TRIBUNE. La dynastie Al Assad qui a régné durant 54 ans sur la Syrie vient de tomber après juste douze jours d’affrontements et ce, à cause de la pourriture interne de son régime et de changement de stratégies de déstabilisations des puissances otaniennes qui n’ont rien lâché depuis leurs premières attaques de 2012 via des groupes terroristes. Avec cette chute, les équilibres politiques du Moyen-Orient vont basculer et il y aura inexorablement une nouvelle redistribution de cartes dans la région.
Deux perdants et deux gagnants figurent dans cette guerre.
Parmi les grands pédants se comptent la Russie et l’Iran.
La chute d’Al Assad emporte avec elle les intérêts géostratégiques russes en Méditerranée. Moscou perd son seul allié loyal de longue date en dehors de l’espace soviétique… Elle perd également sa seule base navale en mer chaude. C’est un camouflet pour le Kremlin, qui avait présenté la Syrie comme le modèle des interventions « à la russe », qui se résolvaient vite au lieu de s’embourber comme les aventures occidentales. Ce port sur la Méditerranée s’avérait également un moyen de revenir dans le jeu diplomatique de la région, en se positionnant comme interlocuteur incontournable de toute négociation au Moyen-Orient. Bref, un symbole de la stature mondiale de la Russie. Il faudra désormais renoncer à de telles ambitions.
La défaite de l’Iran est quant à elle beaucoup plus profonde. Depuis la mort de Khomeiny, la République Islamique a fait de la Palestine la question centrale de la vie du pays, la justification de tous les sacrifices. Maintenant que la Syrie est tombée, que le Hamas est aussi meurtri, que le Hezbollah est dans une situation aussi précaire, il semble bien que l’Iran n’ait plus aucun moyen crédible de menacer Israël.
Le coup porté à l’idéologie du pouvoir est très rude. Il va lui falloir se réinventer, sans quoi son avenir sera sombre.
Le premier pays qui bénéficiera clairement de la situation, c’est la Turquie, qui pourra enfin rapatrier les millions de réfugiés syriens présents sur son territoire, et qui pourra faire de son voisin méridional un quasi-protectorat du fait du différentiel de puissance économique.
Sans parler, bien sûr, de la question Kurde. Maintenant que les Russes sont partis, plus rien ne s’oppose à une offensive pour détruire le PYD (branche syrienne du PKK).
Elle aura sans doute lieu, car Joulani ne cherchera probablement à négocier avec eux plutôt qu’à les éliminer.
La chute du clan Assad marquera l’histoire par les changements stratégiques majeurs qu’elle déverrouille dans toute la région. Reste à voir si ces changements seront porteurs d’espoir, où s’ils entraîneront le Moyen-Orient dans la nuit comme l’avait fait la chute de Saddam Hussein.
En entrant dans une profondeur géostratégique, je dirais que la défaite de la Syrie n’est pas fruit du hasard. C’est le résultat d’une longue stratégie mise en place par l’Occident depuis le printemps arabe de 2011 qui a vu se crouler tour à tour les régimes de Tunisie, d’Égypte, de Libye etc. La Syrie a résisté jusqu’à 2017 mais a commis la grave erreur d’avoir baissé la garde. Elle a ignoré que l’autre camp ne renonce jamais quand il se fixe un objectif et que ses haut-gradés étaient déjà achetés par le camp ennemi.
La véritable question qu’il faut se poser est la suivante: pourquoi ce coup se produit MAINTENANT? Cette chute de Al Assad ne se comprend mieux que dans le contexte géopolitique plus large de ce qui se déroule en Ukraine où tous les moyens sont bons pour affaiblir l’adversaire et ses alliés. La Russie en perdant son port sur la Méditerranée et l’Iran en perdant sa “ceinture chiite” dans les frontières avec Israël se trouvent tous deux très affaiblis. En anéantissant les bases arrière de l’Iran, celui-ci devient vulnérable vis-à-vis d’Israel et des forces otaniennes. Trump qui dans ses promesses électorales, a promis d’anéantir l’Iran a désormais les coudées franches pour les mettre en exécution dès qu’il sera installé à la Maison Blanche. L’anéantissement de l’Iran qui fabrique des drones en faveur de la Russie affaiblira cette dernière.
D’autre part en remplaçant Al Assad par un régime terroriste Sunnite financé par Israël et les puissances occidentales, la Syrie va le payer très cher. Damas sera régi par un pouvoir de type Al Qaida, le pays entrera ainsi dans un chaos organisé comme en Libye et en Irak et pire il pourra devenir l’épicentre du terrorisme international qui sera instrumentalisé par qui l’on sait contre tout régime du Moyen-Orient qui n’acceptera pas de marcher au pas de ses ukases.
Germain Nzinga