Avec huit publications (2) à son compte, le jeune poète Gaëtan Ngoua étonne les amateurs de la littérature. Bruits des lendemains qui se remarque par sa spécificité métaphorique, nous rappelle, à certains moments, quelques reflets imagés des précurseurs de la poésie congolaise.
Bruits sans lendemains se lit comme une somme de textes de poésie dont le regard de l’auteur est tourné vers l’avenir. Ce dernier se veut humaniste à travers un optimisme qui interpelle le social et le sociétal de son peuple fondés sur la philosophie du bien-être et du vivre-ensemble. L’homme, le temps accouplé à la nature, définissent la pensée de Gaëtan Ngoua.
Bruits des lendemains : une poésie humaniste
Au centre de la poésie de Gaëtan Ngoua, se révèle l’homme optimiste, loin des sentiments négatifs de la société qu’il voudrait saine. Sa poésie apparait comme un rêve qu’il essaie de mettre en valeur à travers son moi-pluriel : « Notre labeur face à l’histoire / N’est plus de polir la vérité / Mais de la prémunir du mensonge inutile / Qui perfore les espoirs de l’homme » (p. 33). Le poète ne voit pas le monde de l’extérieur mais globalement de l’intérieur en se confrontant au destin de l’humanité. Du « je » qui souvent définit la subjectivité de la pensée de tout poète, Gaëtan Ngoua le remplace par le « nous » qui n’est pas loin du « on » collectif qui s’apparente à l’homme en général. A travers le « nous », le poète se place dans la société des hommes dont il voudrait corriger les défauts : « Une seule devise est à ressasser : humanité, humanité, humanité / Contre les clubs de l’argent, / Brandissons la vie, / Contre sa furie, / Crions l’homme d’abord » (p.37). La poésie de Gaëtan Ngoua tourne autour de l’homme dans toutes ses dimensions dont il semble connaitre quelques paramètres sociaux et sociétaux : « De l’homme / L’homme ne capte que les ombres / (…) Montrez-moi l’homme qui connait l’homme / Je vous dévoilerai son ignorance » (p.40). Avec Gaëtan Ngoua, la poésie cesse d’être incisive et engagée au sens révolutionnaire du terme. Fini avec lui « un poème dans la poche, un fusil dans la main ». Pas d’univers violents. Avec Bruits des lendemains, la poésie s’avère plutôt engageante moralement dans un optimisme plus ou moins explicite : « Mais le pays qui brille n’est plus celui-là, / Le pays qui brille sera bien là. / Il est non loin de là / Presque sous nos bras »(p.56). Dans l’affirmatif, le poète observe l’avenir d’un ton interrogatif devant l’optimisme du destin qu’il dévoile dans certains textes : « Faire la guerre est-il plus facile qu’aimer les hommes ? / Tuer les gens est-il plus facile que faire la paix ? / Se chamailler est-il plus facile que dialoguer ? / Fabriquer des armes est-il plus facile que semer du grain ?» (p.45).
Bruits des lendemains, une poésie chaste car n’ayant aucun regard vers la femme érotique comme on le constate généralement chez les artistes. La femme chez Gaëtan Ngoua s’écarte de l’image que lui donne par exemple Baudelaire dans Les fleurs du mal et plus près de nous celle de la femme-amour de Jean baptiste Tati Loutard des Racines congolaises et de L’envers du soleil. Avec Gaëtan Ngoua, nous avons une écriture non sexuelle.
Bruits des lendemains : entre temps et nature
L’environnement influencé par le temps et la nature, n’échappe pas au poète. Ces deux éléments vitaux qui accompagnent en général l’écrivain africain se révèlent dans quelques textes de Bruits des lendemains : « Sur les têtes des montagnes et des arbres affolés, / Des colonnes de brouillard s’entrelacent / Comme des nappes de fumées en colère survolent / Des coiffes de forêts violées » (p.50). Et un peu plus loin, on peut lire à travers le mariage entre le temps et la nature : « J’aime le temps qui mûrissent les modes, / J’aime les soleils qui luisent les hivers / J’aime les déserts qui honorent les oasis » (p.85).
Un clin d’œil à l’Afrique
Rares sont les poètes qui ne chantent pas le continent. Dans sa poésie, Gaëtan Ngoua a « un mot pour [son] Afrique » (82) qu’il regarde, impuissant, en train de subir les affres de l’exploitation de la main sale de l’Histoire : « Afrique de la vigueur desséchée / Par des viols perpétuels » (p.83). Mais le poète ne désespère pas et pense que le rêve prophétique est possible : « Rêve Afrique, et coups de trêves / Rêve Afrique, pour que tu sois maître de l’arène » (p.84).
Le poète et l’image de la mort
L’optimisme qui a traversé presque tous les textes de l’ouvrage se voit confronté dans sa clausule à la thématique de la mort dans les deux derniers poèmes. Dans « Canonisation », le poète s’insurge contre la Bêtise humaine quand il s’exclame : « Comptabilisez mes morts inutiles / Rassemblez mes martyrs fortuits » (p.95). On voit comment, marqué par l’absurdité de la vie qui devient mort, le poète s’approprie de ces morts anonymes.
Bruits des lendemains, un ouvrages qui nous fait revivre l’écriture métaphorique de Jean Baptiste Tati Loutard, loin de l’acidité de Maxime Ndébéka et de l’hermétisme de Tchicaya U Tam’Si. Nous revient dans la poésie de Gaëtan Ngoua le souffle loutardien quand il nous rappelle « L’ombre à l’horizon [qui] exhibe tendrement / Ses plus belles et douces gencives (…) / Elle avait cru que la nuit était moins épaisse / Aux frontières des brouillards qui embrassaient le soleil » (p.18).
Pour conclure
Avec ce sixième ouvrage, l’auteur confirme sa place prépondérante dans le cénacle des poètes congolais Par sa fécondité qui s’est agréablement manifestée au cours de ces trois dernières années, il peut se considérer, sans ambages, comme un poète des lendemains littéraires glorieux de son pays.
Noël Kodia-Ramata
(1) Bruits des lendemains, éd. Renaissance africaine, France, 2018, 96 pages, 19€(2) Rêves candides, éd. St Honoré, France, 2016, C’est urgent, éd. Cana, Paris, 2017, Mon doux peuple, éd. Cana, Paris, 2017, Ode pour mon enfance, éd. Renaissance africaine, France, 2018, À la cueillette des voies lactées, éd. Renaissance africaine, France, 2018, Sentiers d’espérance, éd Renaissance africaine et Mi fleuve, mi-mer, éd. de la Fleuvitude.