RD Congo. D’où vient le vrai malheur du Kongo central ?

TRIBUNE. Au terme de cette année 2021, je ne peux passer sous silence une préoccupation qui a taraudé jour et nuit ma réflexion : quels sont au juste les ressorts de la crise qui secoue la province du Kongo central? Quelles sont les raisons profondes de sa descente aux enfers? Après analyse approfondie, j’ai pu comprendre que ces raisons sont de trois ordres.

1. Des raisons d’ordre économique.

L’organisation économique d’une entité administrative étant devenue le moteur de son développement intégral, le Kongo Central n’a pu faire mieux suite au comportement machiavélique du pouvoir central de Kinshasa qui depuis Kabila jusqu’au régime actuel, prive sciemment cette province de son dû. Tout le monde sait que la nouvelle constitution de 2006 a établi la loi de rétrocession à l’avantage de chaque province de 40 % de ses recettes financières. Le pouvoir central bafoue cette loi et refuse d’honorer ses engagements vis-à-vis de la province qui se voit plombée dans sa politique de redressement économique.

Contrairement au contrat de départ de gestions de grandes entreprises locales comme cela se fait ailleurs comme au Katanga où la province bénéficie d’un pourcentage consistant des exploitations minières, le pouvoir central refuse également d’accorder cette prérogative à la province du Kongo central via les redevances pétrolières ( PERENCO) et celles du Pont Maréchal et du péage de la Nationale numéro 1.

A ce facteur qui paralyse totalement la croissance économique de cette entité administrative, il faut ajouter la gestion opaque et douteuse par l’autorité locale des restes des miettes qui entrent dans la caisse provinciale. Chaque dirigeant place à la tête de cette province sait bien qu’il est sur une chaise éjectable et doit graisser la pâte aux ministres du gouvernement central et à d’autres décideurs politiques de Kinshasa s’il tient vraiment à garder son poste. D’où la gabegie financière indescriptible qui se produit dans le sens vertical (corrompre le pouvoir de Kinshasa pour obtenir son soutien) et dans le sens horizontal (corrompre les députés pour s’épargner d’une motion de destitution).

2. Des raisons d’ordre stratégique.

C’est depuis des années que les crises profondes se succèdent le uns après les autres soit à la tête de l’exécutif provincial ( mort brutale et non élucidée du gouverneur Mbadu; le scandale du sextape; le rapport de l’IGF sur les détournements des millions de dollars et le mandat d’arrêt sans suite contre le gouverneur et ses proches suivi de la récente humiliation du gouverneur menotté et embarqué sur une moto comme un malfrat). Puis vient le tour de l’assemblée provinciale dans ses guerres interminables avec l’exécutif provincial ou dans ses bisbilles au sein d’une assemblée divisée en deux camps et dont l’issue a abouti à la défenestration de Matusila provoquant elle-même la division profonde du peuple ne Kongo qui se regarde désormais en chiens de faïence selon qu’il est de telle obédience ou d’une autre.

Le plus important dans l’analyse de ces crises est de comprendre qu’elles sont volontairement entretenues à partir de Kinshasa qui a pris goût à instrumentaliser les dirigeants de cette province avec l’objectif caché d’affaiblir leur légitimité et leur autorité en vue d’exercer un contrôle total sur eux et de tirer un large profit économique de ce chaos indescriptible. Dans leur tête, le Kongo central doit rester leur vache à lait pour financer la caisse de la campagne électorale. Ils sont prêts à tout pour empêcher toute solution pacifique qui permettrait à la province de fonctionner normalement. L’intérim de l’actuel gouverneur qui était prévu pour un mois est volontairement prolongé sans délai légal et Kinshasa souhaite perpétuer ce chaos jusqu’en 2023 car il lui est très utile dans sa stratégie de diviser pour mieux régner et tirer des dividendes économiques importants pour enrichir des poches des ministres et renflouer la caisse de la prochaine campagne électorale.

3. La responsabilité du peuple ne kongo.

Dans l’environnement d’un nouveau monde multipolaire et multiculturel dans lequel nous a précipités la chute du Mur de Berlin et avec l’arrivée inattendue du pouvoir AFDL qui a eu a étudier les ne kongo et identifier leur talon d’Achille dans leur attitude trop tournée vers leur passé « glorieux » et trop imbue de conflits latents entr’eux, les nouveaux occupants du Congo et leurs complices congolais ont trouvé la faille pour contrôler ce peuple. Il joue si bien le jeu de les opposer les uns aux autres que la province tout entière a perdu le bon cap de son avenir.

Devant l’incurie entretenue par Kinshasa à la tête de la province, la population locale a commis la grave méprise de se ranger dans un camp contre un autre; soit dans le camp du gouverneur contre le vice-gouverneur soit dans le camp de l’ancien président de l’Assemblee provinciale contre l’actuel. La population a ignoré que la plupart de ses représentants ci-haut cités sont devenus de simples pantins de ceux qui tirent des ficelles à Kinshasa. Les ne kongo se livrent la guerre entre eux pendant que le véritable ennemi de cette province réside à Kinshasa, cet ennemi qui encourage ces querelles pour se donner les moyens de venir tout rafler des richesses de leur province sans en restituer le pourcentage exigé par la loi. Ce peuple pleurniche à longueur des journées alors que son DEVOIR CITOYEN devrait consister à s’attaquer avec acharnement aux causes profondes de la crise par des voies de droit.

Il n’est pas encore trop tard de redresser la tête et de faire de 2022, l’année de réveil patriotique en vue de mettre en place une nouvelle dynamique locale qui fasse bouger les lignes. Ni la liberté ni la prospérité ne s’offrent comme un cadeau à une province ou à un pays. Elles s’arrachent par un combat acharné d’un peuple qui demande d’être rétabli dans ses droits. À nous de ne plus nous tromper du visage de vrai ennemi de cette province. À nous de choisir entre l’option de vivre une nouvelle année de servitude et de misère ou celle de nous unir autour d’un seul et même objectif provincial en vue de nous ouvrir à l’aube nouvelle d’une province qui décolle! Un Kongo central bien géré et prospère serait une bénédiction pour tout le Congo Kinshasa.

Par Germain Nzinga

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