Des liens qui unissent: Un engagement de longue date envers l’Afrique du candidat mexicain à l’OMC

TRIBUNE. Au Royaume-Uni j’étais un jeune professeur voué à la réussite où, après avoir fini mes études universitaires, j’ai obtenu un poste convoité dans une université renommée, suivi d’une promotion véloce et d’une chaire universitaire – il s’avérait que j’étais destiné au monde universitaire: un enseignant dévoué et un expert financier et commercial respecté.

Mais ensuite, j’ai rejoint une mission de la Banque mondiale (BM) au Zaïre, connu aujourd’hui comme la République démocratique du Congo. Je suis tombé amoureux des défis du développement et de l’Afrique elle-même. Ma carrière avait rapidement changé – et mon engagement à vie envers l’Afrique commença.

L’Organisation mondiale du commerce (OMC) est à la recherche d’un nouveau directeur général pour la transformer en un organe efficace, dynamique et inclusif, dont le monde et surtout les pays en développement ont cruellement besoin. Cette réforme nécessite d’un leader et d’une main experte : un négociateur commercial infaillible, doté de compétences démontrées et d’un sens aiguisé pour relever les multiples défis et atteindre des résultats dans des contextes difficiles ; requérant en même temps, d’une vaste expérience dans le domaine de l’OMC et des systèmes commerciaux, de peur qu’elle/il ne soit écarté lors de la première discussion entre les principaux négociateurs. Ce candidat doit aussi posséder de solides aptitudes à la négociation, de l’expérience mondiale et d’une personnalité affirmée pour être en mesure de jeter des ponts entre les Etats membres et les cultures de l’est et de l’ouest, avancées et en développement.

J’étais le négociateur en chef lors de la création de l’OMC. En tant que Directeur général adjoint du GATT, j’ai eu un rôle indispensable de facilitateur qui a permis la conclusion de ces négociations, alors qu’elles étaient très bloquées; et i également comme Directeur général adjoint fondateur (DDG) de l’OMC qui venait d’être créée. J’ai par la suite été négociateur en chef d’un autre accord commercial le plus ambitieux en place aujourd’hui: il s’agit bien entendu du fructueux nouvel Accord que le Mexique a récemment signé avec les États-Unis et le Canada (AEUMC). En plus de posséder un grand réservoir de compétences et d’expérience en matière de négociation commerciale, j’ai bien connu en tant qu’expert financier et commercial et leader de premier ordre au niveau académique, les pays des quatre coins du monde. Tout cela s’ajoute au profil requis pour occuper ce poste, afin de se mettre au travail sans plus tarder, pour mener une réforme sérieuse de l’OMC. Quant aux principaux enjeux liés à l’OMC, je trouve que ce n’est pas le moment d’expérimenter avec des dirigeants peu exposés aux dures négociations commerciales internationales.

Mais ici je voudrais tout spécialement souligner le tronc commun de mon parcours professionnel avec mon grand engagement envers l’Afrique.

Peu de temps après la visite en tant que consultant ci-dessus mentionnée, j’ai quitté le monde universitaire pour rejoindre la Banque mondiale, où j’ai continué à travailler sur le (développement) du Zaïre d’e ce temps-ci et du Maroc. C’est ainsi qu’a commencé mon long voyage ayant des postes de haute responsabilité à la BM, à l’OMC et au Fonds monétaire international (FMI) ; dans chacun desquels j’ai choisi de continuer à travailler sur et pour l’Afrique, menant plus de vingt visites dans plus d’une douzaine de pays, dans toute les régions linguistiques de ce grand continent, en apportant un soutien financier ou une assistance technique dans un large éventail de domaines, à savoir en matière de politique commerciale, la gestion douanière, la réforme fiscale et les systèmes budgétaires, entre autres.

Étant pleinement épris par les merveilles de l’Afrique, l’ampleur de ses difficultés, la fraîcheur de ses habitants, la beauté de sa musique et de son art, j’ai travaillé et je me suis lié d’amitié avec des ministres, leur personnel et des gens ordinaires, ainsi qu’avec des experts et donateurs étrangers, ce qui m’a permis de prendre connaissance plus approfondie des économies, de la politique, des cultures et des sociétés des différents pays de l’Afrique.

Au-delà mon travail en Afrique, j’ai d’autres épisodes mémorables de ma tâche à distance sur l’Afrique.

Première. Après huit années éprouvantes, les négociations portant sur création de l’OMC venaient de s’achever. Les pays les moins avancés (PMA), pour la plupart africains et (à l’époque) dirigés par la Tanzanie, ont fait entendre leur voix avec une vive inquiétude: ils n’avaient pas été suffisamment impliqués dans le processus et donc, ne pouvaient accepter leurs obligations proposées. En tant que DDG du GATT en transition pour l’OMC, j’ai réussi à convaincre d’autres pays pour la réouverture des négociations pour les PMA. Suite à cet accord, j’ai été nommé pour présider ces renégociations. Nous avons ensuite fourni la plupart des flexibilités du TSD désormais aujourd’hui disponibles pour les PMA.

Deuxième. Juste après avoir eu l’honneur de rencontrer le plus grand héros de notre époque, S.E. Nelson Mandela, lors de sa visite à Genève en 1998 pour une conférence de l’OMC célébrant les 50 ans du GATT, j’ai eu le privilège de travailler à nouveau avec l’Afrique. J’ai rejoint le département clé de l’élaboration et de l’examen des politiques du FMI, où j’ai dirigé, dans le cadre de ce que l’on appelait l’Initiative PPTE, les travaux sur l’annulation de plus de 80% de la dette extérieure de 15 pays africains pauvres très endettés.

Plus anecdotique encore mais plein de sens, c’était en 1994, quelques mois avant les élections qui devaient porter le Congrès national africain au pouvoir en Afrique du Sud. Un haut responsable de la mission du SA à Genève, m’a apporté un message secret de l’ANC: ils allaient bientôt gagner mais n’avaient aucune expérience de gouvernance, et ont demandé l’autorisation pour envoyer quatre candidats au cours convoité de commerce du GATT, normalement réservé aux fonctionnaires gouvernementaux. Même si mes conseillers m’avaient prévenu qu’il s’agissait d’un accord très irrégulier, j’ai immédiatement décidé de faire ce qui était juste, d’établir une exception pour permettre leur admission dans ce cours.

Et plus récemment, en tant que vice-président de l’Université Lingnan à Hong Kong, j’ai accueilli, en tant qu’artiste en résidence, le célèbre sculpteur kenyan Elkana Ong’esa pour une longue période (dont j’ai acquis son émouvante Pietà, qui orne ma maison à ce jour). Sa visite s’inscrivait dans le cadre d’un effort de grande envergure visant à amener certains des beaux-arts africains à Hong Kong ; à promouvoir la riche culture du continent et à favoriser les liens entre l’Asie et l’Afrique.

Sur la base de l’engagement pratiquement à vie ci-dessus évoqué envers l’Afrique, je déclare sans équivoque que si et quand je deviendrai Directeur général de l’OMC :

• L’Afrique aura un véritable ami et un expert sur l’Afrique à la tête de l’organisation, qui renforcera l’attention de l’OMC sur le continent.

• Et aux côtés de cet africaniste, je ferai tout mon possible pour que l’Afrique ait un DDG (éventuellement féminin), afin que nous n’ayons au sommet pas un, mais deux officiers supérieurs familiarisés avec l’Afrique.

• Espérons qu’elle/il, ou en tout cas un DDG, dirigera focalisé sur le développement, un domaine qui se verra attribuer le rôle de premier plan qu’il mérite au sein de l’organisation, en accordant une attention particulière aux questions d’intérêt pour les pays les moins avancés.

• Je m’engage en plus, à mener pleinement un changement de culture afin qu’à tous les niveaux du Secrétariat et dans la préparation du programme de travail, nous fassions progresser l’inclusion géographique et de genre de l’organisation, tout en s’engageant plus pleinement avec l’Afrique anglophone, francophone et lusophone.

• Je serais particulièrement honoré d’avoir l’opportunité de travailler, une fois de plus, pour le grand continent africain, dont je serais heureux et ravi de soutenir l’entrée en vigueur de la Zone de libre-échange continentale africaine.

J’étais loin de m’en douter quand j’ai joué un rôle central dans la création de l’OMC, mais ensuite et tout au long des 25 années qui se sont écoulées depuis, en travaillant dans les domaines du commerce et de la finance, dirigeant des institutions et menant des négociations à l’Est et à l’Ouest, j’avais accumulé une expérience riche et diversifiée pour assurer le leadership que l’OMC exige maintenant.

Par Jesús Seade

L’auteur est un ancien directeur général adjoint de l’OMC et candidat du Mexique au poste de directeur général.

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