Vers des projets d’envergure de la BAD en faveur des producteurs africains de cacao

La Banque africaine de développement (BAD) se prépare à apporter une aide d’envergure aux producteurs africains de cacao afin d’améliorer dans les prochaines années la production de cette matière première sur l’ensemble du continent.

La Banque envisage ainsi d’aider le Ghana et la Côte d’Ivoire, premier producteur et exportateur mondial de cacao, à réduire la volatilité des cours internationaux de ce produit. Suite à des négociations actuellement en phase finale entre le Ghana et la Côte d’Ivoire portant sur un soutien de la BAD, une décision définitive devrait être annoncée dans les tout prochains jours.

Certains accords importants ont d’ores et déjà été conclus après des réunions de haut niveau entre, d’une part, les gouvernements des deux pays et, d’autre part, le président de la BAD, Akinwumi Adesina.Entre autres mesures, la Banque a accepté d’aider les pays à mettre en place un fonds de stabilisation et un organisme de réglementation des marchés du cacao qui permettront d’en gérer la production.

La BAD a également accepté de collaborer avec ces deux pays dans le but de mettre en place un fonds d’industrialisation destiné à développer encore plus le secteur du cacao. Après son installation effective, ce fonds facilitera le développement des marchés régionaux pour les produits dérivés et le traitement d’autres produits à l’échelon national pour les fournir ensuite à des espaces régionaux africains ciblés. L’objectif général est très clairement de stimuler et de développer la consommation.

Dans cette optique, les deux pays ont soumis une demande conjointe pour l’obtention de 1,2 milliard de dollars EU pour le financement de projets répondant à une préoccupation commune : s’attaquer à la maladie du gonflement des rameaux des cacaoyers ; bâtir des installations de stockage et d’entreposage ; encourager la transformation et la consommation ; mettre en place une bourse africaine du cacao et créer un fonds de stabilisation.

Le président de la BAD, M. Adesina, a souligné l’engagement de la Banque à cet égard au cours d’une visite de travail de trois jours effectuée du 1er au 3 août 2017 au Ghana. A cette occasion, il a fait ressortir que bien que Ghana et la Côte d’Ivoire produisent 64 % du cacao mondial, ces deux pays ne jouent aucun rôle dans le contrôle du marché. Il a évoqué les projets de la Banque visant à les aider à transformer l’industrie du cacao et à créer davantage d’emplois et de richesse à partir de ce produit.

« La BAD a reçu une demande de financement de 1,2 milliard de dollars EU de la part du ministère de l’Agriculture du Ghana et du Conseil du café-cacao de la Côte d’Ivoire. Nous envisageons la construction d’entrepôts permettant de stocker le cacao afin qu’il ne soit pas nécessaire de le vendre immédiatement après la récolte », a-t-il affirmé.

Le président de la BAD a déclaré que la mise en place prochaine d’un fonds de stabilisation des cours est destinée à faire face à la volatilité des cours, mais aussi à refinancer d’anciennes plantations de cacao.

« Une partie du prêt financera également la construction d’entrepôts modernes de stockage, la remise en état d’exploitations agricoles et la lutte contre les maladies, notamment à travers les versements d’indemnités aux propriétaires de cacaoyers détruits par la maladie, d’origine virale, du gonflement des rameaux », a-t-il expliqué.

« Le Ghana doit occuper la première place dans la chaîne de valeur du cacao en transformant et en ajoutant de la valeur à ce qu’il produit », a affirmé M. Adesina.

Il a également souligné que le Ghana doit travailler en collaboration étroite avec d’autres pays, notamment la Côte d’Ivoire, pour faire en sorte que l’Afrique joue un rôle plus important dans le processus de production de cacao.

« Nous devons nous servir de l’agriculture pour créer de la richesse pour nos agriculteurs. Pour cela, nous devons nous assurer que nous ajoutons de la valeur et que nous transformons tout ce que nous produisons. L’agriculture n’est pas un mode de vie. C’est une industrie », a martelé le président de la BAD.

Pour sa part, le président-directeur général du Conseil ghanéen du cacao (COCOBOD), Joseph Boahen Aidoo, a souligné la nécessité de stimuler la consommation locale dans le cadre des efforts à mener pour accroître la production. S’exprimant à l’occasion de la visite du président de la BAD à la Cocoa Processing Company (CPC), à Tema, une ville proche d’Accra, il a rappelé que l’Afrique consomme très peu de cacao. Le Ghana, a-t-il dit, est un exemple de pays producteur de cacao dans lequel la consommation est très faible.

« La valeur ajoutée est pour nous le seul moyen de participer au marché. Actuellement, les cours internationaux sont établis soit à la Bourse de New York ou à la Bourse de Londres. Nous n’avons pas voix au chapitre », a regretté le PDG du COCOBOD.

Il a insisté sur le fait que les cours du cacao ont chuté de 40 % au cours des six derniers mois, en passant d’environ 3 000 dollars EU la tonne à une moyenne de 1 900 dollars EU la tonne.

« La seule issue face à la volatilité des cours, a-t-il expliqué, c’est d’améliorer la transformation et la production locale ».

De son côté, le ministre des Finances du Ghana, Ken Ofori-Atta, a demandé un soutien qui permettrait d’accroître les revenus tirés de ce produit.

« Entre nous et la Côte d’Ivoire, nous contrôlons 60 à 70 % de la production de cacao dans le monde. Mais nous sommes restés ceux qui sont forcés d’accepter les prix proposés. Cette situation, qui n’aurait pas dû pas se produire, veut dire qu’en réalité nos dirigeants n’ont pas travaillé ensemble. Nous nous réjouissons du fait que le président de la BAD intervienne pour nous aider. Nous travaillons ensemble désormais pour examiner comment nous pouvons transformer le secteur », a ajouté M.Ofori-Atta.

Il a souligné que les deux pays devraient collaborer pour changer la situation relative au cacao.

Ken Ofori-Atta a également fait remarquer que bien que les semences de cacao génèrent à elles seules un chiffre d’affaires de 140 milliards de dollars EU, l’Afrique en tire un revenu très faible.

« Le Ghana et la Côte d’Ivoire sont en train de préparer un ensemble d’idées pour voir comment nous pouvons stabiliser les cours et nous assurer que nous obtenions à l’avenir de meilleurs prix pour changer le sort de nos agriculteurs. Nous devrions être en mesure d’offrir à nos agriculteurs des prix compétitifs », a-t-il estimé.

Enfin, le ministre de l’Agriculture du Ghana, Owusu Afriyie Akoto, a déclaré que son gouvernement travaille à la remise en état d’entrepôts existants pour offrir des espaces de stockage aux négociants privés. Ce qui permettra, à terme, d’encourager l’achat du produit directement dans les exploitations. Il s’est par ailleurs montré reconnaissant envers la BAD pour son aide.

En réponse, Akinwumi Adesina a réitéré le soutien de la Banque et a promis qu’il s’étendrait prochainement à d’autres pays africains producteurs de cacao comme le Nigeria, le Cameroun et le Togo.

Le cacao est une culture d’importance stratégique en raison de son apport important aux recettes d’exportation du Ghana. Il est principalement cultivé par de petits exploitants disposant en moyenne de deux hectares par exploitation. Seulement 10 % des quelque 800 000 hectares cultivés le sont par de grandes exploitations commerciales.

Le broyage du cacao permettant d’obtenir le produit primaire à base de cacao utilisé pour la confiserie et la fabrication est effectué à l’extérieur du pays, à l’exception de petites unités locales de broyage comme la Cocoa Processing Company, une filiale de COCOABOD.

La sous-filière du cacao est aujourd’hui négativement impactée par une défaillance des politiques et des marchés ainsi que par un faible apport de biens publics de première importance aux niveaux national et régional. On en arrive ainsi à des cours peu élevés et volatiles au niveau international et à la sortie des exploitations. Les conditions de production sont aggravées par la maladie du gonflement des rameaux du cacaoyer, d’origine virale.

De fait, tous les effets positifs de réformes comme les augmentations de rendement sont réduits lorsqu’on tient compte de la faiblesse des cours, avec pour résultat des réformes qui profitent aux pays consommateurs au détriment des exploitants locaux. Les activités de négoce et de transformation sont menées par quelques entreprises alors que la production de fèves de cacao est dominée par un grand nombre de petits exploitants.

Le cours des fèves de cacao est établi dans les maisons de négoce à New York, Londres ou Genève (car il n’existe que peu d’acheteurs), créant ainsi des conditions qui permettent aux négociants et aux transformateurs de confisquer les prix au détriment des planteurs de cacao.

Les gouvernements de la Côte d’Ivoire et du Ghana se sont réunis au niveau ministériel pour agir rapidement afin de remédier à la volatilité des cours internationaux. Parmi les points abordés, figurent la mise en application de la valeur minimale ajoutée plutôt que la vente pure et simple de fèves de cacao ; la stimulation de la consommation locale et régionale de cacao et l’étude de la taille du marché régional en faisant la promotion de produits dérivés du cacao autres que le chocolat.

La BAD met en place actuellement des équipes d’experts pour effectuer une mission d’évaluation dans les deux pays.

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