CONTEXTE. Le Mali est un État fragile en proie à une insurrection, qui s’efforce de restaurer la paix. Le programme 2013–18 appuyé par la FEC a, dans l’ensemble, réussi à atteindre ses objectifs dans des circonstances difficiles. Il a permis de stabiliser l’économie dans le contexte d’une insécurité persistante, de changements dans les termes de l’échange et de conditions météorologiques défavorables. Les résultats économiques sont restés satisfaisants en 2018, avec une croissance robuste et une faible inflation, mais la pauvreté et les inégalités demeurent élevées. Les problèmes sécuritaires compromettent les chances de croissance durable à court terme.
A. ÉVOLUTION RECENTE
Le redressement économique du Mali se poursuit malgré les problèmes sécuritaires, mais les facteurs de vulnérabilité augmentent et les déséquilibres extérieurs restent importants.
• L’activité est restée vigoureuse. D’après les projections, le PIB réel doit progresser de 4,9 % (0,2 point de pourcentage de moins que dans la projection établie pour le programme) en 2018 grâce aux productions de céréales, de coton et d’or qui ont compensé le ralentissement observé dans les secteurs secondaire et tertiaire. Les activités du secteur des services et du secteur manufacturier devraient, à l’avenir, atteindre leur plein potentiel avec le recul des incertitudes politiques. À environ 2 % sur un an en juin 2018, l’inflation est restée modérée. Les déséquilibres extérieurs sont importants, l’augmentation sensible de la production et des cours de l’or n’ayant qu’en partie compensé l’impact de la hausse des prix du pétrole. Un déficit extérieur courant d’environ 7,4 % du PIB est attendu en 2018.
• Les résultats budgétaires du premier semestre 2018 ont été marqués par des recettes nettement moindres que prévu et d’assez grandes réductions de dépenses pour atteindre l’objectif du déficit budgétaire.
o Les recettes fiscales ont manqué l’objectif du programme d’environ 110 milliards de FCFA (1,2 % du PIB). Ce déficit a été également réparti entre les recettes douanières et les recettes fiscales intérieures.
Cette contre-performance est en discordance avec l’amélioration régulière du recouvrement des recettes depuis le lancement du programme. Les autorités maliennes ont identifié des causes temporaires et structurelles. Les facteurs temporaires incluent un ralentissement de l’activité dans les secteurs secondaire et tertiaire et une augmentation de l’indiscipline fiscale à l’approche de l’élection présidentielle ainsi que les pertes dues à la hausse des prix des carburants sur les marchés internationaux.
Parmi les problèmes structurels figurent l’accroissement de la fraude associée à la montée de l’insécurité et aux attaques terroristes récurrentes, les défaillances organisationnelles et le manque d’efficience de la gestion. Les autorités ont compensé l’impact sur l’équilibre budgétaire en réduisant notablement les dépenses publiques. Le solde budgétaire global et le solde budgétaire de base étaient excédentaires en juin et les déficits attendus étaient en deçà des cibles du programme de 236,5 et de 155,5 milliards de FCFA (ou 2,5 % et 1,6 % du PIB), respectivement.
• Le secteur bancaire reste stable dans l’ensemble, mais la qualité des actifs demeure préoccupante. Le ratio global de fonds propres pour le secteur s’établissait à 13,4 % fin décembre 2017, indiquant que les grands groupes sont stables et sains. Une banque, toutefois, ne respectait pas la norme Bâle I et deux banques les normes Bâle II et Bâle III (1), du fait du niveau élevé de leurs immobilisations hors exploitation.
Le pourcentage de prêts improductifs est stable, mais élevé (16,5 % environ). Il devrait diminuer sous l’effet du passage à Bâle II et Bâle III5, mais des facteurs de vulnérabilité structurels persistent du fait notamment de la persistance d’un haut niveau d’actifs hors exploitation (19%) qui contrevient au plafond réglementaire fixé par l’UEMOA (15%) (2). Les autorités et les banques maliennes élaborent actuellement une stratégie pour réduire le stock d’immobilisations hors exploitation.
B. PERSPECTIVES
Les perspectives macroéconomiques restent globalement positives. D’après les projections, la croissance du PIB réel doit légèrement se redresser et atteindre 5 % en 2019, sous l’effet du recul de l’incertitude politique, avant de s’établir aux alentours de 4,75 %, taux de croissance du Mali à long terme. En l’absence de chocs du côté de l’offre, l’inflation devrait rester en deçà du critère de l’UEMOA. La mise en œuvre de mesures fiscales et administratives devrait permettre un accroissement des recettes fiscales de 0,4 point du PIB qui contribuerait à stabiliser le déficit budgétaire global à 3 % du PIB (3).
Le déficit extérieur courant doit légèrement diminuer en 2019, d’après les projections, malgré une baisse du volume et des prix des exportations d’or, avant de s’amenuiser progressivement pour se fixer à moyen terme aux alentours de 7 % du PIB. Cette évolution attendue va dans le sens de la réduction prévue des déficits budgétaires puisque le Mali a l’intention de respecter les critères de l’UEMOA et de la convergence de la croissance du PIB vers son potentiel à long terme.
C. ALEAS
Les aléas qui entourent ces perspectives restent plutôt de nature baissière. La volatilité de la situation sécuritaire constitue toujours le risque le plus immédiat. S’ils s’intensifiaient et surtout s’ils touchaient Bamako, les actes de violence pourraient saper la confiance du secteur privé et affecter la croissance économique et les finances publiques. La production agricole reste tributaire des conditions météorologiques défavorables tandis que la forte dépendance à l’égard des exportations d’or et de coton (environ 65 % et 15 % de l’ensemble des exportations, respectivement) expose la balance des paiements du Mali aux fluctuations des prix des produits de base.
D’autres risques extérieurs sont liés aux réductions potentielles des contributions financières des bailleurs de fonds et à la baisse de l’investissement direct étranger (IDE). Au niveau régional, un nouveau resserrement des conditions de liquidité pourrait ralentir le crédit au secteur privé et alourdir le coût de la dette publique.
La situation budgétaire de l’administration centrale s’est renforcée depuis 2013, mais les risques potentiels présentés par le secteur public au sens plus large pourraient compromettre les résultats budgétaires (graphique 3 du texte). Les services du FMI ont souligné que le maintien de la viabilité budgétaire repose sur la constitution de volants budgétaires appropriés et l’existence des capacités nécessaires pour faire face à ces risques s’ils se concrétisent.
Ils ont attiré l’attention sur les risques que fait peser à court terme sur les finances publiques la compagnie publique d’électricité (EDM), qui se trouve dans une situation financière difficile. Ils ont ajouté, à la lumière des conclusions de la mission d’assistance technique du FMI de septembre 2018 sur les risques budgétaires, que des risques importants, tant en raison de leur forte probabilité que de leur impact, découlent de chocs défavorables des termes de l’échange, d’une répercussion insuffisante de la variation des cours internationaux du pétroles sur les prix intérieurs des produits pétroliers, des pertes de recettes publiques liées notamment à la production de coton et d’or, et de la forte exposition aux dettes accumulées par d’autres entreprises publiques. Les institutions, la décentralisation et les catastrophes naturelles sont d’autres sources de risque.
Extrait du Rapport du FMI No. 18/ 360 (Décembre 2018).
(1) – La réduction attendue des prêts improductifs tient principalement à deux facteurs : i) un classement plus favorable des actifs dans le cadre de Bâle II et Bâle III et ii) la limitation à un maximum de cinq ans de l’inscription des prêts improductifs aux bilans des banques.
(2) – Sept banques sur douze n’ont pas respecté le plafond réglementaire de 15 % pour le ratio d’immobilisations hors exploitation/capitaux propres.
(3) – Ces mesures incluent l’amélioration du recouvrement de la TVA, le renforcement de l’observance fiscale, la fiscalisation du secteur agricole, la rationalisation des exonérations, l’amélioration de l’imposition du secteur minier et le durcissement des contrôles.