La COVID-19 et le sort du salarié
TRIBUNE. Avec la pandémie de la COVID-19 le monde est en panique et les salariés plongés dans l’anxiété se questionnent sur leur situation à venir. Ceci nous amène à étudier le contrat de travail en relief avec la situation pandémique qui prévaut. D’abord par définition, le droit de travail est l’ensemble des règles qui régissent les rapports entre employeurs et salarié ; ce rapport d’employeur à salarié se concrétise à travers une convention de travail. Qu’entendons-nous par contrat de travail ? Dans le silence des textes, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé « qu’il y a contrat de travail quand une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la direction d’une autre personne, moyennant rémunération » (Soc., 22 juillet 1954, Bull. 1954, V, n° 576). Avant d’éluder notre sujet, il convient d’emblée d’appréhender les différents concepts clés qui fondent notre définition. A cet effet, la cour de cassation a ressorti trois critères clés de cette définition pour qualifier un contrat de convention de travail à savoir : La fourniture d’une prestation de travail Moyennant rémunération Sous la direction d’une personne(employeur) Les deux premiers critères ne sont pas vraiment nécessaires pour parler de contrat de travail mais le critère déterminant est le lien de subordination. En effet, le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail. » Ceci étant, il incarne en effet l’idée d’un pouvoir de direction et de contrôle exercé par le commanditaire de la prestation de travail (l’employeur) sur le travailleur dans l’exécution de sa prestation. Dès lors que cette subordination juridique est constatée, il y a forcément contrat de travail, et ce quel que soit la condition sociale et économique du salarié. Bien que le contrat s’exécute conformément à la loi en vigueur, il est souvent en proie à des circonstances conduisant soit à la résiliation soit à la suspension des obligations des parties lors de la survenance d’un événement ; on parle de ce fait de cas de force majeure. Un tel sujet relatif à la COVID-19 et le sort du salarié nous amène à nous poser la question suivante : quel est le sort du salarié dans une entreprise en cas de force majeure ? Pour élucider une telle problématique il sied d’entrée en jeu d’aborder en premier lieu la question de force majeure ensuite le traitement qui est réservé au salarié en cette période de COVID-19. I. Appréhension du cas de force majeure L’article 269 du dahir formant code des obligations et contrats nous donne une définition concise de la force majeure comme suit : « La force majeure est tout fait que l’homme ne peut prévenir, tel que les phénomènes naturels (inondations, sécheresse, orages, sauterelles). Invasion ennemie, le fait du prince, et qui rend impossible l’exécution de l’obligation. Cette définition semble être claire pour les personnes aguerries et non pour les profanes et pour apporter plus de précision à cette définition, la jurisprudence a rendu une décision allant dans ce sens en élargissant cette dernière. Pour se faire, les juges ont considéré que pour que la force majeure soit effective, elle doit réunir 3 conditions à savoir : L’imprévisibilité : elle suppose que l’événement ne peut être prédit, si tel est le cas, l’on aurait pris les mesures appropriées pour éviter le préjudice ou encore limiter les dégâts L’extériorité dans ses effets, suppose que l’événement est hors de la volonté de de la personne mise en cause. L’irrésistibilité : elle indique en effet que l’événement est insurmontable, et que la personne mise en cause aurait tout fait pour arrêter l’événement mais il était d’une force accrue voire d’une difficulté insurmontable. II. La COVID-19 assimilée à la force majeure Après avoir éludé les éléments clés de la force majeure ; il faut s’interroger sur la question de savoir si la COVID-19 ne peut-elle pas être assimilée à un cas de force majeure ? y répondre directement serait de mettre la charrue avant les bœufs sachant que la règle de droit doit faire office pour en découdre. Ainsi, il existe des décisions allant dans ce sens sur lesquelles il serait intéressant de se pencher pour essayer d’assimiler la COVID-19 à la force majeure bien que ces décisions portent sur des affaires différentes mais leurs conclusions pourraient mettre en lumière la situation qui prévaut en matière de droit de travail. Une entreprise a décidé d’arrêter la production des sacs en plastique en 2015, conformément à la loi 17/15 portant interdiction de la fabrication, de l’importation, de l’exportation, de la commercialisation et de l’utilisation de sacs en matières plastiques, en interdisant une telle activité. Conséquence de l’exercice de cette activité, les employés ont été licenciés. Ceci étant, les Juges ont qualifié cette décision de fait du prince tel que défini à l’article 269. En l’espèce, cette décision de l’entreprise n’émane pas de sa propre volonté bien au contraire c’est l’intervention d’un tiers qui est l’administration qui s’impose aux employés et employeurs. Le coronavirus étant une pandémie jugée dangereuse est qui ne pouvait être prévue dont les conséquences sont irrésistibles, il peut être qualifié de circonstance exceptionnelle en raison des caractéristiques qu’il réunit à l’instar de la force majeure elle-même à savoir : l’imprévisibilité, l’extériorité et enfin l’irrésistibilité. La qualification de la COVID-19 en circonstance exceptionnelle est une fois de plus affirmée par la jurisprudence française qui à travers une affaire en question ne portant pas sur un licenciement ou une perte d’emploi mais plutôt de statuer sur la recevabilité de la requête d’une préfète, relative à la rétention administrative d’un individu. Ce dernier n’a pas pu « être conduit à l’audience de la Cour d’appel en raison des circonstances exceptionnelles et insurmontables, revêtant le caractère de la force majeure, liées à l’épidémie en cours du COVID-19 ». Le fait que la justice française considère la situation exceptionnelle due au Coronavirus comme un cas