« Fréquente ceux qui sont mieux que toi » Quelle aberrance !
TRIBUNE. J’entends souvent des parents dire à leurs enfants « fréquente ceux qui sont mieux que toi » et je me trouve désolé et terrifié, car ce conseil oblique détruit diamétralement le cupidon de soi de l’enfant et lui envoie des missives fâcheusement scabreuses, aussi bien pour lui que pour la société. Ancrage de la pensée antinomique L’enfant, et essentiellement l’adolescent, se déstabilise lorsqu’il entend les parents redonder ce conseil aberrant et se demande alors « avec quels moyens j’évalue que les autres sont meilleurs que moi ? Par les apparences ? Et en quoi sont-ils mieux que moi, par les études ou les marques de vêtements, la richesse ou bien la classe socioculturelle ? » L’adolescent se pose des milliers de questions de ce genre et se trouve totalement désemparé, ce qui serait à l’origine de ses troubles de comportement, ou difficultés scolaires par exemple. Le blocage des capacités latentes de l’enfant Par ce précepte parental, l’enfant déduit que ses parents le comparent aux autres et qu’il est moins bien qu’eux, étant donné qu’il doit accompagner ceux qui sont mieux que lui. Ce précepte est une vraie bombe atomique pour la confiance en soi de l’enfant. Ovationner les apparences De ce conseil, l’enfant défalque l’importance des apparences chez ses parents, du moment qu’ils lui imposent de fréquenter uniquement des amis studieux dans leurs études et/ou issues des familles importantes dans la ville. Encouragement de schisme social L’enfant conclu de ce conseil qu’il doit côtoyer certaines classes sociales et honnir d’autres. Ainsi, l’enfant abdique son sens d’appartenance sociale et ensevelit son devoir de servir son pays sans apartheid social, culturel, racial ou religieux. Amarrage des opinions préconçues L’adolescent a un sens lœss de l’équité, raison pour laquelle il n’accepte pas que ses parents soupèsent ses amis de mauvaise compagnie sans les connaitre authentiquement et lui esbroufent de trouver d’autres meilleurs qu’eux et lui aussi. Mais avec le temps, l’adolescent finit par s’abdiquer à la charte de ses aïeuls et à son tour prononce des préjugés. Ausweis de juger les autres L’enfant se demande de quel droit les parents se permettent de juger ses amis, tout en sachant que le fait de juger les autres a des rejaillissements fâcheux sur nos relations sociales et humaines, une véritable tumeur maligne sociale. Là aussi, avec le temps l’ado s’octroie le droit de juger les autres. Frelater l’image parentale L’enfant a une image idyllique de ses parents. Avec ce conseil, l’ado commence à voir ses parents à la lumière du jour, chose qu’il n’admet pas et se retrouve face à un fort tremblement qui rejaillit pernicieusement sur son comportement, ses études, son humeur et sa relation avec aïeuls. Endommager l’image de l’ado L’adolescent a besoin d’amis qu’il choisit lui même, car il trouve en eux plusieurs composantes qu’il leurs empreinte pour structurer sa personne. Ainsi, l’ado et ses amis deviennent un seul corps en cette période. Lorsque les parents déprécient les amis, ils déprécient aussi l’ado, raison pour laquelle il se révolte énergiquement et rebute ces critiques. Ancrage de la ségrégation sociale Suite au précepte redondé, l’ado découvre le racisme social des parents, qui lui demandent d’ignorer ceux qui sont moins bien que lui et de s’approcher de ceux qui sont mieux que lui. Être saprophyte sans sens de responsabilité Selon le conseil des parents, l’ado déduit qu’il doit savoir profiter de ceux qui sont mieux que lui et se créditer de leurs valeurs ajoutées. Ainsi, il apprend à ne pas être responsable en apprenant avec ses propres moyens, mais plutôt à être un citoyen saprophyte et de développer ses capacités du « savoir tirer profit en toute circonstance », qui se résume d’ailleurs dans le célèbre dicton marocain « Sois vif et réactif, et profite vite tant que le fer est chaud ». Docteur Jaouad MABROUKI Expert en psychanalyse de la société marocaine et arabe