Gabon : des experts de l’ONU préoccupés par le sort de travailleurs migrants indiens
Des experts de l’ONU ont exprimé leur inquiétude face aux informations crédibles reçues concernant la situation de migrants indiens travaillant pour la société indienne de bois Accurate International dans la zone économique spéciale de Nkok, au Gabon, à 27 kilomètres de Libreville. Cette situation pourrait s’apparenter à du travail forcé et à la traite d’êtres humains. Les informations concernent un groupe d’environ 40 travailleurs migrants indiens qui auraient été amenés au Gabon de manière trompeuse et se seraient vu confisquer leurs documents d’identité par la société, les empêchant ainsi de quitter la zone économique spéciale (ZES) ou le Gabon. Les travailleurs n’auraient reçu ni contrat écrit ni visa de travail valide, n’ont pas de temps de repos hebdomadaire, sont tenus de faire des heures supplémentaires excessives et reçoivent des paiements salariaux irréguliers. Les experts de l’ONU ont déclaré que ces conditions de travail précaires, les restrictions à leur liberté de mouvement et la confiscation de leurs documents d’identité par l’entreprise peuvent constituer des formes contemporaines d’esclavage et de traite des êtres humains. Les experts ont été en contact avec la société et avec les gouvernements gabonais et indien pour faire part de leurs préoccupations. « Nous appelons les gouvernements du Gabon et de l’Inde, ainsi que la société concernée, à enquêter de manière urgente et à remédier à la situation », ont-ils indiqué. Les experts ont rappelé que, conformément aux Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, toutes les entreprises devaient respecter les droits de l’homme dans toutes leurs activités, tandis que les États avaient le devoir de se protéger contre les violations des droits de l’homme commises par les entreprises. En tant qu’État hôte de la ZES, le Gabon doit protéger les individus contre les violations des droits de l’homme sur son territoire en prenant des mesures pour enquêter sur les infractions, les punir et les réparer. En tant qu’État d’origine de la société concernée, l’Inde devrait définir clairement les attentes de la part des sociétés domiciliées sur son territoire et sous sa juridiction de respecter les droits de l’homme dans toutes leurs activités. Obligation des États de protéger les droits de l’homme Les experts ont également souligné que l’utilisation des zones économiques spéciales (ZES) devait être alignée sur les normes internationales relatives aux droits de l’homme. Ces zones sont largement utilisées par de nombreux pays dans le cadre d’une stratégie visant à attirer les investissements étrangers et à accélérer le développement économique. Les organisations de la société civile, les syndicats et les organismes internationaux de défense des droits de l’homme ont régulièrement insisté sur le fait que la course aux investissements étrangers par le biais des ZES ne devait pas se traduire par un abaissement des normes en matière de droits de l’homme, de droits du travail et de protection de l’environnement. Les experts ont noté que l’obligation des États de protéger les droits de l’homme s’appliquait lorsqu’ils agissaient en tant qu’acteur économique pour la création de zones économiques spéciales. « Les États devraient travailler ensemble pour faire en sorte que les ZES ne deviennent pas des trous noirs pour les violations des droits de l’homme par les entreprises. Ces zones spéciales devraient plutôt être développées comme un modèle d’entreprise durable conforme aux normes internationales des droits de l’homme », a déclaré Surya Deva, Présidente du groupe de travail des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l’homme.
L’OIT annonce les lauréats du Concours mondial de presse 2018 sur la migration de main-d’œuvre
A l’occasion de la Journée internationale des migrants le 18 décembre, l’Organisation internationale du travail (OIT) a annoncé les quatre lauréats de son Concours de presse mondial 2018 sur la migration de main-d’œuvre. L’OIT a reçu plus de 250 candidatures en provenance de 72 pays. Le comité d’examen du concours a eu la difficile tâche d’établir une sélection parmi des contributions exceptionnelles. Un jury indépendant de quatre juges éminents a finalement choisi les quatre vainqueurs suivants dans les deux domaines thématiques: Migration de main-d’œuvre Sarah Haaij et Saskia Houttuin (reportage de presse): «Comment les tisserands du Burkina Faso sont maintenant en première ligne de la migration vers l’Europe ». Cet article s’intéresse aux différents aspects de la migration dans ce pays du Sahel, y compris aux efforts déployés pour créer des emplois décents sur place. Miguel Roth (Reportage photo/multimédia): «Les interrogations de Solomon ». Ce récit multimédia (en espagnol) présente Solomon, un Nigérian qui commence une nouvelle vie en Argentine et qui, malgré les difficultés rencontrées pour s’adapter à un nouveau pays et à une nouvelle langue, profite aussi des nouvelles possibilités qui s’offrent à lui. Recrutement équitable Sophie Cousins et un contributeur anonyme (reportage de presse), édité par Megan Clement: «Les travailleurs domestiques migrants dans les pays du Golfe seront-ils jamais à l’abri des pratiques abusives? ». Cet article livre le témoignage poignant de plusieurs travailleurs domestiques qui ont été victimes d’abus en travaillant dans les pays du Golfe et analyse les efforts déployés pour prévenir l’exploitation des travailleurs domestiques recrutés à l’étranger. Norman Zafra (Reportage photo/multimédia): «Le film d’Obrero ». Ce projet multimédia suit un groupe d’ouvriers philippins du secteur de la construction qui ont temporairement émigré à Christchurch, en Nouvelle-Zélande, pour aider à reconstruire la ville après le séisme de 2011. Le but de ce concours était de promouvoir un discours équilibré et une couverture de qualité sur la migration de main-d’œuvre et le recrutement équitable. Il entre en parfaite résonance avec la récente adoption du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, en particulier son sixième objectif, «Favoriser des pratiques de recrutement justes et éthiques et assurer les conditions d’un travail décent». Le concours promeut aussi les Principes généraux et directives opérationnelles de l’OIT concernant le recrutement équitable adoptés en 2016. «Les déplacements des migrants et des réfugiés occupent toujours une grande place dans les médias, quoique souvent présentés sous un jour négatif», rappelle Michelle Leighton, Cheffe du Service des migrations de main-d’œuvre de l’OIT. «Le Concours de presse mondial sur la migration de main-d’œuvre est l’un des moyens choisis par l’OIT pour favoriser une couverture équilibrée qui mette aussi en lumière l’impact positif des migrations quand les droits des travailleurs migrants sont protégés et les principes de recrutement équitables respectés». Ce concours de presse mondial est aussi une contribution directe à la campagne ENSEMBLE de l’ONU qui encourage à agir à l’échelle mondiale en promouvant la non-discrimination et en luttant contre la xénophobie montante à l’encontre des réfugiés et des migrants. Le concours était organisé en collaboration avec la Confédération syndicale internationale, l’Organisation internationale des employeurs, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, la Fédération internationale des journalistes, Equal Times, Solidarity Center, Human Rights Watch et Migrant Forum in Asia, ainsi que le Centre international de formation de l’OIT. Cette année, le concours a également bénéficié de l’appui des projets REFRAME et FAIR dans le cadre de l’Initiative de l’OIT sur le recrutement équitable .
Hausse du nombre de travailleurs migrants à l’échelle mondiale
Entre 2013 et 2017, le nombre de travailleurs migrants s’est accru de 9% à l’échelle mondiale atteignant 164 millions de personnes contre 150 millions il y a 5 ans. Près de 61% des travailleurs migrants se trouvent dans trois sous-régions: 23% en Amérique du Nord, 23,9% en Europe du Nord, du Sud et de l’Ouest et 13,9% dans les Etats arabes, selon l’Organisation internationale du travail (OIT). « Les autres régions qui accueillent un grand nombre de travailleurs migrants – plus de 5% – sont l’Europe orientale, l’Afrique subsaharienne, l’Asie du Sud-Est et le Pacifique, et l’Asie centrale et occidentale », a relevé l’OIT dans la deuxième édition de son rapport intitulé « Estimations mondiales concernant les travailleuses et les travailleurs migrants ». Dans ce document rendu public récemment, l’organisation a ajouté qu’à l’inverse, l’Afrique du Nord accueille moins de 1% des travailleurs migrants. Globalement, «la majorité des travailleurs migrants – 96 millions – sont des hommes tandis que 68 millions sont des femmes. Cela représente une augmentation de la proportion d’hommes parmi les travailleurs migrants de 56 à 58% et une baisse de deux points de pourcentage dans la proportion des femmes, de 44 à 42%, au cours de la même période», a indiqué l’OIT. Selon les explications de l’OIT, la présence accrue des hommes parmi les travailleurs migrants est due probablement à leur plus forte proportion parmi les migrants internationaux en âge de travailler et à leur plus fort taux d’activité. Pour l’organisation, il n’est pas exclu que la proportion plus élevée d’hommes parmi les travailleurs migrants s’explique aussi par d’autres facteurs. L’un d’eux est qu’«une plus grande propension des femmes à migrer pour des raisons autres que l’emploi (par exemple, le regroupement familial), ainsi que par une possible discrimination à l’encontre des femmes qui restreint leurs possibilités d’emploi dans les pays de destination », a-t-elle soutenu. Mais cette hausse a aussi des conséquences pour certains pays d’origine du fait que ce phénomène fait perdre une catégorie la plus productive de leur main-d’œuvre. En effet, les chiffres publiés dans ce rapport laissent apparaître que « près de 87% des travailleurs migrants sont des adultes dans la force de l’âge – âgés de 25 à 64 ans. Ce qui laisse supposer que « certains pays d’origine perdent la catégorie la plus productive de leur main-d’œuvre, ce qui, selon le rapport, pourrait avoir un impact négatif sur leur croissance économique », a ainsi déduit l’OIT. Selon les auteurs dudit rapport, il ressort des tendances régionales que sur les 164 millions de travailleurs migrants recensés à travers le monde, 67,9% (111,2 millions) vivent dans des pays à haut revenu, 18,6% (30,5 millions) dans des pays à revenu intermédiaire supérieur, 10,1% (16,6 millions) dans des pays à revenu intermédiaire inférieur et 3,4% (5,6 millions) dans les pays à bas revenu. L’autre enseignement de ce rapport, selon l’OIT : «Les travailleurs migrants forment 18,5% de la main-d’œuvre dans les pays à haut revenu, mais seulement 1,4 à 2,2% dans les pays à bas revenu». Dans son rapport, l’organisation note également qu’au cours de cette même période, «la concentration des travailleurs migrants dans les pays à haut revenu a reculé de 74,7% à 67,9%, tandis que leur poids dans les pays à revenu intermédiaire supérieur augmentait». Une évolution qui pourrait être attribuée au développement économique de ces derniers, a estimé l’OIT. A noter que pour les besoins de ce rapport, le terme de «travailleur migrant» fait référence aux individus migrants internationaux en âge de travailler et plus âgés, qui sont employés ou au chômage dans leur pays de résidence actuel. Alain Bouithy
L’OIT accueille favorablement la nouvelle loi sur les travailleurs migrants au Qatar
Les travailleurs migrants au Qatar couverts par le code du travail n’auront plus besoin d’obtenir une autorisation de sortie pour pouvoir quitter le pays. La nouvelle législation, adoptée le 4 septembre 2018, marque une étape décisive dans la promotion des droits fondamentaux des travailleurs migrants au Qatar. La loi n° 13 de 2018 porte modification de la loi n° 21 de 2015 et de la loi n°1 de 2017 , qui réglementent l’entrée, la sortie et le séjour des personnes de nationalité étrangère. Le précédent cadre juridique imposait à tous les travailleurs migrants l’obligation d’obtenir de la part de leur employeur une autorisation de sortie pour pouvoir quitter le Qatar. Avec l’adoption de cette nouvelle loi, les travailleurs migrants couvertes par le code du travail pourront quitter le Qatar sans avoir à se procurer l’autorisation qui était requise jusqu’ici. «L’OIT salue l’entrée en vigueur de la loi n° 13, qui aura une incidence directe et positive sur la vie des travailleurs migrants au Qatar. La première étape vers la suppression complète des autorisations de sortie est un signe clair de l’engagement du gouvernement qatari en faveur des réformes de la législation relative à l’emploi et marque une étape clé de ce processus. L’OIT poursuivra son étroite collaboration avec le gouvernement qatari sur ces réformes», a déclaré Houtan Homayounpour, responsable du bureau de projet de l’OIT pour l’Etat du Qatar. Cette nouvelle loi précise que les employeurs peuvent soumettre pour approbation au ministère du Développement administratif, du Travail et des Affaires sociales les noms des travailleurs qui continuent d’être tributaires de l’obtention d’un «certificat de non-objection», en justifiant la nature de leur travail. La part de ces travailleurs devra être limitée à cinq pour cent de la main-d’œuvre des entreprises concernées. Un décret ministériel suivra définissant les règles et les procédures permettant la sortie des travailleurs qui ne sont pas couverts par le code du travail. «L’adoption de cette loi est une autre étape de l’action que nous continuons de mener pour fournir des emplois décents à tous les travailleurs migrants au Qatar et garantir leur protection,» a déclaré M. Issa Saad Al Jafali Al Nuaimi, ministre du Développement administratif, du Travail et des Affaires sociales. En avril 2018, l’OIT a ouvert un bureau de projet au Qatar en vue de soutenir la mise en œuvre d’un programme global sur les conditions de travail et les droits des travailleurs dans le pays. Cette initiative reflète l’engagement partagé du gouvernement du Qatar et de l’OIT de coopérer en vue de garantir le respect des conventions internationales du travail ayant été ratifiées et de mettre progressivement en œuvre les principes et droits fondamentaux au travail dans l’Etat du Qatar durant la période 2018-2020.