Le Conseil des ministres s’est réuni ce vendredi 20 juillet 2018, au Palais du peuple, sous la très haute autorité de son Excellence, M. Denis Sassou N’Guesso, président de la République, chef de l’Etat.
Deux affaires étaient inscrites à l’ordre du jour, à savoir :
- un projet de loi au titre du ministère du Plan, de la statistique et de l’intégration régionale ;
- une communication au titre du ministère des Finances et du budget.
Notons en préambule que ces deux affaires traduisent fermement la volonté du gouvernement de se doter d’importants outils de programmation pluriannuels, devant permettre un meilleur pilotage de l’action gouvernementale et une gestion rationnelle des finances publiques. Ces outils donnent, en outre, une visibilité et une lecture nettes des ressources budgétaires, notamment l’évolution des recettes, des dépenses, le besoin ou la capacité de financement, les éléments de financement et le niveau global d’endettement financier.
S’agissant du contexte de leur élaboration, les deux dossiers soumis à l’approbation du Conseil des ministres, en l’occurrence le projet de loi portant approbation du Plan national de développement 2018-2022 ainsi que le cadre budgétaire à moyen terme, sont élaborés dans un contexte difficile marqué par une crise économique et financière sévère, due à la chute drastique des prix du baril de pétrole, et qui s’est approfondie avec la contraction considérable des investissements publics et le surendettement de l’Etat, estimé au-dessus de la moyenne Cémac, c’est-à-dire supérieur à 70% du PIB.
Dans ce même contexte, alors que la crise a fait l’objet d’une réponse régionale concertée dans le cadre du Programme des réformes économiques et financières des pays de la zone Cémac (Pref-Cémac), le gouvernement est en discussion avec les partenaires au développement pour conclure la « Facilité élargie de crédit » avec le FMI et obtenir un appui budgétaire de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement.
C’est en considération de ces indicateurs macroéconomiques que le Conseil des ministres a examiné tour à tour les affaires soumises à son ordre du jour.
I. Projet de loi portant approbation du Plan national de développement (PND) 2018-2022.
Prenant la parole à la demande de son Excellence Monsieur le président de la République, Mme Ingrid Olga Ebouka Babackas, ministre du Plan, de la statistique et de l’intégration régionale a présenté au Conseil des ministres le projet de loi portant approbation du PND 2018-2022.
Dans sa forme, le PND se présente en six outils techniques, notamment un document central, « Le cadre stratégique de développement » accompagné de cinq documents complémentaires d’appui technique que sont les cinq annexes opérationnelles du PND, à savoir :
- le programme pluriannuel des actions prioritaires ;
(ii) le document de programme pluriannuel d’investissements publics ;
(iii) le document-cadre de politiques et de programmation macroéconomique et budgétaire à moyen terme ;
(iv) le document-cadre de suivi et évaluation des programmes du PND ;
(v) le guide de processus et procédures de mise en œuvre du PND.
Présentant le contenu du PND, madame le ministre Ingrid Ebouka Babakas a tenu, d’entrée de jeu, à rappeler la tradition congolaise en matière d’élaboration de cadres de programmation et d’orientation de la stratégie de développement économique et social du pays.
Une tradition inscrite par le président Denis Sassou N’Guesso dans les années 1980 avec le premier plan quinquennal 1982-1986 ayant permis au Congo de se doter enfin, soit plus d’un quart de siècle après les indépendances, des toutes premières infrastructures de transport lourdes.
Ce plan quinquennal qui a dicté les investissements publics couvrant la période 1982-1986 a été, dans la mémoire collective, un véritable succès et un plébiscite certain pour une démarche de planification, de programmation, de budgétisation et de suivi-évaluation.
Relançant cette entreprise salutaire, à la suite d’une longue crise politique et de gouvernance dans la décennie 1990, le président Denis Sassou N’Guesso a formulé, en 2002, son projet de société « La nouvelle espérance », engageant l’ensemble du peuple dans un effort de reconstruction et de réconciliation nationales afin de jeter les bases de la croissance et de la modernisation du pays.
C’est ainsi qu’en 2009, après ce travail de consolidation de l’unité nationale et en vue de l’approfondissement des réformes entreprises depuis 2002, le président Denis Sassou N’Guesso a formulé à nouveau ses orientations dans le document de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP 2008-2010) en incluant, en plus, les préceptes de la Gestion axée sur les résultats de développement (GARD). C’est cette nouvelle génération de DSRP devenue « document de stratégie pour la croissance, l’emploi et la réduction de la pauvreté (DSCERP ») pour la période quinquennale 2012-2016 qui a été convertie en Plan national de développement 2012-2016 (PND 2012-2016) constituant ainsi le cadre d’opérationnalisation du « Chemin d’avenir, de l’espérance à la prospérité », et matérialisant ainsi sa vision de faire du Congo, un pays émergent et attractif à travers sa modernisation et son industrialisation.
Tirant alors les enseignements sur l’exécution du PND 2012-2016, madame le ministre a procédé à une revue du PND 2012-2016 qui, convient-il de le noter, a connu un bilan certes mitigé, en ce sens que l’alignement des investissements effectifs au PND n’a pas été accompli à l’échelle attendue mais très encourageant pour avoir permis à notre pays, selon la revue finale des performances sectorielles, de réaliser des progrès importants dans les domaines des infrastructures notamment et plus particulièrement dans les domaines des routes, des transports, de l’énergie et de l’hydraulique.
Certes, malgré ces avancées notoires, beaucoup reste encore à faire au regard tant des objectifs affichés dans le PND que des attentes de la population et des prérequis pour l’émergence du Congo dans la mesure où, plus d’un tiers de la population vit encore avec moins de deux dollars par jour, avec un taux de chômage qui reste élevé et maintenu à 53% comme en 2011, frappant particulièrement les jeunes avec une tendance accrue de 25% en 2011 à 30,5% en 2016 et un système éducatif qui reste en inadéquation avec le marché de l’emploi et les défis de l’émergence .
C’est ainsi que pour poursuivre ses objectifs de progrès économique, social et environnemental, et en rendant opérationnelle la vision du président de la République « La marche vers le développement, allons plus loin ensemble », le nouveau PND couvrant la période 2018-2022 recentre les priorités des politiques publiques autour de deux axes stratégiques prioritaires, à savoir :
- la réforme en profondeur du système éducatif et de la formation qualifiante et professionnelle. Il s’agit, par ce biais, d’investir dans la valorisation du capital humain, de façon à compenser la faiblesse en nombre de la population congolaise pour tirer profit du dividende démographique et construire in fine, le soubassement d’un développement durable et inclusif ;
- la diversification de l’économie basée sur les secteurs porteurs de croissance ci-après : l’agriculture au sens large, le tourisme, couplés avec la poursuite de l’industrialisation de notre économie pour un impact à court, moyen et long terme. Il s’agit notamment pour le secteur agropastoral, de renforcer la sécurité alimentaire et l’inclusion économique des pauvres et des femmes notamment en zone rurale.
Présentant ces objectifs stratégiques, madame le ministre a rappelé que le nouveau PND se distingue fortement du précédent par le fait que le gouvernement s’est efforcé de se fixer des priorités stratégiques en ce sens qu’un choix délibéré a été fait de concentrer attentions, moyens administratifs et financiers sur seulement deux axes stratégiques.
Une fois ces priorités désignées, il devient plus pratique pour tous les ministères, en particulier les pourvoyeurs de services transversaux, d’aligner leurs plans d’actions sur les besoins de ces secteurs et au processus budgétaire de privilégier ces secteurs et leurs accompagnements dans les dotations.
Pour parvenir à leur pleine réalisation, ces deux axes prioritaires sont soutenus par des mesures d’accompagnement sans lesquelles le succès du PND ne saurait être garanti. Ces mesures d’accompagnement portent nécessairement sur :
- La stabilisation et la relance économique qui commandent des travaux d’ajustement interne réalisés par le gouvernement en vue des négociations avec les institutions de Brettons Wood ;
- Le renforcement de la gouvernance ;
- La mobilisation des ressources financières externes et domestiques ;
- La préservation des infrastructures existantes et leur rentabilisation ;
- L’amélioration du climat des affaires.
Intervenant sur le financement du PND, madame le ministre Ingrid Ebouka Babackas a indiqué que s’agissant d’un programme très ambitieux, estimé à un coût global de 15 510,000 milliards de francs CFA soit 67 % du PIB total et environ 110% du PIB hors pétrole sur la période 2018-2022, le budget laisse apparaître un gap global de financement de 9 676, 822 milliards de francs CFA soit 62,39 %, si tant est que l’Etat s’efforce à mobiliser sur ressources propres, environ 5 833,178 milliards de francs CFA soit 37,61 % des financements notamment (4 441 milliards de francs CFA au titre des dépenses courantes et 1 392,178 milliards au titre des dépenses d’investissement), pour une répartition annuelle moyenne de 1 166,636 milliards de francs CFA.
Elle a conclu en disant que la stratégie de financement commande un recours nécessaire aux ressources du secteur privé et à une exploitation au maximum des avantages compétitifs qu’offrent les plateformes publiques privées pour capter et attirer les investissements directs étrangers.
Ces ressources externes ne seront mobilisées que sous le principe de la rationalisation des dépenses publiques au profit des investissements publics producteurs et générateurs d’emplois. De même, les appuis budgétaires sont négociés pour financer une partie du déficit budgétaire résultant de l’ambition affichée dans le PND pour réaliser le développement du pays et préserver les acquis sociaux.
Après avoir recueilli les avis des membres du gouvernement sur la pertinence et l’acceptation par tous, des axes stratégiques retenus, le président de la République a tenu à rappeler que l’investissement dans le capital humain ne doit pas se limiter à l’enseignement, à la scolarisation et à l’apprentissage mais doit s’étendre à la formation intégrale de l’Homme qu’il s’agit de mettre au centre du développement. Pour le président de la République, aussi ambitieux que soit notre PND, aussi colossales que seront les ressources à allouer aux deux axes stratégiques, vain sera un si lourd investissement s’il n’est soutenu par un travail important de transformation de l’Homme, en termes de lutte contre les antivaleurs au regard de la déliquescence sociétale dans laquelle ne cesse de s’enliser notre pays.
Le président de la République appelle donc à une mise en exergue dans le PND de la moralisation de la vie publique par des actions soutenues et combinées d’éducation civique et de justice répressive, pour que soit mis définitivement un terme aux différents comportements retardateurs comme la paresse, la sinécure, la fraude, la corruption, la concussion, la prévarication et autres maux qui gangrènent la société congolaise.
En outre, s’agissant de la valorisation du capital humain et de la pleine participation de l’ensemble des forces vives à l’œuvre de diversification et d’industrialisation de l’économie, le président de la République a instruit le gouvernement à inscrire dans les axes prioritaires du PND, la mise au point des unités de génie travaux pour permettre aux cadres et agents des Forces armées congolaises de s’impliquer dans les travaux lourds d’agriculture et de d’entretien routier aux fins de soutenir les efforts de la population, confrontée au réel problème de dégradation des routes et pistes agricoles, malgré sa volonté de relever le défi de la sécurité alimentaire.
En somme, a conclu Monsieur le président de la République, la reformulation des axes stratégiques du PND est requise pour que soient mises en exergue ces orientations ainsi que celles portant sur une décentralisation effective avec transfert des compétences correspondantes, telle que voulue par le Constituant, de façon à accélérer la mise en œuvre de la Fonction publique territoriale, gage d’une meilleure responsabilisation de l’Homme au cœur du développement.
De même, devra être intégré comme préalable, le fait que les autres projets entrepris pour réussir le défi de la diversification de l’économie, notamment la construction des infrastructures nécessaires à la réalisation des zones économiques spéciales et d’autres zones industrielles devrait être poursuivie.
Après quoi, le Conseil de ministres a approuvé le projet de loi portant approbation du PND qui sera transmis au parlement.
II. Communication sur le cadre budgétaire à moyen terme 2019-2021
Invité par Monsieur le président de la Républque à prendre la parole, M. Calixte Nganongo, ministre des Finances et du budget, a présenté au Conseil des ministres le document de cadrage élaboré en application des dispositions de la loi n° 10-2017 du 9 mars 2017, portant code relatif à la transparence et à la responsabilité dans la gestion des finances publiques en son article n° 13 alinéa 2 et de la loi n° 36-2017 du 3 octobre 2017, relative aux lois de finances en ses articles 9, 10, 11 et 63.
Il a rappelé que le cadre budgétaire à moyen terme 2019-2021 s’inscrit dans le processus d’ajustement budgétaire à court et moyen termes amorcé en 2018 par le gouvernement tout en rappelant le vaste chantier de réformes de finances publiques entrepris par le ministère des Finances et du budget, visant à élaborer un document de stratégie et un plan d’action pour la période 2018-2022.
Faisant le point de l’exécution au premier trimestre du budget 2018 et de son estimation à fin décembre 2018, le ministre Calixte Nganongo a rappelé que les ressources budgétaires prévues à la somme de 1 602 milliards 600 millions de francs FCFA ont été mobilisées à hauteur de 291 milliards de francs FCFA au 31 mars 2018, soit 18,2% des prévisions.
Avec la persistance de la mauvaise conjoncture économique dans le secteur non pétrolier, le taux de mobilisation des ressources budgétaires à fin décembre 2018 pourrait se situer à un niveau bas, c’est-à-dire autour de 1 164 milliards de FCFA, soit un taux de réalisation de 72,6%.
Ces ressources seraient principalement tirées par les impôts et taxes pour 575 milliards 200 millions de FCFA, suivies des recettes pétrolières pour 448 milliards de FCFA.
Les dépenses du budget de l’Etat, par contre, se sont établies à 268 milliards de francs CFA au premier trimestre 2018 pour une prévision annuelle de 1 383 milliards 600 millions de FCFA, soit un taux de réalisation de 19,4%.
Au regard de la tendance d’exécution au 31 mars 2018, ces dépenses sont estimées à fin décembre à 1 072 milliards de FCFA, soit un taux d’exécution probable de 77,5%.
En 2018, les ressources de trésorerie baisseraient de 68,5% à 200 milliards 200 millions de FCFA, contre 635 milliards de FCFA en 2017. Tandis que les charges de trésorerie augmenteraient de 157,8% à 979 milliards 100 millions de FCFA en 2018, contre 379 milliards 800 millions de FCFA en 2017. Ainsi, il en résulterait un gap de financement à fin 2018 de 559 milliards 900 millions de FCFA.
S’agissant des projections des ressources et des dépenses budgétaires pour la période 2019-2021, le ministre Calixte Nganongo a indiqué que les ressources budgétaires évolueraient en dents de scie à un rythme annuel moyen de -2,7%. Elles s’établiraient à 2 077 milliards 900 millions de FCFA en 2019, en hausse de 29,7% par rapport aux réalisations de 2018. Cette projection repose sur la progression attendue des ventes des cargaisons (57,5%).
En 2020, ces recettes se replieraient à 2 022 milliards 900 millions de FCFA et à 1 965 milliards 500 millions de FCFA en 2021.
Les recettes fiscales, quant à elles, progresseraient à un rythme annuel moyen de 6,7% et se situeraient à 806 milliards 300 millions de FCFA en 2019, contre 737 milliards 900 millions de FCFA en 2018, à 850 milliards 300 millions de FCFA en 2020 et à 919 milliards 300 millions de FCFA en 2021.
Les autres recettes, influencées par les variations de la production et du prix du pétrole, s’établiraient à 1 048 milliards 100 millions de FCFA en moyenne sur la période à un rythme annuel moyen de -10,6%.
En 2019, elles seraient à 1 160 milliards 800 millions de FCFA, contre 755 milliards 500 millions de FCFA en 2018. Elles se replieraient à 1 056 milliards 800 millions FCFA en 2020 et à 926 milliards 800 millions de FCFA en 2021. Les dons évolueraient à un rythme annuel moyen de 6,3% et se situeraient en moyenne à 33 milliards de FCFA.
La période 2019-2021 serait ainsi marquée par une part prépondérante des crédits budgétaires alloués aux secteurs « sociaux » avec 458 milliards de FCFA en moyenne, soit 40,4% du budget de l’Etat. Les secteurs « Défense et sécurité » et « Infrastructures » viendraient en deuxième et troisième positions, avec respectivement 214 milliards 900 millions de FCFA en moyenne et 132 milliards 300 millions de FCFA en moyenne, soit respectivement 18,9% et 11,7%.
Les secteurs « Souveraineté » et « Gouvernance administrative et économique » arriveraient en quatrième et cinquième positions avec 127 milliards 500 millions de FCFA en moyenne et 123 milliards 800 millions de FCFA, soit respectivement 11,2% et 10,9%. Le secteur « Production et commerce » occuperait la sixième position avec 52 milliards 700 millions de FCFA en moyenne, soit 4,7%. Et enfin, le secteur « Gouvernance judiciaire » viendrait en dernière position avec 25 milliards 600 millions de FCFA en moyenne, soit 2,3%.
Enfin, abordant les hypothèses retenues pour l’année 2019, le ministre Nganongo a indiqué que les allocations des ressources budgétaires pour l’année 2019 ont été dictées par les choix et priorités contenues dans le programme d’actions du gouvernement.
En somme, sur la période 2019-2021, il faut retenir les faits suivants :
- le gouvernement table sur une amélioration des recettes fiscales en relation avec celle de l’activité économique dans le secteur hors pétrole ;
- les recettes pétrolières restent influencées par la tendance à la baisse des cours de pétrole à partir de 2020 ;
- la capacité de l’Etat à contenir ses dépenses publiques dans la limite de ses ressources propres;
- la viabilité de la dette publique en s’appuyant sur la stratégie de sa gestion, aujourd’hui en cours de validation ;
- la capacité du gouvernement à mobiliser des appuis budgétaires proposés par les partenaires techniques et financiers.
Le Conseil des ministres a pris acte de ce document qui fixe les grandes orientations de la politique budgétaire et a décidé de sa transmission au parlement pour servir de support au débat d’orientation budgétaire prévu à l’article 11 de la loi précitée.
L’ordre du jour étant épuisé, le président de la République a clos et levé la séance.
Commencée à 10h 00 le Conseil des ministres a pris fin à 13h03minutes.
Pour le ministre de la Communication et des médias
Porte-parole du gouvernement, en mission
Anatole Collinet Makosso
Ministre de l’Enseignement primaire, secondaire et de l’alphabétisation