Likouala : Maître-Bantou exploiteur des autochtones

Likouala : Maître-Bantou exploiteur des autochtones

Dans le département de la Likouala au nord du Congo, des peuples autochtones vivent encore sous le joug des « maitres-bantous » et travaillent comme des bêtes de somme. Un constat fait lors de la mission de monitoring réalisée du 15 au 29 juillet dernier par une équipe de l’Observatoire Congolais des Droits de l’Homme (OCDH) dans cette partie de la République. «Nous avons reçu beaucoup des plaintes de la part des autochtones, de façon générale, les bantous considèrent les autochtones comme des sous-hommes», explique Felix Batantou Oumba de l’Association Terre et Village au retour de la mission de monitoring réalisé récemment dans le département de la Likouala. Cette mission conduite par l’Observatoire Congolais des Droits de l’Homme (OCDH) du 15 au 29 juillet rentre dans le cadre du projet « Promouvoir les droits des populations autochtones à travers le renforcement du mouvement autochtone au Congo et l’institutionnalisation de la représentativité autochtone », un projet financé par l’Union européenne sur instrument européen pour les droits de l’homme et la démocratie et mis en œuvre depuis janvier 2017 par l’OCDH en partenariat avec Agir Ensemble pour les Droits de l’Homme (AEDH). Au cours de cette mission, et sur une dizaine des villages sillonnés (du district d’Impfondo en passant par Dongou et Enyelé), des autochtones rencontrés lors des focus-group ont déclaré travailler pour les bantous pour des modiques rémunérations. «Les bantous nous font travailler pour une faible rémunération, parfois nous sommes payé en nature ce qui n’équivaut pas au travail fourni. Nos femmes travaillent dans les champs des femmes bantoues toute une journée et la paie se traduit parfois par un demi-verre d’alcool de maïs. Ce demi-verre est vendu à hauteur de 100FCfa. Parfois nous recevons un petit enroulé de tabac», témoigne avec amertume l’un des autochtones rencontré lors d’un focus-group. Avant qu’un autre ajoute, «beaucoup d’entre nous dépendent encore des maîtres-Bantous, nous sommes comme leur esclave même si de temps en temps quand on est malade, le maitre-bantou essaie de donner quelque moyen pour que l’autochtone se soigne. C’est sans commune mesure avec les services que nous rendons», fait-il savoir. Pour Felix Batantou Oumba, «nous avons utilisé une méthodologie d’investigation qui excluait toute présence Bantou à nos rencontres avec les autochtones, et c’est pour cela ils se sont exprimés le plus ouvertement qu’ils pouvaient bien que même chez eux la tradition est très forte, la peur vis-à-vis des bantous reste encore forte», constate-t-il. Etre autochtone n’est pas une fatalité ! Selon quelques bantous rencontrés, ils reconnaissent qu’il y a «des très mauvais rapports entre bantous et autochtones», avant de suggérer «il faut qu’il y ait l’éducation de part et d’autre. Eduquer les bantous pour qu’ils considèrent les autochtones comme leurs frères et aussi éduquer les autochtones pour que dans leurs têtes ils ne s’asservirent pas facilement auprès des bantous», avancent-ils. Bien que ces bantous ont des attitudes de chef, de commandement, des attitudes mandarinales vis-à-vis des autochtones, «lorsqu’on organise des opérations d’assainissement dans les villages, les bantous peuvent ou ne pas venir, ils ne sont pas sanctionnés par le comité du village, cela apparait comme un travail forcé pour les autochtones. Pour les bantous, ce travail d’assainissement revient qu’aux autochtones pas à eux», témoigne l’un des autochtones. Selon un observateur, «la population autochtone subit tous ces sévices parce qu’elle n’est pas organisée. Les bantous se retrouvent avec les autochtones individualisés et cela affaibli éventuellement toute contestation, la structuration léguée par les aïeux s’est effrité du fait que les chefs traditionnels appelé Ndami ne se sont pas renouvelés, pour la plupart ils ont vieilli, malades ou ne sont plus valide», relève-t-il. Mais pour des organisations des droits de l’homme, «il faut doubler des actions de plaidoyer auprès des pouvoirs publics pour commencer à garantir concrètement les droits qui sont contenus dans la loi 05 de 2011, et mettre en place des décrets d’application. D’une manière générale, c’est une loi très générale et il faut pousser dans les détails pour que cela n’entérine pas l’impunité et la discrimination vis-à-vis des autochtones», fait savoir Felix Batantou Oumba tout en encourageant les autochtones de «se prendre en charge parce qu’un maitre n’a pas intérêt que son esclave se libère. Les autochtones ne doivent pas considérés leur état comme une fatalité. C’est un état qui profite au maitre-bantou et la situation peut changer et le changement passe par leur prise en charge eux-mêmes», conclu-t-il.

Eclairages socio-anthropologiques au Congo Brazzaville

Eclairages socio-anthropologiques au Congo Brazzaville

Bienvenu chez les Bantou Un clan est un ensemble de familles associées par une parenté réelle ou fictive, fondée sur l’idée de descendance d’un ancêtre commun. Même si leur filiation exacte n’est pas connue, tous les membres d’un clan connaissent cette origine qui prend un caractère mythique. Des individus ou des familles étrangères peuvent être adoptés par un clan qui leur donne ses ancêtres, on parle alors d’affiliation ou de réaffiliation. Lorsque cet ancêtre est représenté mythiquement ou symboliquement par un animal, on parle de totémisme. Selon le pays, les clans peuvent être des regroupements très formels ayant une personnalité juridique, un patrimoine et des institutions politiques qui varient d’une civilisation à l’autre, et obéissant à des règles précises : chef, conseils, assemblées, fêtes, coutumes, symboles, sanctions, etc. L’appartenance à un clan peut se traduire par des droits et des obligations de solidarité envers les autres membres du groupe, en particulier l’assistance et la vengeance. Un clan peut être considéré comme un sous-groupe d’une tribu, qui elle-même est un sous-groupe d’un peuple ou d’une nation. Ainsi les Lari sont ceux qui habitent le territoire traditionnellement portant le même nom et à la longue parlant le même dialecte avec aussi quelques particularités idiomatiques. Ce dialecte appartient en principe à un groupe ethnique plus large, par exemple le kikongo. Les Kongo sont une ethnie partageant plusieurs caractéristiques communes territorialement, culturellement, linguistiquement et surtout coutumièrement. C’est un peuple d’Afrique centrale établi sur la côte atlantique de Pointe-Noire à Luanda et jusque dans la province de Bandundu à l’est de la RDC, y compris dans la Province du Bas-Congo de la République Démocratique du Congo. Au sein de l’ethnie Kongo il y a plusieurs tribus : Les Ndibu, Ntandu, Lari, bazombo, Bacongo, Badondo, Bakango, Ba-Kongo, Bakongos, Bandibu, Bashikongo, Cabinda, Congo, Congos, Fjort, Frote, Ikeleve, Kakongo, Kikongo, Kileta, Kongos, Koongo, Nkongo, Wacongomani, etc… Sur le plan international, c’est le terme Bakongo qui prévaut. « ba- » est en kikongo le préfixe qui signale le pluriel, « mu- » signale le singulier, et « ki- » la langue. Ces dénominations sont parfois plus péjoratives que des référents anthropologiquement capables de rendre compte de l’histoire et de la culture de ceux qui sont ainsi dénommés. Le clan africain (luvila ou mvila en kikongo) s’étend plus largement encore que la grande famille (kanda) ou la tribu qui d’ailleurs présente quelques imprécisions lorsqu’on veut la définir car elle englobe plus des éléments de coexistence basée sur la communauté d’habitat sur un territoire qu’elle peuple traditionnellement. La famille élargie elle-même se réfère traditionnellement à l’appartenance à son clan pour s’identifier. Les Kongo parlent divers dialectes dont les principaux sont le Kikongo et le Kituba qui est un créole kikongo simplifié. Les Kongo sont les plus nombreux au Congo Brazzaville et occupent quatre régions, à savoir le Niari, la Lékoumou, le Pool et la Bouenza. Ils n’entendent pas marquer des limites avec les Loango qui est l’ensemble d’ethnies qui peuple la région du Kouilou. D’ailleurs, pendant l’ère précoloniale, le royaume Loango était un Etat vassal du royaume kongo. Les Téké ne constituent pas un clan, mais une tribu. Lorsqu’en 1880 Pierre SAVORGNAN DE BRAZZA arrive sur les terres de l’actuel Congo Brazzaville, il n’y a pas de royaume téké existant. L’espace est occupé par des populations organisées en petites chefferies indépendantes les unes des autres. Ces chefferies sont dirigées par un Mokoko (ou Makoko, ou Onko’o selon l’accent) et sont à peine peuplées de quelques centaines à quelques milliers d’âmes. Un certain nombre de ces chefs reconnaissent une autorité religieuse à l’un d’entre eux, le Mokoko Ilo, lui même chef d’un village ordinaire à Mbé, d’à peine quelques centaines d’âmes, au delà desquels, son pouvoir est purement religieux sur les autres princes. Il est le détenteur des fétiches des ancêtres qui ont créé cette dynastie de princes cousins, qui jadis formaient sans doute un empire plus important que les vestiges que vient trouver Pierre SAVORGNAN DE BRAZZA, mais qui à coup sûr n’existe plus en tant qu’Etat politique cohérent. Makoko de Mbé est le chef de la tribu téké de Mbé et le roi des Téké. Makoko est le titre donné au chef, le plus souvent patriarche. En 1880, le Makoko de Mbé place son royaume sous la protection de la France en signant un traité avec Pierre SAVORGNAN DE BRAZZA, dit « traité Makoko ». Groupe particulièrement divers, on ignore ce qui constitue leur point commun tant la liste des peuples se reconnaissant téké est longue. Par ailleurs, tous portent à la fois une seconde identité : kukuya, nziku, tyo, tégué, gangoulou… Plus on recherche des points communs aux Téké, plus on s’aperçoit que les éléments exceptés finissent par faire des contradictions qui se renient. Les Tékés se définissent finalement plus par opposition à leurs voisins que par ressemblance entre eux. Dans une zone géographique allant de la Cuvette jusqu’au Mayombe, est téké celui qui n’est pas Mbochi, Mbéti, Kota, Obamba, Loumbou, Ndassa, Nzabi, Tsangi, Kunyi, Yaka, Bembé, Sundi, Lari, Kongo, Hangala, Dondo, Bobangi ou Likouba. Chacun pense savoir qui fait partie d’une liste qui aurait dépendu de l’Onko’o. Les Téké sont maîtres de la région des Plateaux, au centre du Congo Brazzaville. On les trouve cependant presque sur toute l’étendue du territoire national. Leurs activités principales sont le commerce et la culture de la pomme de terre (comprendre toutes sortes d’ignames) qui, d’ailleurs, a donné son nom à la capitale de cette région « Dza mbala » qui veut dire en français « mange la pomme de terre », devenu Djambala avec l’administrateur blanc. Les batéké, très importants du point de vu effectif, ont une histoire très riche. Les tékés sont forgerons. Cette habileté leur a toujours conféré une place de choix. Le Mwene Kongo (juste appellation du « Mani Kongo ») avait une garde téké autour de lui. Vendu en esclavage comme les autres nègres (la première trace remonte à 1560), Marie-Claude Dupré affirme qu’ils étaient généralement mis dans des positions plus élevées par rapport aux autres esclaves, parce que vantés pour leur intelligence, l’habileté de leur artisan ou la beauté