfait à des forces terroristes dont les FDLR bien avant même qu’une quelconque enquête sérieuse n’ait été faite sur ce sujet très sensible?
Et pourtant le communiqué des FDLR daté d’hier lundi 22 février 2021 a mis les point sur les i. Il nie fermement l’implication des FDLR dans l’attaque qui a résulté en la mort de l’ambassadeur italien. Il fournit en même temps des détails très révélateurs : « Des sources concordantes, le convoi de l’ambassadeur a été attaqué dans une zone dite des « trois antennes » près de Goma sur la frontière avec le RWANDA non loin d’une position des FARDC et des militaires rwandais des Forces des Défenses rwandaises. Les responsabilités de cet ignoble assassinat sont à chercher dans les rangs de ces deux armées et leurs sponsors qui ont noué une alliance contre-nature pour pérenniser le pillage de l’Est de la RDC ».
De l’avis des spécialistes de la sécurité du Nord-Kivu, c’est depuis très longtemps que les FDLR avaient quitté cette zone du parc de Virunga mise sous contrôle des groupes armés notamment Nyatura et des membres de l’Ex-M23 d’obédience pro-rwandaise. Il ne faut pas rester naif suite à la communication actuelle des ennemis du Congo qui veulent créer la diversion pour masquer leur plan secret.
Dans les jours à venir, les enquêteurs auront beaucoup gagné à focaliser leur attention sur la vitesse avec laquelle on a voulu établir trop tôt la responsabilité des FDLR dans le crime crapuleux d’hier lundi. C’est là où se trouve le noeud de l’intrigue et la clef de l’énigme de l’assassinat de l’ambassadeur italien. Les stratèges ont visé ce « gros poisson » pour marquer les esprits de l’opinion internationale, pour ainsi remettre au devant de la scène internationale la présumée dangerosité des FDLR et l’urgence pour l’armée rwandaise de venir neutraliser les forces négatives agissant juste à la porte de leur maison.
Contrairement à toutes les hypothèses avancées sur la guerre des “clans” dans l’exploitation de minerais au parc de Virunga, je crois comprendre que cet assassinat a pour objectif principal de servir d’argument solide pour créer une fausse crise en vue de légitimer l’entrée de Forces de Défenses Rwandaises sur le territoire congolais au motfi de venir chasser les FDLR menaçant de nouveau la securité intérieure du Rwanda. Entrée, ai-je dit ? Mais non! Puisqu’elles y sont déjà depuis des lustres avec la bénédiction des autorités de Kinshasa et considèrent cette partie du territoire congolais comme déjà une partie intégrante du Rwanda. Il faudra juste donner une certaine légitimité à cette vieille présence. Et cet assassinat suscitant les réactions internationales en constitue bien une grande aubaine.
Accuser les FDLR sert juste de faux-fuyant pour masquer le visage du veritable tueur, de son commanditaire et de ce à quoi aura à servir ce meurtre. Les mobiles du crime, voilà qui doit préoccuper l’opinion congolaise. Car, dans les jours qui viennent, l’assassinat de l’ambassadeur italien pourra se révéler comme un arbre qui cache la forêt. Il pourra juste servir de détonateur à un autre vaste plan en voie d’exécution, capable d’entraîner cette fois-ci plusieurs milliers des morts et une nouvelle configuration politique. Restons vigilants!
Par Germain Nzinga