Cameroun. Je suis Bamiléké et fier de l’être

Cameroun. Je suis Bamiléké et fier de l’être

HAUT-ET-FORT. Loin d’être un repli identitaire, cette affirmation est un rappel de mes origines. Un rappel essentiel, surtout en ces temps qui courent. Oui, il y a un problème Bamiléké au Cameroun. Une fixation malsaine pèse sur ce peuple des hautes montagnes de l’Ouest. Une obsession héritée de la colonisation. On se souvient tous de cette phrase tristement célèbre de Jean-Marie Lamberton, officier français des années 60, qui qualifiait les Bamiléké de « caillou dans la chaussure du Cameroun ». Cette bamiphobie a été reprise et entretenue par le régime néocolonialiste d’Ahidjo, puis par celui de Paul Biya. Elle n’a pas seulement été un outil politique : elle est devenue une construction sociologique et culturelle. Le Bamiléké a été décrit comme un envahisseur, un roublard. Dans le Cameroun où nous avons grandi, certains allaient jusqu’à parodier une chanson en la transformant en : « si tu es Bami, c’est que Dieu t’a maudit ». Les insultes et assimilations animales ont suivi : « le porc », « le Bosniaque ». Ceci dans un pays qui prétend pourtant lutter contre le tribalisme. Cette bamiphobie se fait encore plus violente en politique. Ils aiment les Bamiléké bouffons (Jean de Dieu Momo), malléables, obéissants, exactement comme le colon aimait son « nègre de maison ». Mais le Bamiléké intelligent, influent, cohérent, objectif devient un obstacle. C’est ce que subit le professeur Maurice Kamto. On ne lui reproche pas son programme ni ses idées, mais simplement d’être Bamiléké. Dans ce pays, un ressortissant du Nord peut soutenir Bello ou Tchirouma sans être traité de tribaliste. Un Bassa peut appuyer Cabral Libii sans être accusé de communautarisme. Mais qu’un Bamiléké soutienne Kamto, et immédiatement il est stigmatisé. Oui, il y a un problème Bamiléké au Cameroun. Certains rétorquent en citant quelques Bamiléké présents au gouvernement. Mais Juvénal Habyarimana aussi avait quelques Tutsis dans son gouvernement : cela n’a pas empêché le génocide. Pourquoi cette bamiphobie s’est-elle exacerbée aujourd’hui ? Parce qu’une nouvelle génération de Bamiléké a émergé : fière, le torse bombé, les épaules droites et le regard ferme. Une génération qui a réussi à se débarrasser d’un complexe longtemps entretenu. Elle ose en politique, elle excelle dans les domaines les plus pointus. Elle a conscience de ses forces et de sa contribution à l’histoire du Cameroun indépendant, une contribution souvent payée au prix du sang de ses aïeux. Cette affirmation de soi scandalise les architectes de la bamiphobie. Elle les rend violents, au point de crucifier tout un pays simplement pour atteindre le Bamiléké. Nous devons continuer d’éduquer nos enfants à l’estime de soi, à l’amour de soi dans le respect des autres, à la justice et à l’équité. Nous devons les ancrer dans leur culture et leur identité, tout en leur rappelant qu’ils appartiennent à une nation diverse et hétérogène. Cette bamiphobie disparaîtra le jour où ceux qui l’entretiennent comprendront qu’ils n’ont pas d’autre choix que de faire avec nous. Par Teddy Patou Journaliste et animateur radio

Élection présidentielle au Cameroun : Quand l’objection de conscience rencontre la dissonance cognitive

Élection présidentielle au Cameroun : Quand l’objection de conscience rencontre la dissonance cognitive

TRIBUNE. Des millions de Camerounais vivent dans cet inconfort à la veille du scrutin controversé du 12 octobre prochain. Partagés entre le boycott, par respect pour les valeurs de justice, d’équité et d’égalité, et l’obligation d’y aller pour espérer un miracle du changement par les urnes. Cette lutte interne que beaucoup d’entre nous traversent révèle au moins deux choses : • La profonde déception, cette blessure intime toujours ouverte après l’éviction du professeur Maurice Kamto dans ce qui demeure, pour beaucoup, une conspiration flagrante. • L’intensité et l’enracinement de notre engagement pour le changement dans notre pays. Nous sommes face au choix entre l’égoïsme et l’objectivité. Refuser de voter pourrait, sans doute, satisfaire notre ego et notre principe. Pourtant, cette décision ne changera rien à la situation du Cameroun ; au contraire, elle servira d’alibi pour justifier l’hypothétique victoire d’un régime depuis longtemps habitué à la fraude et à la mascarade. Par contre, choisir d’aller aux urnes renforce le sens de notre lutte. L’enjeu est trop énorme pour nous offrir le luxe, à ce stade, d’être de simples spectateurs. Nous devons y aller, pour accomplir jusqu’au bout notre engagement en faveur du changement. Les questions majeures sont désormais de savoir : comment y aller ? Par quelle stratégie ? Sans doute à travers le jeu des alliances. Mais avec qui, et comment ? Autant d’interrogations encore en suspens, mais qui constituent désormais, à mes yeux, l’axe primordial de notre réflexion. Par Teddy Patou Journaliste et animateur radio

Cameroun : le théâtre des bouffons politiques

Cameroun : le théâtre des bouffons politiques

HAUT-ET-FORT. Le syndrome de Stockholm. Pour l’expliquer, inutile d’ouvrir un manuel de psychologie. Racontez seulement l’histoire de Célestin Djamen : tout y est. En 2018, il brandissait fièrement son titre de responsable des droits de l’homme au MRC, principal parti d’opposition. Aux lendemains d’une élection volée, son parti criait au hold-up électoral. Les Camerounais descendaient dans la rue, pacifiquement, pour réclamer la vérité des urnes. Le régime, fidèle à sa tradition répressive, sortit les armes. Premier rassemblement, première balle. Djamen s’écroule, le pied transpercé, traîné devant un tribunal militaire, jeté en prison. Un martyr, croyait-on. Mais à sa sortie, tout s’effondre. Le MRC boycotte les législatives de 2020 : adieu les rêves de strapontins. Djamen se voyait député, maire, notable. Le réveil fut brutal. La frustration se transforma en rancune, la rancune en trahison. Il claque la porte, fonde son propre parti, réduit à une cellule familiale : lui et son cousin. Puis, miracle ! L’ancien pourfendeur du régime découvre soudainement les charmes de Paul Biya. Son discours change : du fouet au baiser, du poing levé à la génuflexion. Hier, il accusait. Aujourd’hui, il rampe. Hier, il criait « hold-up électoral ! ». Aujourd’hui, il jure fidélité au bourreau qui a failli l’amputer. Et voilà Djamen, fraîchement enrôlé dans le fameux G20, ce club de micro-partis ventriloques, conglomérat d’aplaventristes, satellites de la mangeoire. Le plus grotesque ? Dans une interview, il ose déclarer que Paul Biya, 93 ans, fantôme épuisé par l’âge, serait le candidat idéal pour conduire le Cameroun. Le ridicule en costume trois-pièces. Mais Djamen n’est pas seul dans ce cirque. Dans toutes les dictatures, la récompense n’est pas le mérite, mais la servilité. Jean de Dieu Momo en est l’illustration : ex-opposant enflammé, devenu griot officiel. Et que dire du ministre de l’Enseignement supérieur, qui s’est présenté comme « la créature de Paul Biya » ? Une bassesse innommable pour un homme qui prétend encore penser. Ces hommes ravaleront leurs vomissures pour un strapontin. Ils sacrifieront leur honneur sur l’autel d’une nomination. Leur dignité vaut moins qu’une chaise bancale dans un gouvernement fantôme. Voilà le drame du Cameroun : une élite qui trahit pour manger, une classe politique qui vend ses convictions au rabais. Or la politique devrait être le domaine des valeurs, pas celui du ventre. Nous devons réapprendre, coûte que coûte, que la dignité et l’honneur surpassent mille fois tous les biens matériels. Sans cela, nous resterons un peuple enchaîné aux caprices d’un vieillard et aux trahisons de ses bouffons. Par Teddy Patou Journaliste et animateur radio

L’élite politique jeune en Afrique : le cas du Cameroun et du Sénégal

L’élite politique jeune en Afrique : le cas du Cameroun et du Sénégal

TRIBUNE. Au Cameroun, quatre des douze candidats à la prochaine élection présidentielle d’octobre ont moins de cinquante ans. Mais contrairement au Sénégal, cette jeunesse politique peine à fédérer sa génération. La question c’est pourquoi? Au Sénégal, la nouvelle élite politique s’est imposée par la combativité, la cohérence et une opposition frontale au pouvoir. L’exemple d’Ousmane Sonko est révélateur : sa notoriété ne s’est pas seulement bâtie sur ses positions contre la Françafrique, mais surtout sur sa fermeté et ses actions déterminées face au régime de Macky Sall. Il n’a jamais hésité à mobiliser la rue, au prix de son intégrité et de sa liberté. Ses multiples arrestations, largement médiatisées, n’ont pas entamé sa détermination. Au contraire, elles ont renforcé l’image d’un leader prêt à tout sacrifier pour le changement. Son discours, sa pugnacité et son projet de société clair ont trouvé un écho profond auprès de la jeunesse sénégalaise. Aujourd’hui, lui et ses compagnons incarnent le renouveau politique au sommet de l’État. Au Cameroun, la situation est bien différente. L’élite politique jeune apparaît amorphe, complaisante, parfois même en connivence avec le régime qu’elle prétend combattre. Loin de risquer leurs privilèges, beaucoup préfèrent la posture confortable des plateaux de télévision climatisés, multipliant des déclarations alambiquées et soignant leur image. Mais rares sont ceux qui assument une véritable opposition, alors même que le contexte s’y prête. La réalité est simple : nous vivons en dictature. Et une dictature ne se renverse pas par des discours creux. Elle exige de la détermination, de la mobilisation et du courage. Elle exige qu’on descende dans la rue pour défendre les droits des citoyens et qu’on refuse le silence face au déclin du pays. L’exemple sénégalais rappelle que le changement n’est pas le fruit de la complaisance, mais celui de l’engagement, du sacrifice et de la conviction. Tant que la jeunesse politique camerounaise ne l’aura pas compris, elle restera spectatrice d’un pouvoir qu’elle dit vouloir combattre, mais qu’en réalité elle consolide par son inaction. Par Teddy Patou Journaliste et animateur radio

Cameroun et insécurité : un mauvais sort qui s’éternise

Cameroun et insécurité : un mauvais sort qui s’éternise

PARLONS-EN. La violence s’est enracinée dans plusieurs régions de notre pays. Une barbarie innommable qui dure depuis plus d’une décennie. Le bilan est effroyable : des dizaines de milliers de morts, en majorité des civils. Des familles entières restent introuvables, disparues depuis plus de cinq ans pour certaines. Pas plus tard que le 14 Août dernier, profitant de l’état vétuste de la route entre Maroua et Kousseri, dans l’Extrême-Nord, onze personnes, dont cinq enfants d’une même fratrie, ont été enlevées. Selon certaines sources, il s’agirait d’un kidnapping perpétré par des membres de Boko Haram. Un groupe terroriste actif dans cette région depuis 2014. C’est un choc pour toute la nation, une tragédie encore plus insupportable pour les familles, dont je n’ose imaginer la douleur. Une douleur qui se mêle à la colère, celle d’une politique sécuritaire qui a échoué. Une politique plus réactionnaire qu’anticipative. N’oublions pas que le Cameroun est également empêtré, depuis 2017, dans une guerre de sécession dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. Une guerre fratricide qui aurait pu être évitée par un simple dialogue, une écoute des revendications initialement corporatistes. Mais au lieu d’opter pour la carotte, le gouvernement camerounais, fidèle à sa tradition répressive, a choisi le bâton. Conséquence : des milliers de morts, des enfants privés d’école, des villes et villages entiers abandonnés, des compatriotes armés réfugiés dans les forêts, et nos forces de défense contraintes de tirer sur leurs propres frères. Comme le souligne le professeur Kamto dans son programme, le règlement de la crise sécuritaire doit être holistique. Concernant le terrorisme, l’approche doit combiner développement, éducation, sensibilisation et répression. Boko Haram se nourrit de la misère. Il recrute aisément parmi des jeunes désœuvrés, privés de perspectives. Il s’implante dans un espace à l’abandon, où l’école est quasi inexistante. Cette région septentrionale a besoin d’un plan de développement d’urgence, mais ce plan doit être mené de front avec la sensibilisation, la réforme de l’éducation et la traque des assaillants. S’agissant de la crise dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, il faut ajouter à ces leviers une approche historiographique. Il est indispensable de restaurer la vérité historique autour de la réunification des deux Cameroun. Beaucoup estiment que l’union s’est faite sur une base d’une duperie. Cette vérité rétablie, il faudra rappeler que la séparation n’est pas une option, et ne le sera jamais. Notre union dépasse les frontières territoriales : elle repose sur un ancrage traditionnel et spirituel. Notre pays a besoin d’un nouveau leadership, clairvoyant et proactif. Le système de 82, incarné par le président Paul Biya, a échoué sur tous les fronts. Par Teddy Patou Journaliste et animateur radio

Cameroun. La grande question : pourquoi vont-ils à l’élection présidentielle s’ils sont sûrs de perdre ?

Cameroun. La grande question : pourquoi vont-ils à l’élection présidentielle s’ils sont sûrs de perdre ?

Ma réponse : ils ne pensent qu’à eux. PARLONS-EN. Le 12 octobre prochain, 11 candidats affronteront Paul Biya lors d’un scrutin biaisé d’avance. Aucun n’a la capacité de le battre. D’abord, parce qu’aucun candidat ne peut contrer la fraude, ni même la contester. Le Conseil constitutionnel, aplatventriste, reptilisé, nommé par Paul Biya, a déjà montré qu’il ne donnera jamais un autre résultat que celui voulu par le palais d’Etoudi. Ensuite, parce que ces opposants (dont certains sont en réalité des proposants) ont prouvé leur laxisme et leur inertie face à une cause aussi noble que le droit à la justice. Beaucoup sont restés silencieux après l’élimination abjecte du principal opposant, Maurice Kamto. D’autres se sont contentés de communiqués verbeux,creux, et les plus répugnants ont même jubilé devant cette injustice. Il y a aussi une raison stratégique : avec la principale force politique écartée, aucun des candidats restants n’a un parti implanté sur l’ensemble du territoire. La plupart restent enfermés dans des enclos tribaux, incapables de dépasser leur région. Alors, pourquoi vont-ils quand même aux élections ? 1. Pour servir d’alibi à une élection qui a commencé sur une fausse note et dont le résultat est connu. 2. Pour espérer, par miracle, un poste dans le futur gouvernement. 3. Pour positionner leur parti en vue de futures législatives. 4. Pour toucher quelques billets pour avoir accompagné la mascarade. Ce qui en ressort, c’est une opposition composée d’égoïstes incapables de voir plus loin que le bout de leur nez, des nombrilistes égocentriques. Une course de cupides et de revanchards, aux ambitions minimalistes, qui refusent de marquer l’Histoire. Que devraient-ils faire ? Ils devraient stopper ce processus électoral, pour punir l’humiliation infligée à toute la République par la clique de Yaoundé. Comprendre que la falsification des documents par le ministère de l’Administration territoriale, l’autopiratage de son site internet, et les décisions absurdes du Conseil constitutionnel constituent une atteinte grave à l’image de notre nation. Aucun Camerounais digne de ce nom ne peut cautionner cela. Par patriotisme, ils devraient suspendre leur participation, appeler le peuple à réparer cette injustice et reprendre le processus sur des bases saines. Mais ils ne le feront pas. Parce qu’ils sont complices. Par Teddy Patou Journaliste et animateur radio

Un État en déclin : le cas flagrant du Cameroun

Un État en déclin : le cas flagrant du Cameroun

HAUT-ET-FORT. C’est quoi un État voyou ? C’est un État en lambeaux, dépassé, qui a échoué à se construire malgré les opportunités. Depuis les indépendances, de nombreux pays africains ont connu une ascension qu’on pourrait sans exagération qualifiée d’extraordinaire. Le Maroc, sans doute, en est l’exemple le plus parlant. Pour moi qui ai presque grandi dans ses rues, je suis un témoin direct de l’évolution tous azimuts d’un pays sérieux et ambitieux. J’ai vu – et non pas entendu et non pas lu, la généralisation de la protection sociale, telle qu’instruite par Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Presque tous les marocains et tous ceux qui y vivent ont une assurance maladie obligatoire. Ils peuvent donc se soigner sans le risque d’être confisquer dans les hôpitaux pour défaut de paiement. J’ai vu l’élaboration et la mise en place de la nouvelle charte de l’investissement, un véritable levier pour accélérer l’économie marocaine, dont les effets sont déjà mesurables. Le choix du Maroc par les plus grandes firmes internationales est un indicateur. J’ai vu un pays devenir, grâce à sa stabilité politique et sociale, le hub africain des IDE. Une réforme profonde de la justice a permis d’assainir l’environnement des affaires en misant sur l’équité, l’indépendance et la transparence. Le Maroc, qui ne dispose pourtant pas des mêmes ressources minières que mon pays d’origine, a réussi avec brio, à diversifier son économie. Son tourisme est florissant (17 millions de visiteurs selon les dernières données) grâce à une politique ambitieuse : valorisation du patrimoine, infrastructures modernes, et un marketing puissant résumé dans ce slogan simple : Maroc, terre d’accueil. J’ai vu l’agriculture marocaine évoluer, s’adapter, se moderniser, et même résister aux longues sécheresses par une lutte efficace contre le stress hydrique : dessalement de l’eau de mer, autoroutes de l’eau avec interconnexion des barrages, réutilisation des eaux usées… J’ai vu un pays miser sur l’énergie renouvelable, jusqu’à couvrir bientôt plus de la moitié de ses besoins en électricité. Et pendant ce temps, que se passe-t-il au Cameroun ? Nous mettons plus de 10 ans à construire une autoroute censée relier les deux capitales, Douala et Yaoundé. Les délestages font toujours partie du quotidien, depuis des décennies. Notre agriculture reste manuelle, peu productive, peu valorisée. Nos hôpitaux s’effondrent. L’école est en crise. Et que dire de la justice ? Le monde entier a vu, en direct, un Conseil constitutionnel aux ordres valider une décision inique, dictée par des intérêts politiques. Plus de 10 millions de Camerounais vivent avec moins de 500 FCFA par jour ( Moins de 6 dirhams). Trois fléaux minent notre pays : l’injustice, l’incompétence, et la corruption. Et certains pensent qu’il faudrait se taire ? Nous ne nous tairons pas. Par Teddy Patou Journaliste et animateur radio

Cameroun. Quand le droit meurt, la nation s’éteint

Cameroun. Quand le droit meurt, la nation s’éteint

HAUT-ET-FORT. La désacralisation du droit est l’une des plus grandes tragédies du Cameroun. Elle n’a pas seulement ralenti le développement du pays ; elle a surtout ôté à tout un peuple sa capacité à s’indigner. Aujourd’hui, au Cameroun, on peut brûler vif un voleur en pleine rue devant une foule presque admirative, à deux pas d’un commissariat. On peut se réjouir de la condamnation d’un innocent, simplement parce qu’il serait un ennemi présumé du pouvoir ou d’un camp. On peut applaudir l’exclusion arbitraire d’un candidat à la présidentielle, sous prétexte qu’il n’est ni de notre région, ni de notre bord politique, ni de notre famille. Le plus inquiétant, c’est que la loi peut être piétinée devant nous sans que cela ne suscite de colère, tant que la victime, c’est l’autre. Mais ce que nous semblons oublier, c’est que cautionner l’injustice, c’est s’y condamner soi-même. Car si lundi est pour Pierre, mardi sera pour Jacques. Depuis la publication de la liste des candidats retenus pour la prochaine présidentielle, un malaise profond s’est installé. Le nom de Maurice Kamto, principal opposant au régime en place, en est absent. Motif avancé : la “multiplicité de candidatures”, un prétexte juridique inexistant dans le code électoral. Une invention de circonstance pour justifier une décision purement politique. Et pourtant : • Le parti MANIDEM, qui a investi Kamto, n’est pas le seul à avoir présenté plusieurs candidatures. • Le RDPC, parti au pouvoir, a lui aussi eu plusieurs investitures. • L’UPC en a eu jusqu’à quatre. • Le parti UNIVERS, deux. Ce traitement à géométrie variable révèle une volonté claire d’écarter un adversaire crédible, capable de battre le président sortant malgré des conditions électorales biaisées. Maurice Kamto, figure politique respectée, est systématiquement empêché de manifester, de se réunir, voire d’exister politiquement dans son propre pays. Emprisonné, assigné a résidence, ses plaintes restent sans suite. Ils ont d’ailleurs poussé le cynisme plus loin: l’expulser à deux reprises de villes camerounaises, escorté comme un étranger. Et pourtant, c’est le même Maurice Kamto qui, à la place de la république à Paris mobilise plus de 70 000 Camerounais de la diaspora. Ce harcèlement constant n’est pas une démonstration de force, mais un aveu de faiblesse, une fébrilité. Le régime montre qu’il ne peut survivre qu’en neutralisant l’alternance par la force, en substituant le droit par la ruse, et la justice par la peur. La conséquence de tout cela, c’est la fragilisation totale de notre pacte national. Un peuple épuisé, résigné, sans boussole morale. Un peuple atteint du syndrome de Stockholm, qui défend parfois ceux qui l’oppressent. Un peuple exilé dans la misère à l’étranger (il suffit de nous voir dans les rues de l’Algérie, du Maroc….) pourtant toujours prompt à justifier le système qui nous a jeté sur les routes. Nous sommes les enfants d’un pays-continent, doté d’immenses richesses. Mais nous sombrons dans la pauvreté, la débrouille et la désespérance. Pas seulement privé du bonheur matériel, mais également devenus orphelins d’un État de droit. Ce n’est pas un simple débat politique. C’est un enjeu vital pour notre avenir collectif. La neutralité dans pareil contexte, est le soutien implicite de la forfaiture. Le silence est complice. Refuser de s’indigner, c’est accepter la soumission. Et refuser la justice, c’est accélérer la chute de notre propre maison. Oui, le président Paul Biya nous aura fait beaucoup de mal. Mais ce qui est encore plus tragique, c’est que nous l’avons laissé faire. Par Teddy Patou Journaliste et animateur radio