Congo. 62 ans de République. 28 novembre 1958 – 28 novembre 2020
NATION. En novembre 1958, à la suite de la Loi Cadre de Gaston Deferre du 23 juin 1956, le territoire du Moyen Congo devient République du Congo. Une République dotée de l’autonomie. Non d’indépendance. Mais, c’est une marche vers l’indépendance qui sera acquise le 15 août 1960, à l’instar de la plupart des pays colonisés d’Afrique Noire, sous domination française. La loi Cadre Gaston Deferre autorisait le gouvernement français à prendre les mesures propres à assurer l’évolution des territoires relevant du Ministère de la France d’Outre Mer. Lorsque le Congo s’émancipe des années de colonisation française, il ne faisait aucun doute pour les populations congolaises, se sentant désormais libres, que la proclamation de la République du Congo, suivie de l’indépendance du pays, allait ouvrir la voie à des progrès rapides. Le Congo présentait à la décolonisation, d’immenses atouts. Population jeune, terres arables bien arrosées, climat généreux, réseau hydrographique dense, sous sol promettant de riches ressources minières. 62 ans de République, avec une succession de pouvoirs aux systèmes différents, il s’ y est fait sentir quelques avancées, sur divers domaines de la vie nationale. Mais, dans l’ensemble, les désillusions sont immenses. Aussi bien sur le développement économique et social, les droits de l’homme que sur les valeurs de la République, au compte desquelles la question majeure de la démocratie. Démocratie dont le lourd déficit ne permet pas des scrutins libres, transparents et crédibles, pour porter aux différentes assemblées ou autres institutions électives du pays les vrais et dignes représentants du peuple. La devise de la République du Congo « Unité, Travail Progrès » peine a être matérialisée dans les faits. Si le sentiment d’appartenance à la nation congolaise reste fort, de nombreux facteurs témoignent du délitement de la cohésion et de la solidarité au sein de la communauté nationale. Pour ces 62 ans de République du Congo, ci dessous, en profil, trois des personnalités politiques de ces ères de la proclamation de la République et de l’indépendance, que sont MM. Jean Félix Tchicaya, l’Abbé Fulbert Youlou et Jacques Opangault. A ces trois figures, leur patrie, le Congo, leur a érigé, à juste titre, des statuts, grandeur nature. A Brazzaville, l’Abbé Fulbert Youlou, au rond point de la Mairie Centrale, Jacques Opangault, devant la grande Poste. Jean Félix Tchicaya trône à la sortie Sud de Pointe Noire. A tous ces Congolais qui, de près ou de loin, ont contribué, de quelle que manière que ce soit ou au péril de leurs vies aux étapes de la construction d’une conscience congolaise libre, nos pensées sont, ce 28 novembre 2020, tournés vers eux. Ouabari Mariotti – Membre de l’UPADS Paris 28.11.2020
Les prophéties de l’Abbé Fulbert Youlou sont-elles en phase de se réaliser contre les ennemis de la nation congolaise
QUI VIVRA, VERRA ! Premier président d’une République congolaise nouvellement indépendante l’année 1960 durant, l’abbé Fulbert YOULOU fut, outre sa qualité d’Homme d’Etat d’une exceptionnelle envergure, un excellent écrivain et surtout un visionnaire dont les analyses revêtaient, quelque peu, une caractéristique prophétique. En dépit de sa perspicacité et de sa grandeur en tant qu’être humain, l’homme politique qu’il était, fut contraint, à la démission puis forcé à s’exiler en Espagne où il mourut un 5 mai 1972. En 1963, le président-abbé Fulbert YOULOU avait été honni et stigmatisé par les soi-disant révolutionnaires devenus maîtres du Congo-Brazzaville qui y sont toujours avec une gouvernance socio-politique non pourvue de conscience nationale. Depuis la chute de l’abbé Fulbert YOULOU, le Congo-Brazzaville continue à sombrer dans l’océan des larmes et des douleurs puisque : « La situation générale se dégrade de jour en jour, l’étiage économique a baissé, le nombre des chômeurs s’est accru. Que se passe-t-il encore ? Dans son ensemble, le pays régresse, la haine des uns contre les autres ayant repris le dessus » Abbé Fulbert YOULOU in « J’accuse la Chine » La Table Ronde 1966 P.207. En sa qualité d’intellectuel, d’homme politique avisé et d’excellent écrivain , l’abbé Fulbert YOULOU tint un jugement prophétique tant sur le portrait criminel du révolutionnaire socialiste congolais que sur sa chute qui bien évidemment serait fatale, cruelle et donc inévitable. D’une manière, quelque peu apocalyptique, l’abbé Fulbert YOULOU prédisait très probablement la chute, entre autres, du pouvoir politique actuel congolais en déclarant très judicieusement : « L’équipe gouvernementale, aujourd’hui en place, exploite la jeunesse à des fins personnelles…Les intentions des responsables congolais n’échappent à personne. C’est si vrai que certains d’entre eux veulent fuir pour éviter le châtiment du peuple. Nous avons dit : à chacun son tour. Nous avons insinué que celui qui se sert de l’épée périra par l’épée, sans miséricorde. Pourquoi ont-ils l’intention de fuir ? C’est parce qu’ils ont la conscience lourde, sachant qu’il est criminel de mobiliser des gosses pour des ambitions personnelles, démesurées et sinistres, surtout lorsqu’il s’agit de gamins parfois de moins de six ans. Ils savent qu’il est aussi criminel d’utiliser de tels enfants pour piller et tuer. C’est parce qu’ils se rendent compte de cela, qu’ils récoltent les fruits de leurs crimes. Et que dire des études qu’ils ont empêché ces enfants de faire normalement ? De tels crimes, évidemment, triturent les consciences, d’où ces tentatives de fuite, d’où ces tentatives de diversions ». Abbé Fulbert YOULOU in « J’accuse la Chine » P.205. A dire vrai, le père de la Nation Congolaise, de par son analyse, avait parfaitement compris et intégré dans l’exercice de ses prérogatives la notion de droit ou d’Etat de droit laquelle, dans son expression conceptuelle, n’est possible ou réalisable que, si les organes de gestion politique et économique d’un groupe humain, à vocation étatique favorisent toutes les conditions sociales, politiques, morales et spirituelles requises qui en sont la source. Ainsi, tout système politique, n’importe lequel et quel qu’il soit, qui règne par la terreur et par les assassinats est appelé, de quelle que manière que ce soit, à mourir puisqu’un tel système porte déjà en lui les germes de sa disparition, du fait de la méconnaissance par ledit système, de ce qui constitue l’essence même de l’être à savoir : le mouvement ou la liberté. l Des observateurs sérieux de l’évolution de la société congolaise s’interrogent, en l’espèce, sur la portée prophétique des paroles de l’abbé Fulbert YOULOU. Adolphe TSIAKAKA « L’Abbé Fulbert YOULOU la mémoire oubliée du Congo-Brazzaville » autoédité 2009 P.239. L’abbé YOULOU a-t-il finalement eu raison de traiter ces révolutionnaires de semeurs d’illusions socialistes qui ont aggravé fatalement et invariablement les maux qu’ils ont prétendu combattre. Le Congo a-t-il été engagé sur une très mauvaise voie ? La réalité politico-sociale du Congo-Brazzaville actuelle semble avoir été décrite par le président-abbé YOULOU qui, en son temps, la présentait déjà de la manière, la plus prophétique qui soit, à savoir : « C’est la misère, c’est le désordre qui s’est d’ailleurs déjà installé, c’est l’anarchie qui règne actuellement, c’est le manque d’autorité dont nous avons la preuve tous les jours. Tout cela ne préoccupe nullement ce traître de la nation, l’avenir de ses enfants assuré. » Abbé Fulbert YOULOU « J’accuse la Chine » P.204. Dans le même ordre d’idées, le président-abbé, à l’effet de soutenir le peuple congolais dans son noble combat pour la liberté ajoutait prophétiquement : « Mais encore une fois de plus, soyez assurés que de nombreuses sympathies des pays frères d’Afrique et du monde entier vous sont acquises. Vous vaincrez dans cette lutte opiniâtre de libération nationale que vous menez si efficacement. Qu’on ne vous trompe plus. La victoire est de votre côté. Toutes les démonstrations des dirigeants fascistes à la solde de l’étranger sont vaines et sont d’avance vouées à l’échec. C’est pourquoi je vous dis : Courage, confiance et persévérance. » Abbé Fulbert YOULOU « J’accuse la Chine » P.217. C’est dire que, ni la violation des droits humains les plus fondamentaux qui soient, ni la guerre, ni les bombardements dans les pays sud du Congo-Brazzaville, ni les intimidations de toute sorte, ni la mort ne sauront remettre en cause la marche du Peuple Congolais vers la libération et, comme dirait le prophète abbé YOULOU, père de la nation, le jour est maintenant proche où sous les plis frémissants de notre drapeau tout un peuple triomphant marchera en chantant sur les routes de la prospérité, du progrès et du bonheur. Que vive la liberté ! Que vivent les idéaux des pères fondateurs de la Nation Congolaise l’abbé Fulbert YOULOU et Jacques OPANGAULT ! RUDY MBEMBA-DYA-BÔ-BENAZO-MBANZULU Avocat à la Cour
L’Indépendance et le sens patriotique du devoir pour le développement de la Nation d’après l’Abbé Fulbert YOULOU
L’indépendance n’a jamais été pour l’abbé Fulbert YOULOU, père de la Nation Congolaise, une entreprise facile d’accession à l’autonomie tendant notamment au confort, aux améliorations immédiates et inconditionnelles du niveau de vie. Or, ingrédients indispensables d’une bonne indépendance nationale, la paix, l’ordre, l’union, la protection de ceux qui constituent la Nation exigent, entre autres, selon l’abbé Fulbert YOULOU, une ligne de conduite, une politique extérieure, libres de toute ingérence. L’indépendance qui est la voie même d’amélioration des conditions de vie, de travail, du respect des engagements, sans être tributaire d’autres nations n’est possible ou réalisable que si la liberté d’un peuple n’est guère hypothéquée. Ainsi, pour accéder pleinement sur la voie de l’indépendance, le sens du devoir patriotique selon l’abbé Fulbert est l’arme la plus confortable qui soit. « Nous sommes maîtres de notre sort, de notre devenir, dans un monde en perpétuel bouillonnement….Et pour cela nous devons pouvoir compter sur la volonté du pays tout entier. La foi en lui-même d’un peuple, son enthousiasme ont bien souvent, dans l’histoire, rendu possible un avenir que le monde entier s’accordait à reconnaître comme impossible. » [ Adolphe TSIAKAKA in « L’Abbé Fulbert YOULOU la mémoire oubliée du Congo-Brazzaville ouvrage autoédité 2009 P.152.] Ainsi à la lumière de la pensée du père de la Nation, l’abbé Fulbert YOULOU, l’indépendance est aussi, peut-on dire, une question de transcendance afférente à la maîtrise de son sort, de son devenir et ce, par le Devoir patriotique pour l’avenir de la Nation lequel à son tour est basé sur des principes que sont : 1. La Volonté du pays tout entier qui, en l’espèce passe par l’union, le travail, la mise en jeu des intelligences individuelles et collectives au service de la Nation et la responsabilité des tâches qu’il convient d’assumer et qui, par voie de conséquence aboutissent au rejet absolu de tous comportements de nature à mettre un frein contre les desseins nobles de la Nation parmi lesquels figure le développement national. 2. La foi en lui-même d’un peuple, c’est-à-dire cette espérance et cette prise de conscience populaires sur le capital de civilisation ou du patrimoine culturel et historique qu’un peuple est doté et auquel, il doit pleinement adhérer et ce, par sa capacité à l’exploiter à bon escient, face à l’évolution du monde aux fins d’amélioration de ses conditions d’existence et donc pour le développement de la Nation. 3. L’enthousiasme, c’est-à-dire cette ferme et exaltante détermination d’inscription sur le chemin du progrès et qui, à ce titre n’admet aucun relâchement sur la nécessité de veiller constamment sur les intérêts supérieurs de la Nation. Tels sont d’ailleurs les principes qui définissent l’emblème du drapeau congolais à savoir : Unité, Travail et Progrès. L’amour de la patrie est, et non des moindres, une des conditions absolument nécessaires qui oriente corrélativement un peuple vers la marche pour le développement de sa Nation. En l’absence de cet amour aucune nation ne peut prétendre accéder à l’autonomie et au développement d’autant plus qu’aimer sa patrie, c’est s’attacher à toutes ces valeurs qui fondent sa raison d’être, en l’occurrence, l’union, la fraternité, la culture, l’ordre, le travail, la sécurité et la paix. Cela fut pour le Père de la Nation Congolaise, l’abbé Fulbert YOULOU bien qu’une croyance mais plutôt et surtout une conviction, une question de foi transcendantale associée bien évidemment à celle de la raison humaine pour accéder, au final, au stade de la foi et de la raison d’Etat-Nation. C’est dire, qu’une vision patriotique qui conditionne une communauté politique d’individus vivant sur le même sol, liés surtout par un fort sentiment d’appartenance à une même collectivité, notamment culturelle et linguistique, en cherchant à dynamiser son patrimoine culturel, pour un mieux être, est paradoxalement, d’après l’abbé Fulbert YOULOU, la porte ouverte à l’inaccessible en matière de développement national. Aussi, pour l’abbé Fulbert YOULOU, « Une nécessité s’impose donc à nous. Rechercher, dès à présent, dans nos propres ressources, les moyens qui sont nécessaires à notre existence. Cela doit être l’œuvre de tout le peuple. C’est le concours de la Nation tout entière qui est encore requis. Chacun, dans son domaine, doit concourir à cette tâche immense. Le fardeau est moins lourd quand on est plusieurs à le porter et quand les charges sont bien réparties. La Nation donc acceptera les sacrifices qui lui seront demandés. » [ Adolphe TSIAKAKA in « L’Abbé Fulbert YOULOU la mémoire oubliée du Congo-Brazzaville ouvrage autoédité 2009 P.154.] En tout état de cause, si l’indépendance était pour l’abbé Fulbert YOULOU un moyen d’affirmation d’individualité notamment des nations africaines, elle se révélait toutefois comme une occasion de prise de conscience des réalités qui s’imposaient à elles. Réalités qui ne sont certes pas toujours agréables ni à admettre, ni à résoudre, car souvent en Afrique, comme ailleurs, concluait-il, elles comportent des devoirs, des charges, des engagements d’où résultent obligations et sacrifices. [ Adolphe TSIAKAKA in « L’Abbé Fulbert YOULOU la mémoire oubliée du Congo-Brazzaville ouvrage autoédité 2009 P.152.] C’est à ce titre qu’à l’occasion du deuxième anniversaire de l’indépendance du Congo-Brazzaville, dans un discours tenu le 14 août 1962, le Père de la Nation, l’abbé Fulbert YOULOU, exhortait le peuple Congolais à l’amour de la Patrie, au sens du devoir et du civisme. Je sais que je peux compter sur vous tous, observait-il, et que grâce à votre labeur, à votre dévouement à la chose publique et à votre amour passionné pour notre Congo, le jour est maintenant proche où sous les plis frémissants de notre drapeau tout un peuple triomphant marchera en chantant sur les routes de la prospérité, du progrès et du bonheur. Vive la République du Congo, Vive la Nation congolaise une et indivisible. Rudy MBEMBA-DYA-BÔ-BENAZO-MBANZULU (TAATA N’DWENGA) Coordonnateur général du cercle KI-MBAANZA ou des AMIS DE LA NATION CONGOLAISE (A.N.C.)
L’Interview imaginaire de la dernière ligne droite de l’Abbé Fulbert Youlou avant la rentrée 2015-2016 au Congo-Brazzaville
L’année prochaine, le Congo-Brazzaville va connaître la fin du mandat du président Denis Sassou Nguesso. Il s’agit d’un événement important qui plonge le peuple Congolais dans diverses analyses au point de savoir quel sera l’avenir du Congo-Brazzaville au-delà de l’échéance électorale de 2016. C’est en raison de ce grand rendez-vous de l’histoire de la Nation Congolaise que TAÀTA N’DWENGA éditorialiste du journal imaginaire de « l’être intérieur » ou du MUÙNTU, s’est rapproché par la méditation de l’Abbé Fulbert YOULOU pour connaître sa pensée fondamentale sur les enjeux de demain au Congo-Brazzaville. 1. Le Journal du MUUNTU : Comment allez-vous Père-abbé « vous qui êtes aux cieux » et je viens vous rencontrer spirituellement sur initiative consciencieuse de votre peuple que vous aimez tant et qui a toujours manifesté un grand intérêt sur vos analyses sur la construction de la nation congolaise jugées, comme vous le savez, absolument pertinentes ? Abbé Fulbert YOULOU : [Et vous comment allez-vous jeune homme vous qui êtes le défenseur de ma cause et de ma mémoire ?] – Le Journal du MUUNTU : Je vais bien mon Père et je profite de l’occasion pour vous transmettre les salutations de mon confrère et ami, votre très cher parent, Maître Philippe YOULOU qui est inscrit au Barreau de Nice. Abbé Fulbert YOULOU : [Ok merci beaucoup vous lui transmettriez aussi les miennes en lui disant surtout qu’en vertu des pouvoirs qui me sont conférés en tant que Père… et bien naturellement à son endroit, sa descendance est bénie car elle est aussi mienne !] [Pour en venir à votre question, je dirai que votre…] Acte [est] digne et d’une sagesse politique de très haute portée, cette décision a aussi témoigné de votre grandeur d’âme, un flair, ce sens des affaires mêlé à la connaissance des virtualités positives qui sommeillent dans le subconscient du peuple Congolais et qui se déchaînent quand il le faut [ Adolphe Tsiakaka in « L’Abbé Fulbert Youlou la mémoire oubliée du Congo-Brazzaville » Auteur autoédité 2009 P.243.] 2. Le Journal du MUUNTU : Le mandat du président Denis Sassou Nguesso arrive à son terme au mois d’août 2016, à votre avis Père-abbé, a-t-on encore au Congo des dirigeants capables de mieux diriger et mieux représenter la Nation Congolaise ? Abbé Fulbert YOULOU : …je demeure convaincu que Dieu peut se choisir, au sein du peuple, des hommes dont il a besoin, et auxquels il peut conférer quelque dignité pour servir d’instrument dans l’histoire…Mon passé ne croit pas avoir pactisé avec le crime, ni porté ombrage à l’honneur de mon pays…avec le meilleur dévouement, sans réserve aucune et sans compter de retour. De Bacongo à Poto-poto jusqu’aux moindres recoins de notre terre, mes traces illustrent mes antécédents. [ Adolphe Tsiakaka Op.cit P.243.] 3. Le Journal du MUUNTU : Père-abbé quel bilan succinct pourriez vous faire sur les différents régimes qui se sont succédés au Congo-Brazzaville après votre chute en août 1963 ? Abbé Fulbert YOULOU : Sur le plan politique, le parallèle est facile à établir entre les… régimes qui se sont succédés l’un après l’autre…De faire ce parallèle est un besoin, car c’est dans le besoin que tout se découvre. Tout se découvre notamment quand ce besoin s’inscrit dans un groupe qui se fait. Nous sommes au seuil de notre histoire. A ce seuil, il est absolument essentiel que la dialectique du groupe atteigne au niveau du concret. Je parlerai donc concrètement, avec votre permission. De ma politique intérieure : Laissons intervenir les témoignages dignes de foi et désintéressés. De tous, le meilleur, le plus probant, le plus irréfutable, comme le plus irrécusable est celui du peuple lui-même qui est tout singulièrement concerné. Il est tout particulièrement concerné, parce qu’il s’agit d’une affaire qui l’engage à fond, ici et là hier aujourd’hui et demain, dans l’ordre spécifique de ses orientations sociales présentes et futures. C’est une affaire de conscience nationale où l’imagination et le sentiment perdraient leur boussole. Pour y voir clair, il est donc impératif d’un impératif catégorique de consulter le peuple qui voit, compare et juge, selon un baromètre fondé sur des critères vertébrés et justes. De le faire, c’est un devoir de conscience, un devoir éminemment capital, parce qu’il s’agit d’une matière où la conscience seule peut prendre position face au monde qu’elle transcende pour atteindre son objet. [ Adolphe Tsiakaka Op.cit P.244.] De ma politique extérieure : Je ne saurais en parler sans m’attendrir. Car, c’est tout un passé jalonné de souvenirs très mêlés que je me verrais contraint d’évoquer et que ma mémoire n’égrène qu’avec tendresse. Je voudrais donc ne pas m’attendrir, car s’attendrir embrouille la pensée. « On ne communique pas davantage cette sorte de souvenirs que les épisodes d’un rêve ». Ce qui fut Brazzaville, un paradis d’espoir, n’est plus aujourd’hui qu’un paradis de regrets, un paradis perdu. Paradis d’espoir, Brazzaville a vu naître les plus espérances africaines, les plus belles floraisons des organisations interpanafricaines : l’O.C.A.M., et l’U.D.E.A.C. qui n’est plus qu’un souvenir évanescent par la faute d’un régime, malheureusement. Qu’à jamais Brazzaville soit devenu le berceau de l’indépendance en Afrique et son point de jaillissement, l’emblème de la liberté, est, pour sa couronne, les plus beaux fleurons, et pour notre cher Congo, un titre substantiel à son immortalité glorieuse. Pour votre humble serviteur que je suis, c’est un appoint non négligeable à son actif. Bref ce panorama historique confère à notre cher pays, encore une fois, un luxe de rayonnement qui vaut son pesant d’or, et qui couvre tout notre continent. [ Adolphe Tsiakaka Op.cit P.245.] 4. Le Journal du MUUNTU : Mais Père-abbé en quoi vous vous sentez mieux que vos successeurs à la tête de la présidence du Congo-Brazzaville depuis son indépendance ? Abbé Fulbert YOULOU : Qu’il nous plaise à tous de reconnaître ce qui ne peut se cacher sous le boisseau : la lumière et la vérité. Les échos retentissent partout d’un passé où le Congo portait l’image d’un paradis sur terre, l’eldorado rêvé. « Cet Abbé avait
L’indépendance et la vision prémonitoire du Père de la Nation congolaise : L’Abbé Fulbert YOULOU
Quelques mois après son accession à l’indépendance, le 15 août 1960, le Président de la République du Congo-Brazzaville, l’Abbé Fulbert YOULOU exhortait son peuple au respect de la vie, des institutions et surtout à une prise de conscience sur les devoirs de l’indépendance. Contrairement au discours utopique de ses adversaires, les socialo-communistes qui croyaient très fort à l’avènement d’une république congolaise populaire et absolument progressiste voire égalitaire, l’Abbé F. YOULOU fit preuve d’une grande sagesse dans l’analyse du fait politique en rapport avec la notion d’indépendance. « Indépendance, trop souvent encore signifie dans les esprits, mieux-être, confort, facilités, améliorations immédiates et inconditionnelles du niveau de vie ». Telle était la vision utopique et naïve des adversaires de l’Abbé F.YOULOU pour qui la réalité était toute autre pour concevoir à juste titre l’entrée du Congo-Brazzaville dans le monde de libération des pays Africains dits Indépendants. En effet, pour le père de la Nation Congolaise, l’Abbé F.YOULOU, « L’indépendance, l’émancipation consistent, avant tout, pour un pays, à assumer seul toutes les responsabilités qui lui incombent : la paix, l’ordre, l’union, la protection de ceux qui constituent la Nation. Elle exige aussi une ligne de conduite, une politique extérieure, libres de toute ingérence…Nous sommes maîtres de notre sort, de notre devenir, dans un monde en perpétuel bouillonnement, dans un monde où s’affrontent des blocs idéologiques tels qu’ils ne peuvent admettre ni tolérer les faibles, les mous, les hésitants. L’indépendance, dis-je, consiste…à assumer seuls toutes les responsabilités qui nous incombent. Et pour cela nous devons compter sur la volonté du pays tout entier. La foi en lui-même d’un peuple, son enthousiasme ont bien souvent, dans l’histoire, rendu possible un avenir que le monde entier s’accordait à reconnaître comme impossible. » Abbé TSIAKAKA in « L’Abbé Fulbert YOULOU la mémoire oubliée du Congo-Brazzaville » Auteur autoédité 2009 P.152. Ainsi, pour l’Abbé F.YOULOU, l’indépendance est fondamentalement l’expression d’un peuple uni et averti aspirant, de façon solitaire, à son bien être en réunissant intégralement et ce, par voie de conséquence, toutes les conditions requises tendant pleinement à son émancipation et à son autonomie à savoir : l’unité, la clarification des objectifs à atteindre par la définition d’une ligne de conduite, la paix et l’ordre qui, corrélativement aboutissent à la maîtrise du destin national. Cependant, dans un monde en perpétuel bouillonnement, dans un monde où s’affrontent des blocs idéologiques tels qu’ils ne peuvent admettre ni tolérer les faibles, les mous, les hésitants, l’accession pleine et entière du Congo-Brazzaville tout comme celle des autres nations africaines à l’indépendance passait inexorablement par une réalité indiscutable et indiscutée de l’union ou unité du peuple Congolais. Il faut que l’union, selon le Père de la Nation Congolaise, l’Abbé F.YOULOU « …soit réelle, tangible, vécue. Paix, ordre, protection, organisation de la vie publique, telle était notre première tâche… » Abbé TSIAKAKA in « L’Abbé Fulbert YOULOU la mémoire oubliée du Congo-Brazzaville » O.p.cit. ibidem. S’inspirant d’une pensée de l’artisan de l’unité africaine, le président TSIRANANA, l’Abbé F.YOULOU proclamait aussi à juste titre que « Rien ne sert d’être indépendant si on n’a pas la capacité de former une nation » Abbé Fulbert YOULOU in « J’accuse la Chine » Table Ronde 1966 P.12O. A cela, le Père de la Nation Congolaise ajoutait avec perspicacité que : « L’élite africaine doit se mobiliser pour faire échec aux réseaux d’intoxication qui ont parfois leurs sources en Occident. Elle doit se joindre, méprisant l’accusation du néocolonialisme, aux élites occidentales luttant pour la défense d’une civilisation qui nous est commune. Des milliers de jeunes en Europe sont tentés par cet éveil de notre continent. Il faut mobiliser nos ambassades, nos élites pour aller les convaincre que nous ne sommes pas des sauvages, des cannibales, des racistes et que leur foi, leur audace, leur compétence trouveraient, dans nos pays en voie de développement, un terrain à la mesure de leur espoir. » Abbé F.Y. « J’accuse la Chine », Ibidem. Aussi, vouloir accéder à l’indépendance ne pouvait être pour l’Abbé F.YOULOU une « route droite et unie ; c’est encore une piste sinueuse et accidentée ; il faudra l’aplanir et la niveler ; il y faudra bien du travail, beaucoup de courage et de persévérance. Ne nous précipitons donc pas sans réflexion ; mais ne temporisons pas non plus exagérément. Un programme mûrement pesé doit décider de notre action ». Abbé TSIAKAKA P.134. C’est dans ce contexte que l’Abbé F.YOULOU exhortait les leaders africains à faire preuve de vigilance donc de sagesse pour ne pas être victimes des manœuvres de subversion du dragon chinois méticuleusement orchestrées sur leur sol. A ce propos, et en son temps, l’Abbé F.YOULOU, par une sorte de vision prémonitoire ou prophétique, dénonçait déjà l’impérialisme chinois sur le sol africain en des termes que voici : « J’appelle colonialisme une structure au service d’une puissance étrangère qui impose à l’Afrique un appareil psychologique de conquête lui-même inspiré par des techniciens chinois mis en place par des fonctionnaires envoyés de Pékin et servi par des évolués indigènes éduqués dans des écoles d’administration coloniale de Pékin. Toutes les conditions du colonialisme, telles que l’Afrique les a connues dans le passé, sont à nouveau réunies avec la différence que les capitalistes de la colonisation réalisaient de gigantesques progrès techniques dont se moquent les cadres de la révolution communiste qui visent un asservissement des esprits et des âmes par une oppression scientifiquement étudiée. Ce qui est grave dans la situation que je vais dénoncer, c’est que dans notre lutte passée pour l’indépendance, le monde entier faisait écho à nos aspirations, dépassant parfois nos désirs, alors qu’aujourd’hui l’Afrique africaine se retrouve seule devant la menace raciste d’un déferlement asiatique déjà commencé. » Abbé F.YOULOU « J’accuse la Chine » Op.cit P.20. TAATA N’DWENGA (Alias MFUMU KUTU)
La caricature de procès politique des révolutionnaires congolais des 13, 14 et 15 août 1963 contre l’abbé Fulbert Youlou
Après le coup de force des 13, 14 et 15 août 1963, considéré par ses auteurs comme une révolution, le premier président du Congo-Brazzaville, l’abbé Fulbert Youlou avait préféré démissionner. Une manière élégante du prélat président et démocrate abbé Youlou pour éviter un bain de sang. Ainsi, après sa chute, il avait été emprisonné. Mais la bonté et la popularité de l’abbé Fulbert Youlou firent de lui un prisonnier assez exceptionnel, aimé, en dépit de tout par le peuple. Des mois durant, l’emprisonnement de l’abbé Fulbert Youlou, donna du fil à retordre au nouveau régime de Brazzaville institué au lendemain de la fameuse révolution d’août 1963. Le mouvement de la révolution au Congo-Brazzaville comportait deux courants de pensée. Un premier courant très radical tourné vers un régime scientifique et marxisant du pays et un deuxième courant incarné par le président Alphonse Massamba Debat prônant un socialisme bantou et donc un socialisme beaucoup plus modéré et beaucoup plus réaliste que celui des révolutionnaires. Le premier courant de la révolution radicale est celui qui voyait en la personne de l’abbé Youlou le type même de valets locaux du colonisateur français qui, à ce titre devait être traduit dans les meilleurs délais devant un jury populaire pour ne pas dire un tribunal de la révolution. C’est dans ces conditions, et de surcroît en raison d’un climat soi-disant révolutionnaire, consistant en une élimination physique des opposants à la révolution congolaise marxiste et léniniste, que le président Fulbert Youlou, échappa à la mort, à la suite d’une évasion spectaculaire en se réfugiant au Congo-Léopoldville ( L’actuel Congo-Démocratique) en mars 1965. Ainsi, l’abbé Fulbert Youlou est jugé par contumace par un tribunal populaire siégeant pour la première fois en début d’après-midi du mardi 8 juin 1965. Si Fulbert Youlou a été un grand homme d’état de culture et de connaissance, un excellent écrivain, il fut aussi un fin juriste. Ce faisant, il n’hésitera pas à faire une critique du jugement le concernant en démontrant, entre autres, le non fondement des chefs d’accusation portés à son encontre. Comme le dispose un adage populaire et d’après lequel, « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément », l’abbé Fulbert Youlou est, pour la science du verbe qui doit être technique, organisatrice, constructive, et dans le cas d’espèce, procédurale avant de se lancer dans les débats du fond. L’abbé Fulbert Youlou est, en effet, de cette ancienne école méthodique qui refuse l’école de la révolution du désordre, du militantisme aveugle et haineux, de la propagande et de la régression sociale et qui, en matière de procédure judiciaire, exige une application rigoureuse des textes d’autant plus que les chefs de la prévention à son endroit sont gravissimes. Pour ce faire, l’abbé Fulbert Youlou n’hésite guère à soulever une difficulté procédurale ayant rang de nullité ou de vice de procédure. C’est ainsi qu’en sa qualité de citoyen congolais fin connaisseur et respectueux de la quintessence des règles judiciaires, l’abbé Fulbert Youlou relève avec perspicacité que : « Aucune Loi dans le monde entier n’a eu d’effets rétroactifs. La loi ayant institué ce tribunal ne saurait donc normalement nous concerner. Cette loi n’a que quelques mois d’existence, et ainsi donc cette loi ne saurait nous concerner, étant donné que nous sommes arbitrairement en détention depuis bientôt deux ans. C’est pourquoi donc au nom de tous mes amis aujourd’hui encore en prison et en mon nom propre, je récuse la validité de tout jugement porté par ce tribunal en ce qui nous concerne. Je récuse ces jugements, parce que les bases mêmes sont fausses sur lesquelles s’est fondé ce tribunal populaire. » ( Fulbert Youlou in « J’accuse la Chine » La Table Ronde 1966 P.208. Ici, la règle que rappelle l’abbé Fulbert Youlou dispose très clairement que la loi n’est applicable que pour des faits à venir et n’a point d’effet rétroactif. Elle est, peut-on dire de portée générale et est surtout d’ordre public de sorte qu’elle peut être soulevée d’office par le juge. Si le principe de non rétroactivité ne s’impose pas au législateur, encore faut-il que, lorsqu’il entend donner à un texte une application rétroactive, son intention apparaisse sans équivoque. Et lorsqu’il entend adopter des dispositions rétroactives justifiées par des motifs impérieux, cela ne doit pas être contraire à la notion du procès équitable. Or, de l’examen du procès de l’abbé Fulbert Youlou, force est de relever qu’aucun desdits principes ne sera respecté. L’équité, l’impartialité et le délai raisonnable sont autant de principes non appliqués dans ce simulacre de procès. Par ailleurs, les chefs d’accusation retenus à son encontre et les membres de son gouvernement sont difficilement soutenables sur le plan du droit, en l’occurrence du droit pénal faute de preuve. A titre d’exemple, l’abbé Fulbert est accusé d’avoir utilisé à des fins personnelles un avion de guerre de type héron sans que le tribunal de la révolution n’apporte une quelconque preuve sur la matérialité de cet appareil ou sur son envoi sur le territoire congolais. Dans le même ordre d’idées, les révolutionnaires créeront une sorte de « délit ou de crime d’opinion » en condamnant par exemple l’abbé Fulbert Youlou pour cause de soutien politique à son homologue, le président du Congo démocratique Kasa-Vubu et son premier ministre Tshombé. Des peines lourdes et non judiciairement justifiées seront prononcées à l’encontre de certains ministres proches collaborateurs du président abbé Fulbert Youlou à savoir :1.) D. Nzalakanda pour cause de détournement et de complicité de haute trahison (15 ans de travaux forcés), un fidèle parmi les fidèles dont les chefs d’accusation étaient montés de toutes pièces. 2.) S. Tchitchellé occupant respectivement durant tout le régime de l’abbé Youlou les fonctions ministérielles de l’intérieur, des affaires étrangères et de vice-président de la République (15 ans de travaux forcés) 3.) V. Sathoud pour cause de détournement de deniers publics, trafic d’influences et abus d’autorité ( 10 ans d’emprisonnement). La condamnation de Victor Sathoud est l’une des condamnations les plus fantaisistes que le tribunal de la
La Révolution des 13 14 et 15 Août 1963 au Congo-Brazzaville: Quel bilan social cinquante ans après (1963-2013)?
Après la chute du président abbé Fulbert Youlou, à la suite du coup de force d’août 1963, qualifié par ses auteurs de révolution des trois glorieuses, le système social et éducatif congolais avait connu un profond changement. Les nouveaux maîtres du pays introduisirent dans les enceintes scolaires de nouvelles méthodes importées des pays d’Europe de l’Est. Ils changèrent les mouvements des jeunes servant, entre autres, de structures éducatives issues de la colonisation par d’autres organisations. C’est ainsi que des mouvements des jeunes de morale chrétienne comme les Scouts, Cœurs vaillants, Âmes Vaillantes, Jeunesse Ouvrière Chrétienne (J.O.C.), etc étaient remplacées par l’Union Générale des Elèves et Etudiants Congolais (U.G.E.E.C.).Le scoutisme avait pour but, comme le rappelle si bien le professeur Justin Gandoulou, de contribuer au développement des jeunes en les aidant à réaliser pleinement, leurs capacités physiques, intellectuelles et spirituelles, en tant que personnes humaines, en tant que citoyens et en tant que membres de la communauté internationale. Le scoutisme était aussi une école de la vie. Oui le scoutisme était effectivement et ce, à la fois, une école humaine et sociale tendant en la formation de l’être ou du muùntu ! cet être qui, par sa formation et son éducation relayées, entre autres, par les instances traditionnelles comme le Mboòngi allait devenir pleinement un citoyen congolais. Outre l’Union Générale des Elèves et Etudiants Congolais (U.G.E.E.C), le paysage de la vie éducative congolaise était aussi dominé par la Jeunesse du Mouvement National Révolutionnaire (J.M.N.R). Qu’il s’agisse de l’U.G.E.E.C ou de la J.M.N.R. le but poursuivi en matière de formation et d’éducation, n’était pas en soi mauvais, mais dans la pratique l’ordre naturel des choses comme le respect que les enfants doivent à leurs parents ou celui des élèves à l’endroit des enseignants ne fut guère respecté. Comme le relève à juste titre le professeur Justin Gandoulou, « A l’école, certains élèves osaient se présenter en treillis (ici uniforme de l’armée cubaine). Parfois la moindre remarque désobligeante de l’enseignant, quand bien même elle se faisait dans le cadre du cours, était vite rapportée par l’élève aux chefs de section de la JMNR qui n’hésitaient pas à interpeler l’éducateur. Certains parents qui, pourtant ne faisaient qu’user de leur devoir naturel d’éducation, pouvaient subir le même sort. Lorsque, par exemple, un parent faisait remarquer à sa fille qui avait l’habitude de rentrer tard à cause de réunions des pionniers, il pouvait aussi faire l’objet d’un « rappel à l’ordre » par les chefs de section. » (Justin Gandoulou in « Les Nouveaux Enjeux Pastoraux entre tradition et modernité Hommage au Cardinal Emile Biayenda éditions ICES avril 2013 P.118). Dans le même ordre d’idées, le modèle d’éducation traditionnel congolais dans ses principes de morale sociale avait connu un certain déclin en faveur de nouvelles valeurs instituées par le Mouvement National de la Révolution (M.N.R.). Ici, force est de rappeler que la morale traditionnelle congolaise imposait à ce que les plus jeunes appellent leurs aînés par l’expression yaaya ou yaa en forme abrégée ou les papas par taata ou taa suivi du nom ou prénom s’agissant d’un adulte (homme) ayant des enfants ou susceptible de procréer, et maama ou maa pour les femmes ayant des enfants ou susceptibles d’en avoir. Cependant, la morale sociale du Mouvement National de la Révolution (M.N.R.) introduisit, en quelque sorte, et en le vulgarisant surtout le mot camarade lequel terme, dans une certaine mesure, remplaça celui de monsieur même quand il s’agissait de s’adresser au chef de l’Etat. Comme si cela ne suffisait pas, les autorités politiques participaient, observe à juste titre le professeur Justin Gandoulou, à la culture de la médiocrité voire de l’immoralité, quand ils osaient lancer publiquement en les vulgarisant des slogans comme « Ebonga, ébonga te, toujours meilleur… » et qu’ils hissaient à des postes importants de responsabilité les citoyens qui détournaient les deniers publics ? Encore mieux, chacun se souviendra de ces slogans inscrits sur de larges bandes en tissu rouge qui bordaient les clôtures des ministères quand elles n’étaient pas simplement suspendues entre deux lampadaires au-dessus d’une des artères du centre-ville. On pouvait alors y lire : « le Parti doit diriger l’Etat ». Cela revenait à dire, pour le commun des Congolais, qu’un simple commis de l’Etat pour peu qu’il fut membre du Parti Congolais du Travail devait se savoir plus important que son chef de service. (Justin Gandoulou idem P.119.). Alors quel bilan ou jugement peut-on tenir face aux changements opérés par la révolution des 13 14 ET 15 août 1963 cinquante ans après ? Il n’est pas injuste d’affirmer que le laisser-faire né, par voie de conséquence, du nouveau mode de vie décrété par la soi-disant révolution de 1963 est cette période au cours de laquelle les mœurs ont connu au Congo-Brazzaville un profond relâchement. Ce relâchement est tel qu’aujourd’hui, l’oisiveté qui est, dans une certaine mesure, entretenue du fait de l’abandon ou d’un manque d’encadrement sérieux de la jeunesse congolaise par les instances étatiques devient la règle et une des causes de perdition de celle-ci. L’alcool, le sexe, la sape, deviennent des centres d’intérêt d’une jeunesse qui est en perte de vitesse. D’une jeunesse congolaise qui, malgré elle, est aux abois par manque de repères et surtout d’orientation sociale, morale et spirituelle. Et ce n’est que chose exacte lorsque le professeur Gandoulou relève, « On voit ici, les conséquences de modèles importés dans un environnement social et culturel particulier dont les nouveaux maîtres du pays ne maîtrisaient pas efficacement les contours ». En somme, cette inadéquation a engendré une sorte de désordre et de confusion dans bien de domaines dont celui de l’éducation qui avait été fortement atteint. Cela s’était traduit par une crise sociale et culturelle, une sociopathie entendue comme maladie de la socialité. (Gandoulou idem P.120.) TAATA N’DWENGA