Les marocains veulent-ils la vengeance ou la mort du pédophile?

Les marocains veulent-ils la vengeance ou la mort  du pédophile?

TRIBUNE. À chaque fois qu’une affaire d’agression sexuelle (avec ou sans meurtre) sur mineur fait la une, une grande partie de la population marocaine crient pour la condamnation à mort du pédophile. En d’autres termes, le peuple substitut le tribunal et déclare la condamnation à mort du criminel par lapidation dans une place publique pour que ce jugement soit une leçon pour les pédophiles. Or, l’histoire de l’humanité nous a montré que cette forme de sanction n’a jamais fait reculer la criminalité, car le crime ne se déroule jamais comme l’imagine la population. Suite à cette dernière affaire de l’enfant Adnan à Tanger, que Dieu ait son âme et assiste ses parents et sa famille, nous avons tous observé  l’appel de la population à la condamnation à mort du pédophile. Ainsi, j’ai essayé d’analyser ce désir viscéral de tuer une personne même si elle est criminelle. Mais avant de vous présenter mon analyse, je vous suggère de prendre connaissance de quelques chiffres à retenir. 3 enfants sont agressés sexuellement chaque jour selon la Coalition marocaine contre les abus sexuels à l’encontre des enfants, dans un rapport publié en 2015. Selon l’association Colosse aux pieds d’argile, établit en France, l’agresseur fait parti de l’entourage de l’enfant dans 94% des cas, et 9 fois sur 10 les abus sexuels ne sont pas signalés aux autorités. Encore plus grave, 20% de la population aurait subi une agression ou des attouchements sexuels. En prenant en compte tous ces chiffres, ceci signifie que parmi ceux qui réclament la peine de mort pour le pédophile, probablement 20% ont été victimes d’agression sexuelle pendant leur enfance, 6% victimes d’inceste et 9 personnes sur 10 n’ont pas signalé aux autorités qu’elles étaient abusées sexuellement. Je conclue donc, que cet appel ne relève pas d’une demande de justice, mais plutôt d’une vengeance. Autrement dit, la population ayant été victime d’agression sexuelle durant l’enfance, sans pouvoir dénoncer leurs agresseurs, projette sa douleur et sa frustration sur le pédophile arrêté par la police. En le condamnant à mort, toutes les victimes pensent aller racheter leurs propres réparations psychologiques! Mais qu’en est-il des autres agresseurs non dénoncés ? A mon avis, plutôt que ces victimes silencieuses réclament la mort du pédophile, il serait plus bénéfique pour elles et pour notre société d’aller immédiatement porter plainte, même si l’événement douloureux s’est produit il y a 10 ou 40 ans. La seule arme contre la pédophilie est de briser le silence et de dénoncer les agresseurs. Peu importe qu’il soit un proche ou non, peu importe la date de l’agression sexuelle et peu importe si le pédophile est mort ou en agonie! Ainsi, le nombre réel des victimes d’agressions sexuelles sera connu ! Croyez-moi, cette opération est beaucoup plus efficace qu’une condamnation à mort. Mais le marocain préfère la mort à la chou’ha*! *scandale familiale et social Docteur Jaouad MABROUKI Expert en psychanalyse de la société marocaine