Russie/Ukraine. Les guerres ont des règles

Russie/Ukraine. Les guerres ont des règles

TRIBUNE. A plusieurs reprises au cours des débats entourant le conflit russo-ukrainien, j’ai été sidéré de réaliser que pour la plupart des gens, la guerre c’est l’art de tuer les gens et d’abattre des bâtiments avec toute la force dont on dispose, jusqu’à plier l’ennemi. J’ai ressenti une espèce d’effroi face à une certaine banalisation de certains actes criminels, certains se disant même que « crimes de guerre » signifie « morts pendant la guerre » tout simplement; qu’il n’y aurait pas de différence de la manière dont on donne la mort au camp adverse. Militaires, cibles civiles sciemment visées, bâtiments sans distinction, tout cela n’aurait aucune importance parce que « c’est la guerre »: Parfois ont tente de le justifier par des parallèles en jurant que tel autre pays l’a fait aussi, donc il y aurait une sorte de droit à le faire aussi pour tout le monde. Il y a des règles à la guerre. Fort heureusement. Ce droit de la guerre est très ancien, puisqu’on le retrouve dans toutes les civilisations écrites depuis Babylone. La Bible en parle dans le Deutéronome. Le Coran aussi. Dans l’époque moderne, ces dispositions sont incluses dans ce qu’on appelle le droit international humanitaire. 196 pays en sont signataires. C’est une quasi-unanimité que vous ne trouverez que rarement dans les anales de l’ONU. C’est dire l’adhésion à ces principes. La convention de Genève qui est incluse dans ce droit, fixe des limites aux combats et protègent ceux qui n’y participent pas (les civils) ou ceux qui ne peuvent plus y participer (les blessés). Ainsi il est également établi une distinction entre ce qui peut faire objet d’attaques ou non : bâtiments, véhicules, corps spécifiques (tels que les journalistes, les pompiers). S’en prendre sciemment à un champ ou un élevage ou mettre un siège pour affamer des gens (j’ai lu un militaire donner ce conseil… !), sont des crimes de guerre qui peuvent exposer le pays qui les commet à des poursuites, mais aussi l’individu qui en est directement l’auteur, tout comme ceux qui les appuient ou empêchent l’accès à l’aide permettant la survie des civils. La dignité des prisonniers de guerre (et leur droit de communiquer avec leurs proches, d’être nourris et soignés, de ne pas être torturés etc), l’intégrité du personnel soignant, le droit aux soins médicaux de tous les combattants même ceux du camp adverses pris par leurs ennemis sont tous des droits garantis. On ne tire pas exprès sur des maisons des gens, mais uniquement sur des cibles militaires. Un logement peut devenir une cible s’il est inhabité. Mais on ne bombarde pas des hôpitaux occupés par exemple. De même que toutes les armes ne sont pas autorisés, notamment celles qui détruisent aveuglément une grande zone, ne pouvant faire la distinction entre civils et combattants. La fin ne justifie pas les moyens. On n’est plus du temps de Machiavel. Que les objectifs de ces dispositions ne soient pas totalement atteints (loin s’en faut et ça ne le sera peut-être jamais), ni respectés dans les faits, ne doit que pousser à les renforcer et non à abandonner cet idéal de « guerre juste », une utopie, oui mais les grandes avancées ne sont que des utopies au départ. On n’est pas surpris en voyant cette indifférence dans des commentaires africains, parfois ce soutient aux actes atroces, de constater que les guerres en Afrique sont souvent les plus affreuses en atrocités, parce qu’on ne se donne aucune morale du combat. Il ne faut pas non plus croire que parce que l’on ne serait pas signataire de la convention instituant la CPI que l’on serait intouchable. Oh non. La quasi-totalité des lois internes des pays punissent et rendent imprescriptibles les crimes de guerre. Dois-je rappeler que le droit est ce qui différencie la civilisation de l’état sauvage? Mais bien au delà du droit, le plus important pour moi ici est de rappeler que la morale avant la loi, veut qu’on ne fasse pas ce qu’on veut parce que c’est la guerre ou qu’on a la force de le faire. Si chaque africain le savait, l’intégrait avant le déclenchement des conflits qui chez nous sont encore à venir, chaque victime saura qu’elle peut se plaindre de faits criminels de guerre, comme chaque auteur saura à quoi il s’expose. Ce n’est pas que le génocide qui est un crime de guerre. Je ne peux laisser vendre l’idée que la guerre c’est la mort de qui nous dérange, telle que je le constate un peu trop. Que cela vienne des ukrainiens au Donbass, des russes en Ukraine, des soldats maliens sur les djihadistes, des israéliens en Palestine, des américains en Irak, des français au Mali… il faut dénoncer et poursuivre les crimes de guerre. Par Hervé Mahicka