C’est le genre de scandale que les institutions bancaires choisissent généralement de passer sous silence pour ne pas impacter l’image de leurs établissements, même si elles préfèrent ne jamais le connaître.
Ce jeudi 14 mars, dans un silence assourdissant, on apprenait la suspension de la cotation d’Attijariwafa bank Tunisie, la filiale tunisienne du Groupe bancaire marocain Attijariwafa bank.
« A la demande du Conseil du marché financier, la cotation des titres “ATTIJARI BANK” est suspendue à partir du jeudi 14 mars 2019 », soulignait la Bourse de Tunis dans un message laconique publié sur son site Internet. Sans aucune explication pouvant aider à comprendre une telle décision.
La nature ayant horreur du vide, encore plus dans le milieu de la finance, la rumeur prend rapidement place et les raisons de cette suspension inattendue se multiplient.
Dans un premier temps, le magazine Jeune Afrique croit savoir que « derrière cette décision, le dévissage continu de la filiale tunisienne du géant bancaire marocain qui a perdu plus de 14 % de sa valeur depuis le 8 mars ».
Mais très vite, c’est une autre version justifiant cette décision qui crée un malaise dans le milieu bancaire tunisien qui va prendre le dessus.
En effet, selon notre confrère, « si Attijari bank chute ainsi, c’est parce que la brigade nationale de contrôle économique et financière est en train d’enquêter sur la société bancaire depuis le début de l’année à propos d’un détournement de devises, pour une valeur avoisinant les 200 millions de dinars (58,5 millions d’euros) ».
Une situation embarrassante qui n’est toutefois pas nouvelle dans le landernau financier, Attijari bank n’étant pas la première banque marocaine à se retrouver empêtrée dans ce genre de scandale touchant ses filiales africaines. Dans un passé récent, un grand groupe très présent sur le continent africain avait déjà été confronté à pareille situation, sans que personne n’en parle.
Dans le cas de la Tunisie, les politiques n’ont évidemment pas tardé à se saisir de ce scandale, à l’instar de Marouan Falfel, député de la majorité (Coalition nationale).
Pour ce responsable politique et membre de la commission des finances dont les propos sont rapportés par Jeune Afrique, «c’est un détournement réalisé par des particuliers avec la complaisance de chefs d’agence autour de la région d’el Jem [à 200 km au sud de Tunis] qui est connu pour ses activités intenses en matière de négoce et de contrebande ».
Dans un articlé consacré à ce sujet, notre confrère explique cette fraude on ne peut plus classique en ces termes: «Sous prétexte d’exportation, le(s) client(s) demande(nt) d’importantes sorties de devises à la banque pour payer leurs clients sur des comptes à l’étranger, situés notamment dans des pays asiatiques dans le cas présent ».
Le problème, c’est que « les biens importés, eux, n’arrivent jamais en Tunisie ou alors sont d’une valeur largement inférieure aux devises sorties », précise-t-il.
Pour ne pas attirer l’attention, les malfaiteurs auraient recouru à un subterfuge tout simple consistant à réaliser plus d’une vingtaine d’opérations d’une dizaine de millions de dinars chacune.
Dans un communiqué adressé à ses actionnaires, partenaires et clients, la banque Attijari bank Tunisie assure qu’elle apporte son entière et parfaite collaboration aux autorités tunisiennes, selon le site Kapitalis.com.
Citant la banque, le site web tunisien rapporte que « cette affaire n’aura pas d’impact, ni sur la situation financière, ni sur la responsabilité » et assure qu’elle s’engage à porter à la connaissance du public tout fait important relatif à cette affaire.
A noter que dans un entretien accordé à ce même site, depuis le Maroc où il participe au 6ème Forum international Afrique développement (FIAD), Hicham Seffa a réagi à la suspension de la cotation d’Attijari bank Tunisie dont il est le directeur général.
« Le fait de voir qu’il y ait des enquêtes autour de sujets qui ont lien avec les finances, ça n’a rien d’exceptionnel. Ça peut toucher Attijari, comme ça peut toucher d’autres établissements financiers », a-t-il confié.
De son côté, a assuré le DG, « maintenant, de manière générale, à Attijari on met en place les systèmes nécessaires et les dispositifs qu’il faut… Et quand il y aura des responsabilités notamment individuelles, les gens sont là pour assumer », a-t-il poursuivi.
Une chose est certaine, c’est que suite à la publication du communiqué de la banque, le Conseil du marché financier a décidé la reprise de la cotation du titre Attijari bank dès la séance du vendredi 15 mars.
Alain Bouithy