Etisomba : plusieurs années après sa mort, les kinois l’apprécient toujours

En 2002, Antoinette Etisomba Lokindji disparaissait à Paris, au grand dam de ses milliers de fans. Devenue une véritable icône, cette dernière reste, après toutes ces années, l’une des chanteuses les plus populaires en République Démocratique du Congo.

Dans la catégorie de chanteuses de musique moderne, Etisomba aura été une de ces voix exceptionnelles parfumées de gospel qui ont accompagné de leur charme insidieux d’innombrables soirées dans les années 70/80.

C’est très jeune qu’Etisomba se lance dans la musique chrétienne, dite aussi religieuse. Une passion qui naît sur les bancs de l’école de même que son engouement pour cette musique rendu propice par son environnement familial.

En effet, très vite, Etisomba développe un chant vocal qui va aboutir à son intégration dans la chorale de l’Armée du Salut de Matonge à Kinshasa. Elle est composée par les musiciens éminents et spécialisés dans les musiques particulières, telles que le Negro spirituels, le Blue ou le gospel. Sinon, une musique associée à tous les aspects de l’existence : on chantait et jouait aux jours de joie comme aux jours de deuil, et au culte.

Dans l’armée du Salut Etisomba se lie d’amitié avec son collègue de chant, Charles Mombaya qui plus tard est devenu un célèbre chanteur de gospel, à la tête d’une Eglise de Réveil. Mais rien n’empêche à la chanteuse de toucher à tout. Elle est capable de chanter tous les styles musicaux, des variétés afro-américaines aux variétés congolaises.

C’est ainsi qu’entre 1965 et 1966 Antoinette Etisomba se lance dans la pratique de la musique profane ou encore mondaine. Elle chante dans le groupe Le Corsaire de Crispin-Régis Lukoki en compagnie, entre autres musiciens d’Ilo Pablo Bakunde et Oscar Diabanza Matusongwa. Une aventure qui a fait beaucoup de vagues à Kinshasa.

En 1969, Etisomba a le privilège d’être admise au conservatoire de musique naissante à Kinshasa. Un établissement public à caractère administratif sous la tutelle du Ministère de la Culture et des arts, dirigé à l’époque par Victor Ndjoli.

Le Conservatoire de Kinshasa – devenu plus tard Institut National des Arts (INA) – a permis à Etisomba de s’ouvrir aux musiques contemporaines et à la chanson de variétés. Loin des schémas traditionnels de l’enseignement de la musique, le parcours de formation prend en compte les spécificités des nombreuses esthétiques. Il s’adresse à des projets artistiques (groupe ou solo).

Il s’organise sous forme d’ateliers liés au projet artistique du musicien. Les partenariats développés avec divers acteurs professionnels (studio, lieux de diffusion, réseaux professionnels, etc.) inscrivent la formation dans une dynamique culturelle locale. Elle sera émaillée de collaborations avec de grandes personnalités de musique comme les musicologues européens ; Gaby Laurent, Vicky Down qui ont accompagné Etisomba au cours des récitals d’œuvres classiques à l’Institut Goethe, au cinéma Palladium, et dans plusieurs autres salles de Kinshasa.

Si le désir sincère de porter la parole divine ne quitte pas Etisomba, elle se hissera très rapidement au rang des reines de l’art vocal dans le genre de musique profane, dite aussi musique mondaine. Mais, elle ne se laissera pas griser par le succès grandissant. On l’appelle depuis par la « Miriam Makeba congolaise ».

Parmi les dates importantes qui ont marqué sa carrière notons :

1969 – Unique chanteuse, Etisomba a le mérite de faire partie de l’orchestre Bamboula d’Antoine Nedule « Papa Noël qui a représenté le Congo-Kinshasa au Premier Festival Culturel d’Alger tenu du 21 au 1er Août 1969. Parmi les autres musiciens qui ont fait partie du groupe, citons : Blaise Pascal Wuta Mayi, Bopol Mansiamina, Mangenza, René Mosengo « Moreno », Jeff Lunama Pierre Kiyika « Flamy », Aimé Kiawakana, Decca, Sam Samule, Tino Mwinkwa , Jean de la croix Tshibamba, Jojo Bukasa, Movando, etc.

A cette occasion, le groupe Bamboula a mis en relief et avec succès les rythmes et modes spécifiquement congolais, en harmonie avec la tradition et la modernité. Rappelons que c’est à la suite d’un concours organisé par le Ministère de la culture, que l’orchestre Bamboula a été retenu pour représenter le Congo à cette première rencontre culturelle du continent.

1971 – Etisomba fait désormais partie de la vaque des chanteuses de charme. Elle se fait connaitre davantage par la sortie de «Imambekele » sur 45 tours chez Phonogram. Une œuvre à succès qui lui permettra de s’imposer sur le classement discographique de cette période.

1973 – Etisomba anime à l’hôtel Hilton de Bruxelles la soirée d’anniversaire consacrée à la première dame du Zaïre, Mama Antoinette Mobutu. Une occasion en or pour marquer sa célébrité. Sa voix grave, profonde, puissante, chaleureuse a permis de retenir en elle un registre exceptionnellement étendu prouvant sa formation classique.

1978 – Au sommet de sa gloire Etisomba fait plusieurs show à succès. Mais, elle défrayera la chronique pour sa fantastique collaboration avec le guitariste Pierre Boteku Bohomba. une figure très connue dans le genre tradi-moderne.

Le 28 juillet 1979 à Berlin. Etisomba donne naissance à une fille qui porte le prénom Helga (ou Etis). C’est le public berlinois qui l’attribue pour l’éventuel nouveau né. Notamment, lors d’une représentation musicale au cours de laquelle mama Etisomba présentait une grossesse suffisamment avancée.

1980 – Dans ce mouvement perpétuel où les styles de musique se chevauchent, et où coexistent tous les genres, Etisomba s’inscrit, à nouveau sur le registre de musique chrétienne. Elle enregistre une cassette de chants de Noël avec une chorale de l’église catholique romaine (qui désigne une branche particulière du catholicisme). Dans une œuvre riche et dense, Etisomba rassemble plusieurs refrains de Noël qui s’étaient développés dans les chorales chrétiennes traditionnelles.

1983 – En pleine vague « Soukous », le nom d’Etisomba est sur toutes les lèvres, mais sur le registre de la musique savante. Sûre de son expérience, la chanteuse intègre le célèbre groupe Bobongo stars créé dans la même année, (sur les cendres du groupe « Les Ya Tupa’s ») suivi de plusieurs tournées en Afrique et en Europe. Etisomba est la compagne du guitariste Sébastien Matingu Nama « Bastia » (fils d’un officier supérieur de l’Armée du Salut).

Toujours en 1983 – Antoinette Etisomba se rend en France, avec au programme la production de la musique chrétienne. Elle est accompagnée par Sébastien Matingu Nama « Bastia », sans l’accompagnement de Bobongo star dont il ne fait plus partie.

2002 – Etisomba, dont la voix demeure une des plus belles de la RDC meurt en 2002 à Paris. Un hommage ému et émouvant lui a été rendu par ses consœurs des musiques religieuse et profane. Elle a été une des vocalistes les plus douées de son temps. Sa voix grave, profonde, puissante, chaleureuse possédait un registre exceptionnellement étendu, justifiant son rang d’artiste classique.

Notons que sa fille Helga Etisomba « Etis » qui vit en France a embrassé, comme sa mère la carrière musicale, cumulativement avec ses activités de gérant de l’entreprise Europe Protector Security Privee qui a été créée en 2004.

Clément Ossinondé

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Clément Ossinonde

Responsable (France)du site et auteur de plusieurs brochures sur la musique congolaise, Clément Ossinondé a animé plusieurs émissions sur "Radio Congo" et "Radio Liberté". Il a présidé l'UMC (Union des musiciens congolais) et l'UNEAC (Union nationale des écrivains et artistes du Congo) pendant de longues années.

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