TRIBUNE. Ceux qui ont lu la mythologie grecque savent que Procuste était un brigand qui avait pour habitude de capturer des voyageurs et de les attacher sur un de ses deux lits avec une spécialité qui était propre : il attachait les grands sur le petit lit et inversement les petits sur un grand lit. Ensuite, pour les gens trop grands, il coupait les membres qui dépassaient et en revanche il étirait les membres des personnes trop petites pour les ajuster à sa dimension.
Et comme l’histoire se répète ! Rien qu’à voir ce qui se passe présentement en Rd Congo, ces voyageurs-là ne sont plus capturés de force. Lors de la constitution de l’Union sacrée nationale, on les a vus se présenter de leur propre gré auprès d’un nouveau Procuste. Au nom de leurs intérêts égoïstes et de leur soif de postes de pouvoir, ils se sont rendus prêts à se faire couper tout un pan de leur ligne idéologique et du pouvoir leur dévolu par la Constitution, leur conférant les prérogatives de contrôler l’Exécutif et de l’exiger à lui rendre des comptes.
Une fois signée cette fiche individuelle de déclaration d’appartenance du député à la majorité (du reste fictive) ou à l’opposition politique, il restera aux députés congolais de se frotter à l’actuel combat titanesque d’entrer dans l’équipe gouvernementale. Ils se permettent de poser des exigences au nouveau maitre sans savoir qu’ils n’ont plus de pouvoir. Ils demandent, qui cinq postes, qui 8 postes au gouvernement, sans savoir que le maitre des céans qui leur a taillé ce qu’ils avaient de spécifique n’a plus aucune considération pour eux.
Ils refusent d’admettre qu’ils avaient déjà posé leur capitulation en acceptant de se coucher sur le lit de mutilation et d’ajustement de ce qu’il devrait dire et ce qu’il ne peut plus dire, de ce qu’ils devraient faire et ce qu’ils n’étaient plus en mesure de faire. Ils ont attribué « virtuellement » une majorité à un parti qui n’avait conquis que quelques sièges. Désormais ils en ont fait un maitre et eux ses esclaves.
Cette volonté de l’Exécutif congolais de tout uniformiser à la mesure de ses ambitions impacte énormément sur le retardement de la sortie du nouveau gouvernement. L’acte d’uniformisation a été déjà signé et acté, éliminant de ce fait toute voix contradictoire et cherchant à tout ramener au même moule pour vouloir renforcer le régime. La seule crainte de Procuste, c’est l’éventuelle défection en masse de ses nouveaux sous-fifres et la perte consécutive de sa majorité fictive.
Quoi qu’il en soit, le peuple congolais a désormais en face de lui un pouvoir dont le mode opératoire procède par mutilation de toutes les institutions qui devraient pourtant servir de garde-fous à toute tentative de dérive de l’Exécutif. Cette élimination de tout ce qui ne rentre pas dans le moule, cette conformisation à un seul standard et cette uniformisation généralisée risquent de se faire au prix d’une déformation des textes écrits, d’un risque grandissant de dégradation généralisée de la situation sociopolitique et de l’implosion sociale à l’actif d’un peuple qui, lui, refuse de se voir amputée sa profonde aspiration à reconquérir sa souveraineté et ses libertés individuelles et collectives…
Par Germain Nzinga