
TRIBUNE. Ce matin de vendredi 26 février 2021, le continent africain célèbre un triste anniversaire : celui qui a scellé le destin des peuples africains dans une charte qui les a divisés pour mieux les soumettre et qui a mis à genoux l’avenir du Congo d’une façon toute particulière.
Contrairement au sort réservé aux autres pays africains, le Congo était au centre des appétits gloutons des puissances en réunion autour d’Otton Von Bismarck, l’empereur prusso-allemand. Pendant que tous les nouveaux états africains seront confiés à la gestion des métropoles bien précises, le Congo va connaitre un traitement spécial. Dans les apparences, il sera considéré comme la propriété du roi des belges de 1885 à 1908 puis comme une colonie belge de 1908 à 1960. Ceci n’est que le côté cours de la diplomatie internationale.
En réalité, le Roi Léopold obtint ce privilège d’administrer le territoire congolais, 32 fois plus vaste que son royaume, comme simple intendant dans la mesure où les richesses de ce pays n’appartenaient à personne ni à aucune puissance. L’article 5 de l’Acte de Berlin disposait qu’aucune puissance ne pouvait prétendre détenir le monopole ou le privilège d’aucune espèce en matière commerciale sur les richesses congolaises. Le royaume de Belgique ne détiendra ainsi que d’un simple droit de surveillance.
De cette manière, quand l’on parle de “l’ouverture de l’embouchure du fleuve Congo à tous”, c’est bien là un euphémisme pour parler au vrai d’une COLONIE INTERNATIONALE où seront engloutis de gros investissements de multinationales de l’époque, telles Unilever, la banque Rothschild, Rockefeller etc. et que tous les étrangers jouiront indistinctement dans le bassin du Congo, pour la protection de leurs personnes et de leurs bien, de leurs propriétés mobilières et immobilières, et pour l’exercice de leurs fonctions du même traitement et des mêmes droits que des nationaux. C’en fut bien le cas et c’en est encore ainsi de nos jours.
La Belgique n’a jamais géré toute seule le Congo sinon avec l’aide de la Troïka au sein de laquelle elle fait figure de nain. Le fait que cet Acte instituant le Congo en propriété internationale n’appartenant pas aux congolais mais à un groupe des puissants de ce monde explique pourquoi chaque puissance occidentale se croit en droit de venir au Congo, de dicter sa ligne sur la politique intérieure du pays, d’exploiter le sol et le sous-sol sans vouloir rendre des comptes à quiconque. L’article 3 de l’Acte de Berlin stipulant l’affranchissement de toutes marchandises en transit sur le bassin du Congo a donc scellé dès sa naissance le sort de ce nouvel État.
Cette logique des puissances occidentales, cosignataires de l’Acte de Berlin, commence à lever un pan de voile sur la crise qui perdure au Congo-Kinshasa depuis son indépendance (du reste nominale) en 1960 jusqu’à nous jours et l’interdiction qui lui est faite de se choisir des dirigeants à son goût suivant la volonté du souverain primaire. Même longtemps après le départ des colons, la logique de Berlin a réussi à dresser les dirigeants congolais contre leurs propres citoyens et à leur faire prendre plaisir de marcher sur leurs peuples et de les chosifier. Si ce texte scélérat de Berlin n’est pas remis en question d’une manière expresse, il ne faudra pas espérer conquérir la souveraineté du Congo par la voie des urnes.
D’où mon appel à haute voix à l’élite congolaise de pouvoir reconsidérer le combat de libération du Congo dans son volet juridique. Outre le combat pour le Rapport Mapping, il faut creuser plus profond en vue de mettre à nu la logique souterraine qui permet aux multinationales via leurs proxies africains et congolais de se sentir de droit à piller le sous-sol du Congo et à clochardiser son peuple. Cet Acte de Berlin qui a encore pignon sur rue pour n’avoir jamais été aboli par ses signataires et concomitamment la loi fondamentale présentement en exercice sont tous deux élaborés hors du territoire national et pour des intérêts étrangers.
Qui dit mieux pour faire assumer pour toujours au peuple congolais sa posture favorite de servitude volontaire… Triste 136e anniversaire tout de même, il n’ y a pas de quoi fêter !
Par Germain Nzinga