L’Afrique renoue avec les régimes militaires et principalement avec le retour des « néo-souverains » en treillis sur la scène politique. Pour le Directeur Afrique du Centre international de recherches sur la prévention des enfants soldats de Dakhla (Maroc), Willy Didié Foga Konefon, l’irruption des militaires traduit « un malaise social générationnel profond ».
Qu’il s’agisse de putschs militaires ou de « révolution de palais », ces irruptions traduisent les symptômes d’une véritable « pathologie politique » et un nouveau tournant historique de l’émancipation des peuples noirs, a-t-il déclaré dans un entretien accordé à Lopinion
Ainsi, pour Willy Didié Foga Konefon, par ailleurs enseignant-chercheur au département d’Histoire (Spécialisation Relations Internationales) de l’Université de Douala et membre de plusieurs sociétés savantes, tout laisse croire que le continent africain renoue avec les régimes militaires et principalement avec le retour des « néo-souverains » en treillis (Général, colonels et capitaines) sur la scène politique.
Analysant ce qui s’est passé avec l’éviction d’Ali Bongo à la tête du Gabon, le 30 août 2023 par la junte militaire portée par le Général Brice Oligui Nguema, le chercheur évoque plusieurs registres d’analyses à la fois historiques, sociaux, psychanalytiques soulignant d’emblée que « le Gabon était un magma social latent qui attendait juste une étincelle pour faire jaillir un feu dévorant ».
En outre, poursuit-il, les manifestations dans la rue de Libreville et de Port-Gentil, ponctuées par la révolte des populations relativement aux évènements post-électoraux de 2016 après la « victoire du parti PDG » sur celui de son rival politique, Jean Ping, qui consacrait Ali Bongo comme vainqueur de l’élection présidentielle, étaient déjà fort révélatrices du complexe psychique des Gabonais dans ce temps social et politique agité.
Par ailleurs, l’incapacité physique d’Ali Bongo, suite à son accident vasculaire cérébral survenu en octobre 2018, a constitué un handicap sérieux à sa puissance pour gouverner le Gabon ces dernières années. C’est dire que l’idée de briguer un troisième mandat était sur le plan analytique, la preuve d’une cécité politique et de tout son « brain-trust », a estimé Willy Didié Foga Konefon faisant par la suite remarquer que « les Gabonais en avaient assez de voir à la tête de leur pays un homme physiquement malade et incapable de répondre aux besoins sociaux urgents de son peuple ».
Poursuivant son analyse, le chercheur a également évoqué « l’accentuation des inégalités sociales, le taux de chômage grandissant et le favoritisme qui étaient des traits caractéristiques de la gouvernance ces dernières années ».
D’après ce dernier, tout ceci a constitué « un cocktail social explosif latent ». Car, les Gabonais ne comprenaient qu’un Etat pétrolier aussi riche que le leur et aux ressources naturelles très variées avec une population pas si importante puisse croupir dans la pauvreté, être en manque d’hôpitaux sérieux, d’infrastructures de pointe, d’Universités arrimées aux normes de la mondialisation.
Rien donc de surprenant si « le renversement d’Ali Bongo et de ses proches a été accueilli avec enthousiasme par le peuple gabonais qui se sentait frustré et victime de l’ancien ordre », selon Willy Didié Foga Konefon persuadé que les liesses populaires observées dans les villes de Port-Gentil, Libreville, Lambaréné, Bitam et Oyem, le jour du renversement et les journées suivantes, ont témoigné des régimes pulsionnels des Gabonais.
Adrien Thyg