
1. Pendant que le monde entier ergotait sur la rencontre de Luanda du mardi 18 mars 2025 et que les noms des membres la délégation de Kinshasa était cités à la télévision nationale, la rencontre de Doha programmée le même jour que celle de Luanda semble être le fruit d’une préparation en amont entre le Rwanda et la RDC. Non pas seulement qu’elle prend en bourrique les deux peuples congolais et rwandais, mais elle fait preuve de la théâtralité à outrance de l’exercice du pouvoir dans la région des grands lacs et à travers laquelle ce qui se dit officiellement cache souvent des intrigues et des combines politiciennes qui ne sont pas toujours de nature à défendre les intérêts vitaux nationaux.
2. Cette théâtralité politique, de quoi est-elle synonyme sinon du voile de mystère dans les relations entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame qu’il a jadis traité de frère et d’ami? Personne ne sait délimiter les frontières de cette fraternité-amitié avec la marche des institutions de l’Etat.
3. Le seul bénéfice de cette rencontre est qu’il n y a plus de doute sur le fait que Kagame est le parrain direct de M23 et peut décider de l’arrêt ou de la continuité du combat. Dans un contexte géopolitique où le monde entier exigeait de Kagame l’application du processus de Nairobi qui consiste au retrait immédiat des groupes armés locaux et étrangers du territoire congolais, ce cessez-le-feu annoncé par Tina Salama, la porte-parole de la présidence congolaise, après la rencontre de Doha, est tout simplement un cadeau en or fait à Paul Kagame. Quand bien même il y aura une courte embellie dans le déroulement du conflit, il reste tout de même vrai qu’avec ce cessez-le-feu au lieu d’un retrait définitif, les troupes rwandaises, M23 et AFC continueront à rester positionnées sur le territoire congolais, attendant le moment favorable pour rouvrir les hostilités.
4. À un moment crucial où les sanctions fusaient de partout pour affaiblir le régime Kagame, tout porte à croire que Félix Tshisekedi a volé au secours du président rwandais. En s’affichant publiquement avec un Kagame vomi par l’opinion internationale, le chef de l’état congolais nous assène un vif reproche d’avoir tort de trop condamner son homologue rwandais et que lui croit encore en sa bonne foi d’instauration de la paix dans la région. Ce qui est loin d’être vrai.
5. Le médiateur de cette rencontre de Doha, l’émir du Qatar, ne s’y est pas impliqué pro Deo. En matière de paix, le Qatar n’est pas un modèle. Il est un des grands destabilisateurs du continent africain en finançant les terroristes du groupe Al Qaida et le mouvement Islamiste du Sahel. Pour ce qui regarde le Rwanda, le Qatar a de gros investissements économiques au Rwanda. D’abord la compagnie aérienne Qatar Airways avec 60% de parts d’action qataries. Il détient aussi de colossaux projets immobiliers et hôteliers de luxe , sans parler des partenariats stratégiques dans plusieurs secteurs nationaux. Dans ces conditions, il devient difficile pour le Qatar en tant que médiateur d’avoir une position de neutralité diplomatique. Son alignement économique et stratégique avec le Rwanda peut le pousser à se pencher d’un côté contre un autre.
6 Tout analyste sérieux sait d’avance que pour un pays en position de faiblesse militaire, toute victoire remportée par un dialogue politique a un prix à payer. Elle oblige en effet d’accepter des conditions imposées et à faire des concessions. Il faut que les congolais s’intéressent à savoir le prix que leur président a dû payer pour arracher ce cessez-le-feu et les lourdes conséquences sur la suite de la guerre.
Par Germain Nzinga