L’Afrique est-elle consciente qu’une grande guerre se prépare ?

L’Afrique est-elle consciente qu’une grande guerre se prépare ?

TRIBUNE. Les bouleversements observés ces derniers temps dans le monde mettent en veilleuse le droit international. Il est clair que, désormais, la force militaire et la puissance technologique feront la loi. Le président américain affiche des velléités expansionnistes jusqu’au Moyen-Orient, pendant que la Russie nourrit l’ambition d’étendre ses frontières. De son côté, la Chine se prépare et met en garde Taïwan, tandis que l’Europe refuse d’être vassalisée et renforce son arsenal. Ne reste plus que l’Afrique, silencieuse, qui semble ignorer les enjeux militaires. Et pourtant… Alors que l’Union européenne envisage de s’abriter sous le parapluie nucléaire français, alors que l’Allemagne, qui n’avait presque plus d’armée, annonce des budgets colossaux pour reconstituer sa défense, sur le continent africain, l’indifférence semble de mise. Pourtant, la menace terroriste pourrait justifier un réarmement massif, mais l’on observe la situation avec timidité. On attend les autorisations des Nations unies pour acquérir de simples Kalachnikovs.(j’exagère un peu mais ce n’est pas loin). L’enjeu militaire est devenu la pierre angulaire des relations internationales. Ne pas le comprendre, c’est se condamner à rester en marge du monde. Il faut une Afrique de la défense forte et indépendante. Une Afrique capable, elle aussi, de développer des armes de dissuasion. Dans le cas contraire, nous resterons des proies. Des proies faciles. Par Teddy Patou Journaliste et animateur radio.

Le Cameroun au bord du chaos

Le Cameroun au bord du chaos

LIBRES PROPOS. Nous sommes à une virgule du Rwanda des années 90. Rappelez-vous : le génocide s’est construit à partir d’un discours stigmatisant diffusé dans un petit cercle. Petit à petit, le virus de la haine s’est propagé. Des médias, tels que la Radio Mille Collines, ont été mis à contribution jusqu’à ce que l’étincelle actionne le détonateur. Inutile de rappeler l’ignominie qui a suivi. Le Cameroun est en train de suivre le même schéma : le repli identitaire et la stigmatisation d’une communauté s’enracinent. Au début, beaucoup pensaient qu’il ne s’agissait que d’une guerre verbale sur les réseaux sociaux. Mais entre le virtuel et la réalité, il n’y a qu’un pas. Depuis les élections de 2018, on assiste à une montée en flèche d’actes d’une barbarie sans nom, notamment dans le Sud, région d’origine du président de la République. Hier encore, les commerces de ceux qu’ils appellent les “allogènes” ont été saccagés et détruits. Les populations des autres ethnies ont été prises à partie, pourchassées à coups de battes et de pierres. Soyons triviaux : c’est un Camerounais qui demande à un autre Camerounais de “rentrer chez lui”… au Cameroun. Je vous laisse le temps de mesurer cette incongruité. Mais cette scène de violence n’est pas une exception. Il y a quelques années, c’était le même scénario, dans la même région. À l’époque, des militants d’autres partis politiques avaient même été interdits d’y entrer. Cela nous apprend deux choses : 1. L’échec lamentable du régime de Paul Biya à construire un État-nation. Il a échoué à renforcer une identité camerounaise capable de transcender les ethnies. Il a échoué à trouver un socle commun qui puisse unir les Camerounais au-delà de leurs différences. Mais cet échec est-il vraiment involontaire ? Il ressemble plutôt à un calcul politique cynique : exacerber les divisions pour mieux asseoir son pouvoir. “Diviser pour mieux régner” — et sur ce point, il faut l’admettre, il a réussi. 2. Le fastidieux chantier qui attend le prochain président du Cameroun : la réconciliation nationale. Pardonner risque d’être difficile si la bonne formule n’est pas trouvée. Les blessures de la division sont profondes, la rancœur s’est installée et continue de grandir. Restaurer l’harmonie et réunifier le pays sera un défi colossal. Teddy Patou Journaliste et animateur radio.

Élections présidentielles au Cameroun : pourquoi une révolution populaire avant le scrutin est irréaliste

Élections présidentielles au Cameroun : pourquoi une révolution populaire avant le scrutin est irréaliste

1. Un contexte défavorable L’idée d’une révolution populaire pour renverser le gouvernement Biya avant l’élection est presque irréalisable dans le contexte actuel. Les divisions ethniques, politiques et sociales sont trop profondes pour permettre une mobilisation unifiée. Ce type d’initiative a déjà été tenté après l’élection de 2018, sans succès. Une révolution populaire repose sur une prise de conscience collective et une cause partagée par une majorité. Or, au Cameroun, cette unité n’existe pas encore. Certains défendent leurs intérêts ethniques, même s’ils sont eux-mêmes victimes du système. D’autres refusent de s’engager pour des raisons individuelles. Trop de fractures empêchent une action concertée. 2. Le risque d’une guerre interethnique Le Cameroun est déjà fragilisé par des tensions ethniques. Ces tensions ne sont pas seulement verbales : elles se traduisent par des actes concrets. • Certains Camerounais ont été interdits d’entrer dans certaines régions à cause de leur ethnie. • D’autres ont été expulsés de villes où ils n’étaient pas considérés comme autochtones. Ces événements sont autant de signaux alarmants. Une révolution risquerait d’attiser ces tensions et de provoquer un conflit interethnique généralisé. 3. L’élection, une alternative à défaut de mieux Même si les élections au Cameroun sont souvent biaisées, elles restent, pour l’instant, l’unique alternative pour éviter un chaos incontrôlable. Elles offrent un cadre, aussi imparfait soit-il, qui peut permettre, à terme, d’éveiller une conscience collective et de poser les bases d’un véritable changement. Teddy Patou Journaliste et animateur radio.

CAMEROUN: Une élection pour trois destins

CAMEROUN: Une élection pour trois destins

TRIBUNE. 2025 sera une année électorale cruciale au Cameroun. Depuis l’avènement de la pseudo-démocratie, chaque scrutin a été marqué par des tensions, mais celui-ci s’annonce particulièrement sensible en raison de deux particularités qui renforcent les inquiétudes. Le contexte politique : une opposition renforcée et structurée Depuis les élections de 2018 et la crise post-électorale qui a suivi, l’opposition camerounaise s’est reconstruite et renforcée. Une aile dure s’est dégagée, capable de contester, de mobiliser et d’entonner une musique de la révolte dont le refrain pourrait se généraliser. Surtout, une opposition structurée et prête à diriger a émergé, composée d’hommes et de femmes d’État dont le sérieux ne souffre d’aucune critique. L’engouement populaire : un électorat réveillé Pendant des années, les errements des gouvernants ont éloigné les Camerounais de la politique. Les citoyens, désabusés, répétaient des expressions comme « Que je vote ou pas, il va gagner« , comparant la politique à une musique écoutée en boucle jusqu’à l’écœurement. Cependant, les choses semblent avoir changé. La récente mobilisation pour l’inscription sur les listes électorales en est la preuve : elle a atteint un niveau sans précédent. Trois destins possibles : 1. Un coup d’État militaire (orchestré depuis l’étranger) Un général camerounais a déclaré qu’en 1991, si le président Biya avait perdu le pouvoir, les militaires l’auraient repris par la force. Après 43 ans de pouvoir, les éléments du système se sont enracinés et renforcés, rendant leur délogement difficile. Certains pourraient préférer brûler le pays plutôt que de perdre leurs privilèges et leur bourgeoisie compradore. 2. Une nouvelle victoire du président Paul Biya (92 ans) Bien qu’il n’ait pas encore déclaré sa candidature, Paul Biya, au pouvoir depuis 1982 et dans les arcanes du pouvoir depuis 1962, pourrait se représenter. En cas de victoire, le Cameroun risquerait de connaître une révolte populaire, tant le mécontentement est palpable. 3. Une transition démocratique apaisée (le destin souhaité, mais le moins probable) En cas de victoire du parti au pouvoir ou de l’opposition, des félicitations pourraient être échangées au nom de la paix. Cependant, ce scénario reste peu probable dans un contexte aussi polarisé. Teddy Patou Journaliste et animateur radio.

Le Sahel : un enjeu de communication aussi crucial que celui de la sécurité

Le Sahel : un enjeu de communication aussi crucial que celui de la sécurité

TRIBUNE. La cabale médiatique, le lynchage verbal et la diabolisation dont sont victimes les leaders de la Confédération des États du Sahel révèlent trois grandes leçons. 1. Une guerre de l’information implacable Il existe bel et bien une guerre de l’information, parfois plus féroce et immorale que la guerre militaire. Elle repose sur la manipulation du langage, visant à discréditer les dirigeants sahéliens en les qualifiant de putschistes, juntes, marionnettes de Poutine ou encore nouveaux valets. Cette guerre de communication se traduit également par une couverture médiatique biaisée : soit en omettant délibérément certaines vérités, soit en véhiculant des contre-vérités. Par exemple, la récente déclaration du Premier ministre burkinabé sur la reconquête du territoire n’a pas eu d’écho significatif dans la presse internationale. Pourtant, le Burkina Faso, qui était au bord d’une prise de contrôle par les groupes terroristes, a restauré sa souveraineté sur plus de 70 % de son territoire. Ce succès aurait dû être un événement médiatique majeur, salué comme une victoire contre le terrorisme. Mais au lieu de cela, le silence domine. 2. Une hostilité systématique envers les nationalistes africains La deuxième leçon est l’hostilité presque instinctive envers les dirigeants nationalistes africains. L’histoire l’a déjà montré : avant d’être physiquement éliminés, Patrice Lumumba et Thomas Sankara ont d’abord été attaqués médiatiquement. Présentés comme des communistes ou des extrémistes, ils ont été accusés de tous les maux et livrés à la vindicte populaire. Aujourd’hui, l’histoire se répète. Lorsque le général Assimi Goïta, au Mali, décide de renégocier les contrats miniers, notamment ceux liés à l’or, aucun média occidental ne salue cette initiative comme une démarche de justice sociale ou de souveraineté économique. De la même manière, au Niger, les nationalisations d’industries sont perçues non pas comme une volonté de préserver les intérêts nationaux, mais comme une menace pour l’ordre établi. 3. L’impératif de renforcer la puissance des médias africains Enfin, la troisième leçon est l’urgence pour nos États de bâtir des médias puissants et influents. Il ne s’agit pas de propagande, mais d’un équilibre dans la transmission de la vérité. Il faut développer des médias capables de contrer les désinformations, de porter une voix crédible sur la scène internationale et d’offrir un regard alternatif sur les réalités africaines. Sans ce renforcement médiatique, nos nations resteront vulnérables dans cette guerre informationnelle. L’enjeu est clair : si nous voulons rétablir un équilibre des forces, nous devons investir massivement dans la communication et la souveraineté médiatique. Teddy Patou Journaliste et animateur radio.

RD Congo. Trois leçons à tirer de l’échec de l’armée congolaise dans l’Est

RD Congo. Trois leçons à tirer de l’échec de l’armée congolaise dans l’Est

PARLONS-EN. Face à la fragilité de ses forces et aux ambiguïtés du jeu occidental, la République démocratique du Congo (RDC) « aurait pu explorer d’autres partenariats pour se doter de matériel militaire, renforcer son armée et affirmer sa puissance », estime le journaliste et animateur radio Teddy Patou dans la tribune ci-dessous. 1- La souveraineté, la préservation de l’intégrité territoriale et la garantie de la sécurité reposent avant tout sur la puissance de l’armée. Sur ce plan, la politique de défense du Congo a complètement échoué. Elle a failli à renforcer ses capacités militaires depuis l’ère Joseph Kabila. 2- Les alliances et les partenariats de défense crédibles. Sur ce point également, c’est un nouvel échec pour le pouvoir de Kinshasa. Conscient de la fragilité de ses forces et du jeu de dupes occidental, Kinshasa aurait pu se tourner vers d’autres partenaires pour acquérir du matériel militaire, renforcer son armée et construire sa puissance. Cette stratégie fonctionne au Sahel : les restrictions en matière d’armement qui pesaient sur le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont été levées grâce à leurs partenaires russes, iraniens et turcs. N’oublions pas que l’Occident avait clairement interdit l’achat de certains types de matériel de défense à ces pays, une décision relevant d’une stratégie de fragilisation des armées africaines dans le but évident de maintenir le continent sous dépendance militaire. 3- La défense des droits de l’homme est à géométrie variable. Sinon, comment comprendre que les Nations Unies, preuves documentées à l’appui, savent que c’est le Rwanda qui déstabilise le Congo, mais que jusqu’ici le Conseil de sécurité n’a pris aucune décision d’intervention contre Kigali ? Faut-il rappeler la rapidité avec laquelle ce même Conseil a autorisé des interventions pour des crises bien moindres ? Souvenons-nous du contentieux électoral en Côte d’Ivoire en 2010, de la crise libyenne… et la liste pourrait s’allonger encore longtemps. Je pense au peuple congolais, à qui j’apporte tout mon soutien. Je pense profondément à ces familles actuellement sur les routes de l’exil, cherchant un abri. Je pense à ces jeunes qui, sans moyens, ont affronté avec vaillance et courage les soldats dans l’Est, précisément à Goma. La République démocratique du Congo se relèvera. Teddy Patou Journaliste et animateur radio.