TRIBUNE. A toutes les occasions, les marocains et les arabes sortent le joker « 7na mojtama3 mo7aféde »*. Je me demande alors si le marocain est aveugle ? Ou peut-être ne voit-il pas le mode de vie de notre société en plein jour et durant les très chaudes nuits ? Ou peut-être encore, souffre-t-il d’une déficience mentale qui l’empêche de remarquer l’absence totale de l’esprit conservateur dans le comportement social ? Ou considère-t-il simplement la supériorité dictatrice masculine comme marqueur de la société conservatrice ?
Je vous propose une analyse de ce délire, dans le but d’une prise de conscience de la réalité de notre société et de reconnaître « l’héritage de la croyance délirante ‘’7na mojtama3 mo7aféde’’* perpétuée culturellement d’une génération à une autre ».
Si je ne m’abuse, le sens d’une société conservatrice religieusement est celui d’une société qui se distingue par ses valeurs morales, à savoir la justice, l’équité, la véracité, la chasteté, l’amour, la bienveillance, le droit chemin, l’abandon de tous les péchés…. ? Je vais vous exposer ici quelques exemples de la réalité quotidienne marocaine en vous laissant désigner ceux spécifiques au « 7na mojtama3 mo7aféde »* :
- Le nombre de commerces d’alcool ouverts avec une autorisation légale
- Le nombre de consommateurs d’alcool dans les bars, alors que l’appel à la prière de toutes les mosquées retentit cinq fois par jour.
- La recette fiscale imposée au commerce de l’alcool et de la prostitution masquée, ne souille-t-il pas la trésorerie nationale ?
- Le nombre considérable de spectateurs de films pornographiques, tout en essayant de les pratiquer dans leur vie sexuelle char’3é’ya** ou non ?
- La prostitution déguisée. Nous observons en plein jour les voitures qui draguent des filles et qui finissent par y monter avec des hommes inconnus.
- L’autorisation légale de la pratique de l’usure ou « riba » par les banques conventionnelles et par les banques « hallal » de manière contournée.
- Le nombre de boite de nuit ouverte avec autorisation légale.
- L’harcèlement sexuel des femmes dans toutes nos rues.
- Le nombre de casinos autorisés légalement.
- L’injustice et la corruption dans tous les aspects de la vie.
Y-a-t-il un seul marocain qui n’a pas observé au moins un seul exemple de ce qui vient d’être cité plus haut ? Peut-être qu’ici encore le lecteur va dire que la fréquence de ces cas est insignifiante et donc pas représentative de notre société car « 7na mojtama3 mo7aféde »* !?
L’absence d’une lecture correcte de notre société et le déni de sa réalité sont responsables de notre croyance délirante paralysante et handicapante, ainsi de la dissociation du marocain, tout en le conduisant vers davantage de dissolution des valeurs morales dans tous les aspects de sa vie sociale.
S’attacher davantage à ce délire malgré l’évidence flagrante de la réalité, est décrit en psychopathologie comme « se mentir à soi-même » et le « déni ». Malheureusement, tant que les marocains et arabes continuent dans son « déni », ils ne pourront jamais résoudre leurs conflits et développer leurs progrès personnels.
L’absence d’harmonie et de cohérence entre la croyance et le comportement est responsable d’une vie dichotomique ! Ainsi, le marocain vit à la fois deux vies contradictoires avec le déni total de la réalité sociale. Pour ces raisons, les sociétés arabes restent handicapées et se désavantagent elles-mêmes. Evidemment, elles refusent de reconnaître qu’elles seules sont responsables de leur involution et se présentent en tant que victimes subissant l’échec, d’où leur recours à la théorie du complot !
*« nous sommes une société conservatrice », ** légitime et légale
Docteur Jaouad MABROUKI
Expert en psychanalyse de la société marocaine et arabe