Les Bantous de la capitale : Résumé chronologique des 60 ans (suite)

Chapitre III – Les prodigieuses années 70 de la musique
populaire des Bantous

La plupart des spécialistes de la musique congolaise des années 70 s’accordent pour qualifier ces années comme les plus brillantes de l’orchestre, en dépit des dissensions qui ont émaillé cette période.

01) – 1970 – La Socodi (société congolaise du disque) est créée en 1970 pour assurer la production discographique de tous les orchestres congolais. Parmi les premiers titres enregistrés par Les Bantous, on compte :

« Makiri » (Kosmos), « Amen Maria » (Pamelo), « Farce » (Essous),  » C’est sérieux tantina », « Buboté mona pele » (Mermans), « Even », « Mon trésor », « Olongi Maria » (Abangui) (Taloulou), « Bana avenir na ngai » (Mascott) « , « Vie oyo ekosuka wapi » , « Bangisa nzoto Suzana » (Edo), « Ne m’en veut pas Julia » (Rikky « Seleka » (Pandi), « Souza » , « Na gagner bango », (Biyela), « Joselina » (Nona Arthur) ….

02) – 1971 – Le 22 février 1971 – Essous, son épouse antillaise de la Martinique et leur fils né en Martinique sont de retour à Brazzaville, après six ans passés en France et aux Antilles. Peu de temps après, et à la grande satisfaction du monde musical congolais, Essous est employé à la SOCODI (Société congolaise du disque) qui vient de naître en qualité de conseiller artistique.

Les Bantous à Douala 8ème Coupe d’Afrique des Nations.

03) – 1972 – Le 22 Février 1972 – Sous la conduite de Clément Ossinondé, Président de l’Union des Musiciens Congolais (U.M.C.), Les Bantous sont appelés à accompagner le « Onze » national congolais de football à la 8ème Coupe d’Afrique des nations à Douala (Cameroun). Ils contribueront efficacement à la nette réussite des « Diables Rouges » du Congo qui battent en finale l’équipe nationale du Mali par 3 à 2..

Orchestre Le Peuple du trio CEPAKOS

04) – Septembre 1972 – L’orchestre Les Bantous est sérieusement secoué par un nouveau départ massif des musiciens. En effet, pour des raisons difficiles à déceler, trois musiciens, pas les moindres, démissionnent pour créer l’orchestre Le Peuple du trio CEPAKOS (Célestin – Pamélo – Kosmos). Le nouvel orchestre qui réunit autour de lui d’importants mécènes, met les bouchées doubles pour élever son niveau et constituer un véritable concurrent .

Orchestre « Les N’zoys »

05) -1972 – Le départ de Célestin-Pamélo-Kosmos (Trio Cepakos) des Bantous est suivi immédiatement par un autre trio ; celui des musiciens Edouard Ganga Edo – Théophile Bitsikou « Théo » et Alphonse Mpassy « Mermans » pour créer à leur tour l’Orchestre « Les N’zoys » (qui signifie « Abeilles »).
Ce départ massif des musiciens , qui fait suite à des graves contradictions internes est vivement ressenti par des larges couches populaires qui avaient longtemps adopté Les Bantous comme un orchestre national. Nino Malapet et Jean-Serge Essous vont immédiatement combler le vide grâce au recrutement des jeunes musiciens aux talents incontestables : Roger Pikou (chanteur issu de l’Africa Mod) – Simon Mangouani (chanteur Manta Lokoka) –
Antonio Mawana « Brazz » (chanteur Super Boboto) – Jean Ngoumba
(guitariste accompagnement – Mando Negro) – Ferdinand Kiolo (guitariste solo – Mando Negro) – Kabongo Wetu (trompettiste, Grands Maquisards, Kinshasa)

06) – 1973 – Les Bantous vont consacrer toute cette année au travail intense pour rehausser le niveau des jeunes recrues et pour mériter toujours leur place de leadership. Il sont conscients qu’ils constituent depuis un grand symbole culturel qui ne peut fléchir sans que la musique congolaise n’en prenne un coup.. Ils multiplie les concerts et prennent une part active à toute les manifestations nationales à caractères culturelles. Leur musique a désormais dessiné un nouveau courant privilégiant la créativité à partir d’éléments simples.

Les Bantous en Tanzanie

07) – Février 1974 – Les Bantous sont invités par les autorités Tanzaniennes à prendre part à la fête de l’Indépendance de l’Ile de Zanzibar et de sa fusion avec la Tanzanie. Cette participation a prouvé avec beaucoup de force, la grande expérience des anciens du groupe Nino Malapet , Essous et Pandi qui se sont révéler comme des prodigieux musiciens, meneurs d’hommes et auteurs des thèmes extraordinairement féconds. Ils ont assuré le succès de la fête.

08) – 1974 – 4ème Assemblée générale de l’Union des Musiciens Congolais (U.M.C.). Au terme des travaux, Clément Ossinondé succède à lui-même à la tête de l’Union, tandis que 5 musiciens des Bantous sont retenus au Secrétariat : Edo Ganga (Administration), Nino Malapet (Juridiction), JS Essous (Education), Pamelo Bemba (propagande) et Sammy Samba « Mascott » (Fêtes et loisirs).

09) 1974 – 15 Août 1974 – Les Bantous, fêtent avec éclat leur 15ème anniversaire placé sous le signe de l’affirmation de la prise de conscience de l’expression du fait musical congolais, comme étant le facteur culturel pouvant aider le Congo à dégager les signes forces d’une musique désormais indispensable à ses mutations sociales et économiques.

Deuxième Congrès du PCT (Parti Congolais du Travail)

10) – Décembre 1974 – Battant au rythme des cœurs des milliers de congolais, la musique congolaise chante aussi les idéaux du système politique en place. Les chants de la liberté, les chants de la révolution, notamment , « La révolution congolaise à travers la chanson », titre du double album paru à la faveur du 2ème congrès ordinaire du PCT (du 27 au 30 décembre 1924) qui a connu une contribution importante des Bantous grâce à trois chansons populaires, au contenu très profond : « Lokumu na PCT » de Lambert Kabako. »Programme triennal de Nino Malapet et particulièrement « Congo molili esili » de JS Essous, qui obtient le prix Radio Congo de la meilleure chanson. Cette œuvre d’une grande qualité et plein de
vitalité fut d’ailleurs retenue comme indicatif du Journal Parlé de Radio Congo pendant plusieurs années.

Premier séjour des Bantous à Cuba

11) – Du 14 Décembre 1974 au 15 Janvier 1975 – Sur invitation du Conseil National de la Culture (C.N.C.) de Cuba, la délégation de l’orchestre Les Bantous de la capitale, conduite par Clément Ossinondé, président de l’Union des Musiciens Congolais (UMC) a le grand privilège de séjourner et de donner dans toutes les provinces de l’Ile de Cuba, de nombreux concerts de musique et de toucher du doigt les progrès culturels extraordinaires de ce pays.

Le séjour cubain a représenté pour les Bantous un évènement historique, d’un grand intérêt et d’une signification particulière :
expérimentation constructive des nouvelles possibilités offertes par l’utilisation des instruments modernes. Voir, écouter et apprendre un tas de choses dans les domaines musical et politique. Au départ de la Havane, Ils ont du reste reconnu et déclaré unanimement, qu’ils se sentaient plus engagés, plus forts et heureux d’avoir visité Cuba « Le premier territoire libre d’Amérique » et surtout de connaître ses réalités..

Composition de la délégation congolaise à Cuba 1974-75

Clément Ossinondé – Chef de la délégation (Président de l’U.M.C.)
Presse : Georges Kouatila « Papa photo » (photographe de la Direction Générale des affaires cultures (DGAC) – Robert-Hyacinthe Lubelo-ipumbulu (reporter culturel – Revue « Les Vedettes ») Les Bantous : Nino Dieudonné Malapet (chef d’orchestre – saxo)

Socialiste Congolaise (UJSC) est invitée par son homologue angolais la Jeunesse du Mouvement Populaire de l’Angola (JMPLA) à animer les festivités de la fête annuelle de la Jeunesse à Luanda. La délégation de l’UJSC conduite par 3 Secrétaires du Bureau Exécutif de l’UJSC (Marcel Touanga, Gabriel Oba Apounou, Clément Ossinondé) est composée des Bantous de la capitale, du groupe vocal « Les Anges et de l’équipe militaire du football « Inter-club ».

13) – 1976 – Féli Bouanga, chanteur fait désormais partie de l’orchestre. Les Bantous. Il vient de l’orchestre Super Boboto (SBB)

14) – 1976 – Un mérite pour Bikouta « Biks », chef de l’orchestre national au 2ème Festival Culturel Panafricain de Lagos (Festac 77) – Janvier 1977 – En effet, sous la direction du saxophoniste Sébastien Bikouta « Biks ». Cette grande formation emprunte son ossature à l’orchestre Les Bantous de la capitale dont plusieurs musiciens en font partie. Cet honneur rendu à l’orchestre Les Bantous aura un revers difficile à assumer. Les dix musiciens retenus seront pendant longtemps accaparés par les préparatifs de l’Orchestre National au 2ème Festival Culturel Panafricain de Lagos (Nigéria) – Janvier 1977 Mécontents de leur sort, quatre musiciens ne faisant pas partie de l’Orchestre National sont contraints au chômage. Ils décide à juste titre de se retirer des Bantous pour intégrer la nouvelle formation
de l’ONPT « Télé Music et l’orchestre Le Peuple. Se sont : Lambert Kabako, Antonio Mawana « Brass » et Ferdinand Kiolo (Télé Music) – Arthur Samba « Nona » (Le Peuple)

Composition de l’Orchestre National : Sébastien Bikouta « Biks » (saxo – chef d’orchestre) – Nino Malapet – JS Essous et Jean Saidou (saxos) – Kabongo Wetu et Samuel Malonga (Trompettes) – Ange Linaud Djendo – Atis Sita – Simon Mangouani et Féli Bouanga (chant) – Gerry Gérard Biyela – Joseph Samba « Mascott » – Mpassy

« Mermans » et Léopold Mboumba (guitares) – Alphonse Taloulou
(guitare basse) – Saturnin Pandi – Siméon Malonga « Ricky » – et Ernest Massengo (percussions et drums)
A l’actif de l’orchestre : l’enregistrement d’un album sous la marque « Vision » avec les 09 titres ci-après :
« Lemba » (Mpassy « Mermans) – « Mossendjo » (Essous) – « Tina Ngongo » (Samba « Mascott ») – « Pembe kanisa » (Kabongo Wetu) – « Kintuari » (Freddy Kebano) – « Bilanga », « Ah Congo », « Missié mabe » et « Vision » (Bikouta Biks)

15) – Janvier 1977 – Après avoir répondu à la confiance que lui a faite le Congo en le représentant brillamment à Lagos, l’Orchestre National est de retour à Brazzaville. Mission accomplie pour Nino Malapet qui peut désormais réactiver son orchestre Les Bantous. Il obtient sans difficulté le retour du chanteur Lambert Kabako et du guitariste Ferdinand Kiolo, ainsi qu’un autre retour assez surprenant , celui du chanteur Michel Boyibanda après treize ans dans l’OK Jazz de Luambo Franco. Réintégration également de Mpassi « Mermans » et enfin une rentrée spectaculaire du saxophoniste Jean Saidou en provenance de l’orchestre Super Boboto (SBB). Sa présence aux côtés de Nino Malapet dans l’orchestre national a été certes à l’origine de sa venue dans Les Bantous.

La disparition du chanteur Mujos

16) – 1977 – 25 Décembre 1977 – La musique congolaise perd un de ses meilleures vedette de la chanson : Joseph Mulamba « Mujos » (15/08/1939) décédé à Kinshasa à l’âge de 38 ans après une longue et pénible maladie. Mujos a fait les beaux jours des orchestres African Jazz, OK Jazz, Révolution, African Fiesta et Bantous de la capitale pour lesquels il a apporté une contribution considérable, grâce à la beauté de ses nombreuses compositions et au timbre envoûtant de sa voix. Il est demeuré dans Les Bantous du 6 janvier au 24 décembre 1964.

On lui doit quelques uns des plus jolis thèmes du répertoire moderne de la musique congolaise, à travers des œuvres comme « Bolingo Elie », « Eloko kombo bolingo », « Anto na nganda », « Kosuana nameseni te », etc.

Deuxième séjour des Bantous à Cuba

17) – 1978 – Prestation des Bantous à l’émission « Kin-Kiese » à Kinshasa – Samedi 28 Janvier 1978 – En hommage à Joseph Mulamba « Mujos » décédé le 25 décembre 1977, Prestation des Bantous de la capitale à la célèbre émission télévisée « Kin-décédé le Kiese » de Télé-Zaïre à Kinshasa. Le public voulait entendre la voix acide d’Essous. Faute de connaître les titres exacts
des refrains, il a demandé « Isabelle » -Erreur. Le style « Essous » dont on se souvient à Kinshasa n’est certes pas d’ « Isabelle » de Pambou Tchico. La salle comble du Grand Studio a dû chercher quelque chose dans le goût de « Lolaka lua boso » .
Mais personne dans la salle ne s’en est souvenu. Même la chansons « Farce » dans laquelle l’humour et l’espièglerie de Jean-Serge Essous atteignent leur point majeur, n’est pas venu à l’esprit des fans.
Alors, il a fallu chanté « Anto na nganda » de feu Mujos pour qu’Essous convainque ce public averti où il n’est pas rare d’entendre dire que « la musique congolaise, c’est Essous et sa voix typée ». Fait poignant, Essous a pleuré en chantant le refrain de son compagnon récemment décédé à Kinshasa (le 12 février 1983)
Quoi qu’il en soit, ce concert mémorable a le plus contribué à renforcer la légende des Bantous, sinon à l’établir .

18) – 1978 – Havane (Cuba) – Du 28 Juillet au 6 Août 1978, l’orchestre Les Bantous de la capitale fait partie de la délégation artistique de l’Union de la Jeunesse Socialiste Congolaise (UJSC) au 11ème Festival Mondial de la Jeunesse et des Etudiants à La Havane (Cuba) conduite par Clément Ossinondé et Simon Massamouna « Baloomass ». Il est renforcé par la présence de deux chanteurs individuels : Théophile Bitsikou « Théo » et Ange Linaud Djendo. Le long et excellent voyage commence à Brazzaville par avion jusqu’à Alger et Oran (Algérie). Le voyage s’est poursuivi à bord du bateau soviétique « Nakimov » jusqu’à la Havane, et en compagnie des délégations artistiques des jeunesses de Guinée, Ghana, Benin, Algérie et Polisario. Sous le signe de la solidarité, de la paix et de l’amitié, les manifestations culturelles de haut niveau, ont eu lieu tout au long de ce voyage mémorable.
A la Havane, Les Bantous qui étaient à leur deuxième voyage à Cuba, ont fait vivre à la jeunesse du monde des moments inoubliables empreints d’enthousiasme, de chaleur et de virtuosité que seule la musique congolaise sait susciter.
Le bilan très positif de la participation des Bantous tout comme les leçons tirées de ce grand évènement mondial ont donné une nouvelle impulsion à la dimension internationale déjà légendaire des Bantous. Notons que c’est au cours de ce festival que le chanteur José Missamou a acquis une renommée bien méritée, non seulement de « Salsero », mais aussi de chanteur de standards. José Missamou au sommet de sa carrière a ému le grand public cubain

19) – 1978 – Premier Congrès Constitutive de l’U.N.E.A.C. (Union Nationale des Ecrivains, Artistes et Artisans Congolais) – 1er Février 1978 – Sous l’autorité du Comité Militaire du Parti, Les Bantous s’impliquent avec tous les autres artistes dans la mise en place du Comité National Préparatoire, des congrès des Unions Catégorielles de l’UNEAC tenus du 6 au 9 novembre 1978.
Notamment les organisations de l’UAPC (Union des artistes plasticiens congolais) – l’UNEC (Union nationale des écrivains congolais) – l’UMC (Union des musiciens congolais) pour aboutir au Congrès constitutif de l’UNEAC (Union des écrivains, artistes et artisans congolais) du 21 au 25 novembre 1978.

20) – 1979 – Mouvement du 5 Février 1979 – Le 5 Février 1979, les musiciens Congolais qui depuis plusieurs mois sont confrontés à des sérieux problèmes de production fondent leurs espoirs dans l’avènement du mouvement du 5 février 1979. Ils espèrent pouvoir reprendre sereinement leurs activités.
Les Bantous particulièrement s’emploient de manière intensive à exécuter leur programme de travail, qui heureusement va connaître un succès indéniable avec le retour de Ganga Edo et surtout celui de Pamelo Mounk’a qui entretemps avait connu un brillant parcours solitaire, grâce au contrat de production conclu avec la Firme Edyson et qui lui a permis de sortir plusieurs chansons à succès comme : « L’argent appelle l’argent », « Ce n’est que ma secrétaire », « l’amour à Nombakele » , etc…

21) – Février 1979 – Le saxophoniste Jean Saidou. C’est le moment qu’il choisit malheureusement pour quitter l’orchestre. Il rejoint son ancien groupe le Super Boboto (SBB), soucieux de le réactiver.

22) – Avril 1979 – Le guitariste Ferdinand Kiolo « Johnny » quitte définitivement Les Bantous pour réintégrer l’orchestre Télé- Music dans lequel il avait évolué pendant la présence de plusieurs musiciens des Bantous dans l’orchestre National (Festac 1977)

23) – 1979 – Jean-Marie Kabongo Wetu (trompettiste) se sépare des Bantous dans la même période pour évoluer à Kinshasa
puis plus tard en Europe.

24) – 1979 – Les Bantous à Libreville (Gabon) – A l’occasion des festivités du 9ème anniversaire de l’indépendance du Gabon, Les Bantous sont invités à Libreville au Gabon où ils jouissent d’une grande estime du président de la république Omar Bongo et d’une grande popularité auprès des gabonais. Outre les manifestions officielles, ils se sont produits pour le public gabonais. Ils font salle comble et déchaînent l’enthousiasme des mélomanes.

A suivre (Prochainement le 4ème chapitre : 1980 – 1986 – Sept ans de la traversée du désert)

Clément Ossinondé

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