Le 6 avril 1994 : assassinat au Rwanda, pleurs au Zaïre

TRIBUNE. Le 6 avril 1994, Paul Kagame déclenche un génocide au Rwanda en assassinant les présidents Juvénal Habyarimana du Rwanda et Cyprien Ntaryamira du Burundi. 30 ans plus tard, il est auréolé en Occident pour avoir prétendument arrêté une tragédie qu’il a provoquée au mépris des vies hutues, tutsies et twas. Il faut dire que l’assassinat du président rwandais avait profondément ébranlé son homologue zaïrois, le Maréchal Mobutu. Cette soirée du 6 avril était probablement la soirée la plus longue de sa vie. Le Maréchal pleurait en silence, mouchoir à la main. Il ne pipait mot, mais les larmes qui coulaient de ses yeux en disaient long sur sa souffrance et ses craintes. « Ses yeux fixaient la nuit étoilée comme pour y lire le destin », relate son conseil spécial en matière de sécurité, Honoré Ngbanda. Après un long moment de silence, Mobutu lâche, comme s’il lisait l’avenir dans une boule de cristal : « C’est un signe indien ! C’est mauvais, ce qui vient d’arriver. C’est le début d’une longue histoire. Une mauvaise histoire. C’est le déclenchement de la déstabilisation de toute l’Afrique centrale pour de longues années. Je ne sais si nous nous en remettrons, je ne sais pas s’ils s’arrêteront là ! Je ne sais pas s’ils vont lâcher le morceau … » Le président Mobutu avait lu dans la mort d’Habyarimana un très mauvais signe pour lui-même. Il se savait en sursis, et tous les ingrédients étaient réunis pour une déflagration au Zaïre, notamment dans sa partie orientale qui partage une frontière commune avec le Rwanda : tensions communautaires entre Tutsis vivant au Kivu (aussi appelés « Banyamulenge ») et réfugiés hutus fraîchement arrivés, situation sécuritaire fragile, présence des ex-FAR et des Interahamwe, etc. Les digues finissent par céder, le 13 octobre 1996, suite à une incursion menée en territoire zaïrois par des éléments «Banyamulenge» épaulés par l’Armée patriotique rwandaise de Kagame, lui-même soutenu par les États-Unis. La première guerre du Congo-Zaïre venait de commencer. Près de 28 ans plus tard, ses effets se font toujours sentir. Alors que le monde entier commémore les 30 ans du génocide survenu au Rwanda au mépris de la vérité des faits, je ne peux m’empêcher de penser aux victimes hutues, twas et congolaises de cette tragédie, victimes méprisées par le récit officiel construit à l’ombre de la victoire militaire de Paul Kagame en juillet 1994. Je ne peux non plus m’empêcher de penser aux vrais survivants tutsis, dont la souffrance est instrumentalisée par Paul Kagame et soutiens occidentaux…. Par Patrick Mbeko
RD Congo. Le Président Félix Tshisekedi a honoré la mémoire du Maréchal Mobutu

DISPARITION. Le Chef de l’État Félix Tshisekedi a assisté, ce jeudi en la cathédrale Notre Dame du Congo, à la messe organisée en hommage au Maréchal Mobutu, ancien président de la République Démocratique du Congo ( de 1965 à 1997). Placée sous le signe de l’unité des cœurs comme l’a évoqué dans son homélie l’officiant du jour, l’abbé Yves Koko, cette célébration eucharistique qui marque les 26 ans de la disparition du Maréchal Mobutu a connu la participation de nombreuses personnalités politiques toutes tendances confondues et religieuses, ainsi que des membres de la famille biologique et idéologique du défunt. « Votre présence ici montre votre promptitude à être proche des autres à des moments de peine comme de joie », a déclaré l’abbé Koko s’adressant au Président Tshisekedi. Depuis son élection à la présidence de la République en 2018, le Président Félix Tshisekedi a multiplié les actions d’hommages aux anciens chefs d’État et autres personnalités ayant marqué l’histoire du pays . A la faveur d’une mission d’itinérance dans la province de l’Equateur, le président Tshisekedi avait fait part de son intention d’organiser au pays des funérailles nationales pour le président Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa Zabanga et une sépulture digne de son rang de Chef d’État comme il l’a fait pour Patrice Lumumba, le premier Premier Ministre de la RDC. Le Maréchal Mobutu est décédé le 7 septembre 1997 à Rabat, au Maroc, où il résidait depuis son départ du pouvoir le 16 mai de la même année. Il était le deuxième Président de la République Démocratique du Congo (ex-Zaïre)
RD Congo/Le Maréchal Mobutu : 26 ans plus tard

RETRO. Le 7 septembre 1997 décédait le président-Maréchal Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa Za Banga, après 32 ans à la tête du Zaïre, devenu la République à démocratiser du Congo (RDC). 26 ans plus tard, la RDC se cherche toujours un destin. Nombreux sont les Congolais qui s’accordent à dire que personne, mais alors personne parmi les successeurs du Maréchal, n’a été capable de relever le défi de faire prospérer le pays de Lumumba. Personne n’a été à la hauteur de la mission. Malgré ses imperfections, le Maréchal Mobutu reste le plus grand dirigeant que la RDC ait connu, n’en déplaise à ceux qui ont appris l’histoire du Congo en piochant dans la marmite des Colette Braeckman de ce monde. Si la République à démocratiser a résisté jusqu’à présent à toutes les tentatives de balkanisation, c’est en grande partie grâce à cet homme. Il a su inculquer à tous les Congolais l’amour de leur patrie. Avec lui, le tribalisme, qui est aujourd’hui devenu un mode de gouvernance au Congo, était quasiment inexistant et le Congolais était respecté à travers le monde. Le pays avait ses problèmes, mais nous étions fiers d’être Zaïrois. Qu’en est-il aujourd’hui ? J’ai personnellement HONTE. Honte d’appartenir à un pays qui glorifie la médiocrité; honte d’être associé à un pays où les idiots, les cancres, les sans-desseins, les délinquants et les vauriens sont appelés « honorables », « excellences » et j’en passe. Honte parce que tout ce qui est bon, beau et bien est méprisé au profit de ce qui est infect, vilain et mauvais. S’il y a une chose que tout Congolais digne et fier doit absolument regretter, c’est le triomphe des antivaleurs et de la médiocrité qui gangrène cette République poubelle. Les digues ont cédé à tous les niveaux. À raison ou à raison, personne ne respecte plus les institutions et leurs animateurs, pour la plupart un ramassis d’énergumènes et d’aventuriers sortis d’on ne sait quel abysse. Et pourtant, il fut un temps où les « commissaires du peuple » inspiraient le respect; les institutions étaient sacrées et les délinquants se tenaient loin de celles-ci. Hélas ! Les temps ont vraiment changé. N’importe qui peut devenir ministre, député, gouverneur, haut cadre dans une entreprise publique, et j’en passe. L’époque de Mobutu avait ses problèmes et ses tares. C’est un fait. Mais jamais je n’aurais pensé, même dans mes rêves les plus cauchemardesques, vivre ce que vit la RDC aujourd’hui. Par moment, je me surprends à mépriser les gens de ce pays clochardisé, avant de me ressaisir en disant : il faut faire quelque chose avant qu’il ne soit trop tard. De là où tu observes ton pays non sans grande peine, Paix à ton âme, Maréchal… Par Patrick Mbeko
RD Congo. Il y eut aussi une Union sacrée en 1991

RETRO. La chute du mur de Berlin et la perestroïka constituent deux événements fondateurs du grand bouleversement géopolitique mondial des années 90 et du grand tournant que prendra l’histoire de l’humanité et plus particulièrement de la République du Zaïre où elles eurent des répercussions considérables sur la stabilité du régime Mobutu devenu inutile à un Occident qui n’avait plus besoin d’un bouclier africain contre le communisme. Les tensions internes entre l’opposition et la mouvance présidentielle ne firent que s’exacerber au plus haut point. Et c’est donc à contrecœur que le Maréchal Mobutu posera deux actes qui vont précipiter l’effondrement de son régime. Le 24 avril 1990, il prononcera un discours historique à N’sele pour prendre congé de la direction du MPR Parti-Etat et ouvrir le pays à l’expérience du multipartisme. Ce qui va entraîner la création d’une multitude de partis politiques divisés deux blocs : en Mouvance présidentielle et en une Opposition radicale réclamant, elle, l’ouverture d’un forum national pour faire un bilan de la santé politique du pays. Le 6 mai 1991, Mobutu va signer l’Ordonnance-Loi n° 91-070 portant création et composition d’une conférence dite constitutionnelle appelée Conférence Nationale Souveraine (CNS), chargée d’aborder toutes les questions d’intérêt général en vue de jeter les bases de la Troisième République. C’est dans la foulée de la CNS que va naitre la plateforme de l’Union Sacrée de l’Opposition Radicale (USOR) dont le protocole d’accord fut signé le 17 juin 1991 par l’UDPS, l’UFERI et le PDSC et quelques temps plus tard deviendra l’Union Sacrée de l’opposition radicale et alliés (USORAL) ouvert à d’autres partis. A y regarder de très près, l’UNION SACREE de 1991 ne fut rien d’autre qu’un panier à crabes, une opération de transfert des dinosaures, des vautours et des hiboux de la Mouvance présidentielle vers l’Opposition. Une transhumance étrange et basée sur le seul critère de critiquer ou d’injurier Mobutu pour se voir dédouané de tous ses crimes passés et pour pouvoir se donner une nouvelle virginité politique. Tout se passa comme si une grande partie des mobutistes se déversa dans l’opposition au point de faire de l’USORAL la mouvance présidentielle NEW LOOK. Et cela se fera sentir dans la suite des événements. Toutes les stratégies de la CNS pour sortir le pays de l’impasse seront sabordées de l’intérieur même de cette fameuse union sacrée. Pour revenir à l’essence même de cette UNION SACRÉE , il sied de rappeler à la mémoire collective qu’entre les Mouvanciers et l’Union sacrée, existait une plate-forme sans nom constituée de TAUPES, à entendre par là des faux opposants que dans une étude collective en 2012, je nommais des « opposants fabriqués ». Ce fut la cinquième colonne de Mobutu pour torpiller l’opposition de l’intérieur. Tenez ! Etienne Tshisekedi déjà nommé Premier ministre par Mobutu le 22 juillet 1991 va refuser cette offre à l’époque jusqu’à son élection par la Conférence nationale le 1er octobre de la même année. Mobutu y opposera son refus catégorique et ce sera le début d’un bras de fer impitoyable. Le 23 octobre 1991, Mobutu ira justement pêcher dans l’USORAL même, deux de ses taupes, en nommant Premier ministre Mungul Diaka auquel succèda rapidement Nguz Karl I Bond. Curieusement c’est le même Nguz Karl I Bond de l’Uferi et membre fondateur de l’Union Sacrée de l’opposition qui réclamait à cor et à cri l’instauration de la CNS et qui, le 22 janvier 1992, invoquera une tentative de coup d’État pour mettre fin à la Conférence nationale souveraine (CNS), pour ordonner le massacre des chrétiens le 16 février 1992 et pour lancer en aout 1992 les jeunes des milices de l’Uferi dans une chasse à l’homme contre les balubas du Shaba. La crise ira s’exacerbant jusqu’à l’arrivée d’un troisième acteur non prévu, le pseudo-libérateur AFDL en mai 1997 qui amènera dans ses valises, des tueurs de nationalité étrangère qui jusqu’à ce jour continuent à mettre le Congo à feu et à sang. Vous avez dit Union Sacrée de la Nation? Consultez bien l’histoire congolaise pour en tirer des leçons utiles aux générations actuelles ? Par Germain Nzinga
RDC. Félix Tshisekedi esseulé et sur les traces du Maréchal Mobutu ?

TRIBUNE. La semaine qui vient de s’achever a certainement été particulièrement difficile pour Félix Tshisekedi. Dépassé par la guerre d’agression que mène le Rwanda contre la RD Congo par M23 interposé, il a dû composer avec un Pape François déterminé à dire ses quatre vérités aussi bien à la communauté internationale qu’au pouvoir congolais et aux pays de la région qui contribuent à l’affaiblissement du Congo. S’encombrant à peine de circonlocutions diplomatiques, le grand patron de l’Église catholique, droit dans ses bottes, a en effet dit tout le mal qu’il pense de la gestion du pouvoir en RDC : corruption, tribalisme, clientélisme, velléités de fraude aux prochaines élections, etc., tout y est passé. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le souverain pontife a été particulièrement « offensif » durant son séjour congolais, plaçant Félix Tshisekedi, son régime et son clan dans une position délicate. Au niveau du pouvoir congolais, a-t-on tiré les leçons du passage du Pape François en RDC ? a-t-on mené des réflexions de nature stratégique à ce propos ? On peut en douter au regard des polémiques qu’on a pu observer ici et là et des attaques lancées par les militants et autres extrémistes de l’UDPS et de la Thilombistan à l’endroit du Cardinal Ambongo et de l’Église catholique. En fait, Félix Tshisekedi et les membres de son clan n’ont certainement pas pris la mesure des propos tenus par le Pape François. Ils n’ont certainement pas réalisé que le Pape a dit tout haut ce qui se raconte à bas bruit dans la plupart des chancelleries présentes en RDC. Ils ne comprennent certainement pas que le régime est très discrédité aux yeux des partenaires étrangers. On ne s’en rend certainement pas compte à Kinshasa, mais Félix Tshisekedi est un homme de plus en plus esseulé. Recroquevillé sur son ethnie et son clan pour diriger la RDC, il compte sur la corruption pour s’imposer et s’éterniser au pouvoir au-delà de 2023. Ce qui est loin d’être évident. Les évènements des dernières semaines suggèrent que l’homme devrait plutôt lire les signes des temps avec beaucoup d’attention. Les fissures au sein du régime, les luttes de positionnement au sommet, l’occupation rwandaise d’une partie du territoire national et la crise humanitaire qui la caractérise, la grave crise socio-économique qui frappe tout le pays, la montée à bas bruit d’un sentiment anti-Luba dans certains coins de la République, la frustration populaire, etc. sont autant de signes qui ne présagent rien de bon pour l’avenir du pays et surtout du régime. Félix Tshisekedi doit se méfier de tous ces gens qui lui font croire tout et n’importe quoi. On ne le dira jamais assez : un vrai chef doit s’entourer des gens qui lui disent des vérités qu’il n’a pas nécessairement envie d’entendre. Tshilombo est en train de commettre la même erreur que le Maréchal Mobutu à la fin de son règne : se fier aux propos des membres du clan et des flatteurs. Oui, cela a été l’une des plus grandes erreurs du Maréchal Mobutu. Lui qui, au tout début de son pouvoir et pendant une bonne partie de son règne, avait pris l’habitude de s’entourer des gens qui n’hésitaient pas à lui dire des vérités qui fâchent. En effet, contrairement à ce que certains ignorants racontent, la conduite des affaires de l’État durant une bonne partie de la seconde République était caractérisée par des débats houleux au sommet, à un point tel qu’il est même arrivé que le Maréchal soit mis en minorité. Tous ceux qui ont véritablement connu cette époque le disent : les collaborateurs du Maréchal Mobutu avaient une grande liberté de pensée, d’opinion, d’expression et de ton durant les discussions portant sur la conduite des affaires de l’État. C’est d’ailleurs cela qui a fait la force du régime. Or Félix Tshisekedi n’a jamais fait l’effort de bien s’entourer. Comptant sur des potes et des membres du clan au pédigrée plus que discutable pour diriger la RDC, il a contribué, sans peut-être le réaliser, à fragiliser son propre pouvoir. À moins d’un virage à 360 degrés, je ne vois pas comment il va se tirer d’affaire sans laisser des plumes. De tous les dirigeants que la RD Congo a connus depuis Patrice Lumumba, Félix Tshisekedi semble être le moins autocratique de la bande. Pourtant, il est celui qui risque de connaître la fin la plus tragique de tous. Pressentiment d’un observateur avisé au regard de la situation socio-politique du Congo et de l’histoire…. À bon entendeur Je bois mon lait nsambarisé Par Patrick Mbeko