La Délégation de l’UE et la BEI renforcent leur action en faveur du secteur privé marocain

La Délégation de l’UE et la BEI renforcent leur action en faveur du secteur privé marocain

La Délégation de l’Union européenne au Maroc et la Banque européenne d’investissement (BEI) ont annoncé le renforcement de leur action en faveur du secteur privé marocain. Annonce en a été faite lors de la Fête de l’Europe célébrée par les deux institutions, mercredi 24 à Casablanca, avec le secteur privé européen et marocain. L’engagement pris par la Délégation de l’UE et la banque de l’Union européenne vise à « mieux répondre aux besoins de financement et de développement des entreprises marocaines », ont indiqué les deux partenaires du Maroc dans un communiqué conjoint. A noter qu’en marge de cet événement, la BEI a aussi signé un protocole d’accord avec l’Association marocaine pour l’industrie et la construction de l’automobile (AMICA). « L’objectif de cette nouvelle signature est d’impulser une dynamique de coopération qui permettra à des partenaires privés et institutionnels de s’associer à cette initiative dans le secteur clef que représente l’industrie automobile pour l’économie marocaine », selon ledit communiqué. A travers ce nouvel accord, la banque de l’Union européenne « réaffirme avec force son soutien aux entreprises marocaines afin de leur donner les moyens de se développer au Maroc comme à l’international, tout en donnant de nouvelles opportunités d’emploi aux marocains », a-t-on souligné de même source. Pour rappel, le Maroc est le deuxième plus important bénéficiaire des financements de la Banque européenne parmi les pays voisins du sud de l’Europe avec 25% des investissements totaux de l’institution financière dans la région. « La BEI a consacré depuis 2007 près de 5 milliards d’euros d’investissements à la mise en œuvre de nouveaux projets dans des secteurs clés de l’économie marocaine tels que le secteur privé et le soutien aux entreprises, le transport urbain, l’énergie, l’eau et l’assainissement, l’éducation des jeunes », a-t-on précisé. Célébrée en coopération avec l’Union des Chambres de commerce et d’industrie européennes (EuroCham Maroc), la fête de l’Europe intervient cette année à un moment très important dans les relations entre le Maroc et l’Union européenne, marqué par la venue en début d’année au Maroc de Federica Mogherini (les 16 et 17 janvier derniers). En effet, l’entretien de la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et vice-présidente de la Commission européenne avec Sa Majesté Mohammed VI a marqué la relance du partenariat entre le Maroc et l’UE. « La volonté est maintenant de hisser les relations à un niveau encore plus élevé d’ambition partagée dans tous les domaines d’intérêt commun, parmi lesquels figurent l’économie, le commerce et l’investissement, le développement du secteur privé », peut-on lire dans le communiqué. S’adressant au secteur privé européen et marocain, l’ambassadeur de l’UE au Maroc, Claudia Wiedey, a déclaré : « Vous êtes au cœur de la relation entre l’Union européenne et le Maroc. Nous avons besoin de travailler main dans la main, Union européenne, BEI, EuroCham Maroc, pour faire en sorte que la relance du partenariat entre le Maroc et l’Union européenne soit porteuse d’encore plus de prospérité partagée », tout en les assurant d’être à leur « disposition, mais aussi à votre écoute ». Outre l’ambassadeur de l’UE au Maroc, soulignons que la fête de l’Europe a été célébrée en présence de la représentante de la BEI au Maroc, Anna Barone, du président d’EuroCham Maroc pour l’année 2019, Mazen Sowan ; des présidents des huit Chambres de commerce et d’industrie membres d’EuroCham Maroc ainsi que de nombreuses personnalités du monde économique et diplomatique. Alain Bouithy

Tarik El Malki : Le secteur privé doit cesser de tout attendre de l’Etat

Tarik El Malki : Le secteur privé doit cesser de tout attendre de l’Etat

Directeur du développement, des relations internationales et de la recherche à l’Institut supérieur de commerce et d’administration des entreprises (ISCAE), Tarik El Malki a longtemps travaillé sur le modèle économique marocain. Dans cet entretien, il revient sur l’expérience chinoise dont le représentant diplomatique, Li LI, a exposé le mois dernier le modèle aux étudiants de ce prestigieux Institut académique public, et livre ses impressions sur celui du Maroc. Les progrès que connaît la Chine sont le fruit d’un profond travail ponctué de réformes et marqué par la transformation de son système économique. Que vous inspire son modèle économique? Tarik El Malki : Le modèle chinois est basé sur la persévérance, la conscience, l’endurance et la volonté. C’est un pays qui nous donne une formidable leçon de mutation et de transition économique depuis 40 ans. On est passé, comme l’a souligné l’ambassadeur Li Li, d’un système régi par le socialisme planificateur à un nouveau système basé sur ce qu’ils appellent là-bas l’«économie de marché socialiste ». Je trouve ce concept très intéressant dans la mesure où les Chinois sont parvenus à créer leur propre modèle. Un modèle hybride qui est basé sur un Etat planificateur et centralisateur régi par ses propres règles, tout en étant en phase avec les mutations mondiales caractérisées par la mondialisation. L’Etat chinois a muté en passant à un Etat stratège qui pratique ce que j’appellerais un interventionnisme intelligent qui établit des règles, lutte contre la corruption et promeut un certain nombre de secteurs d’activité nouveaux. Les Chinois sont pragmatiques. Ils ont compris avant tout le monde qu’il fallait s’adapter à un nouvel ordre mondial. Ce nouveau modèle de développement, qui est initié par le président Xi Jinping, est basé sur un certains nombre d’éléments ; l’économie a bénéficié des transferts technologiques de par l’attractivité qu’exerce la Chine en matière d’investissement direct étranger (IDE) et ce pays a réussi à élever son taux d’intégration dans les chaînes de valeur mondiale. Aujourd’hui, la Chine est leader dans les technologies d’information et, comme l’a rappelé l’ambassadeur, l’un des premiers au monde dans les infrastructures routières, autoroutières, les chantiers navals et les barrages hydroélectriques, etc. C’est assez impressionnant le bond en avant qu’a fait la Chine dans ces secteurs-là. Le plus important pour nous, et ce dont le Maroc doit véritablement s’inspirer, c’est le rôle du capital immatériel à travers l’investissement dans l’innovation et l’éducation. Vous avez longtemps travaillé sur le modèle économique marocain. Notre pays doit-il, selon vous, s’inspirer du modèle chinois ? On ne peut pas développer une économie sans politique d’innovations volontariste et efficace, sans un système d’éducation très performant. La Chine est l’un des premiers au monde en matière d’enseignement supérieur, que ce soit en termes de quantité ou de qualité. Les business schools chinoises sont dans leur grande majorité conformes aux standings internationaux. Et donc, ce qu’on essaie de faire modestement au niveau de l’ISCAE, c’est de développer des partenariats, des échanges culturels avec un certain nombre de business schools chinoises pour justement accompagner ce modèle de développement. L’ISCAE s’engage aussi dans ce processus d’accréditation internationale qui lui permettra demain d’être conforme aux meilleurs standards. Donc, le Maroc doit s’inspirer de cette nouvelle politique et continuer ce qu’il fait aujourd’hui au niveau de sa politique industrielle et de ses partenariats avec la Chine et l’Afrique. Il doit également promouvoir l’éducation nationale, l’innovation et la lutte contre la pauvreté et les disparités territoriales. Ces actions constituent un véritable levier de développement de la Chine, comme l’a rappelé l’ambassadeur en affirmant: « L’objectif est d’éradiquer la pauvreté totalement d’ici 2020 ». Donc, c’est une belle leçon pour le Maroc. Cela dit, il n’est pas question de calquer ce modèle à l’identique, mais de s’inspirer de ses meilleures pratiques et de les adapter à notre contexte et à notre temps. La Chine a consacré les quatre dernières décennies à d’importantes réformes avant de voir son économie se hisser au niveau mondial. En la matière, diriez-vous que le Maroc a perdu du temps ? Le Maroc a effectivement perdu du temps. Il faut être conscient, honnête et dire, bien évidemment, que nous avons perdu trop de temps. Le capitalisme marocain a longtemps été bâti sur l’économie de rente et le clientélisme. Le secteur privé marocain est biberonné par l’Etat à travers des subventions et des incitations. Il est extrêmement peu offensif et prend très peu de risques. Donc, il faut opérer un changement des mentalités. J’insiste là-dessus, le secteur privé marocain doit changer de manière radicale et cesser de tout attendre de l’Etat. Il doit assumer ses responsabilités. Au lieu d’être en permanence en train d’attendre des subsides de l’Etat qui ne peuvent plus venir, qu’il prenne son destin en main et s’insère de manière beaucoup plus mature dans le processus de mondialisation. Pour cela, il est impératif qu’il fasse sa propre mue et prenne ses responsabilités et des risques. Je pense que le secteur privé marocain doit jouer son rôle de manière mature et responsable. Il est temps donc qu’il sorte de la tutelle de l’Etat. Propos recueillis par Alain Bouithy