Les facteurs de vulnérabilité financière pourraient aggraver le prochain ralentissement économique

Les facteurs de vulnérabilité financière pourraient aggraver le prochain ralentissement économique

La hausse de l’endettement des entreprises, l’augmentation des portefeuilles d’actifs plus risqués et moins liquides détenus par les investisseurs institutionnels ainsi que le recours accru à l’emprunt extérieur par les pays émergents et les pays préémergents constituent les principaux facteurs de vulnérabilité du système financier mondial, selon un nouveau rapport du Fonds mondial international. Dans ce document, intitulé « Rapport sur la stabilité financière dans le monde » (édition d’octobre 2019), l’institution de Bretton Woods appelle les décideurs des pays (concernés) à prendre de toute urgence des mesures pour s’attaquer aux facteurs de vulnérabilité financière, estimant que celles-ci pourraient aggraver le prochain ralentissement économique. Ainsi, l’organisation les invite à une surveillance prudentielle et macroprudentielle plus stricte, à s’attaquer aux risques que courent les investisseurs institutionnels en renforçant la surveillance et la divulgation d’informations et à mettre en place des pratiques et cadres de gestion de la dette souveraine prudents. Cependant, les politiques macroéconomiques et macroprudentielles devraient être adaptées à la situation de chaque pays, estime le FMI dans son rapport. Ainsi, « dans les pays où l’activité économique reste robuste, mais où la vulnérabilité est élevée ou en hausse dans le contexte de conditions financières encore favorables, les dirigeants devraient de toute urgence durcir les politiques macroprudentielles, y compris les outils macroprudentiels généraux (par exemple, le volant anticyclique de fonds propres) », suggère l’organisation internationale. Quant aux pays où la politique macroéconomique est assouplie face à une détérioration des perspectives économiques, mais où la vulnérabilité observée dans certains secteurs reste préoccupante, le FMI pense que « les dirigeants devront peut-être adopter une approche plus ciblée pour lutter contre telles ou telles poches de vulnérabilité ». Alors que les pays faisant face à un ralentissement prononcé devraient, de leur côté, « mettre l’accent sur des politiques plus accommodantes, compte tenu de la marge de manœuvre dont ils disposent », soutient-il. En pratique, concernant la hausse de l’endettement des entreprises, le Fonds recommande de maintenir un contrôle rigoureux de l’évaluation du risque de crédit bancaire et des pratiques en matière de prêts. « Il faudrait s’efforcer d’accroître la divulgation d’informations et la transparence sur les marchés financiers non bancaires afin d’évaluer les risques de manière plus approfondie », explique-t-il. Dans les pays où la dette globale des entreprises est jugée élevée sur le plan systémique, le Fonds monétaire suggère aux dirigeants d’envisager de mettre au point des outils prudentiels à l’intention des entreprises très endettées, en plus des outils prudentiels établis spécifiquement pour le secteur bancaire. Dans le but de réduire les incitations à emprunter de manière excessive, l’institution recommande « la réduction de la tendance, dans les systèmes fiscaux, à favoriser le financement par l’emprunt au détriment du financement par émission d’actions ». S’agissant des risques que courent les investisseurs institutionnels, le rapport de l’organisation financière fait aussi des recommandations, insistant sur la nécessité de renforcer la surveillance des entités financières non bancaires afin de faire face à l’augmentation des portefeuilles d’actifs plus risqués et moins liquides détenus par les investisseurs institutionnels. Concrètement, le Fonds affirme qu’il est possible de s’attaquer à la vulnérabilité des investisseurs institutionnels. Pour cela, il suffira de mettre en place « des incitations appropriées (par exemple, réduire l’offre de produits à rendement garanti), en adoptant des normes minimales de solvabilité et de liquidité, et en améliorant la communication d’informations ». Quant au recours accru à l’emprunt extérieur par les pays émergents et les pays préémergents, la principale recommandation de l’institution à l’attention des pays émergents et les pays préémergents consiste à les encourager à mettre en place des pratiques prudentes et des cadres solides de gestion de la dette afin d’atténuer les risques liés à la viabilité de la dette.En plus de toutes ces mesures, le FMI estime crucial de coordonner l’action à l’échelle mondiale, soulignant la nécessité d’en finir avec les tensions commerciales. Ce n’est pas tout. « Les dirigeants devraient, en outre, achever et mettre pleinement en œuvre le programme mondial de réforme de la réglementation, en veillant à ce qu’on ne revienne pas sur les normes réglementaires », souligne l’organisation. Et de souligner également la nécessité de « maintenir la coordination et la collaboration au niveau international pour assurer d’ici la fin de 2021 une transition en douceur du LIBOR (taux de référence du marché monétaire de différentes devises) vers de nouveaux taux de référence pour toute une série de contrats financiers partout dans le monde ». Alain Bouithy

Renforcer ses moyens de défense contre le prochain ralentissement économique

Renforcer ses moyens de défense contre le prochain ralentissement économique

TRIBUNE. L’économie mondiale doit relever plusieurs défis complexes qui découlent des mutations technologiques, de la mondialisation et des effets persistants de la crise financière de 2008-09. Dans le même temps, nous observons une érosion de la confiance dans les grandes institutions qui ont permis d’enregistrer une croissance et une prospérité exceptionnelles ces quarante dernières années. Cet état de fait risque de fragmenter l’ordre international qui régit l’économie mondiale. Parmi les symptômes de cet éclatement figurent l’exacerbation des tensions commerciales, les dissensions avec certaines institutions multilatérales et au sein de celles-ci et une dilution des mesures visant à remédier aux profondes difficultés transnationales du 21e siècle, par exemple le changement climatique, la cybercriminalité et les mouvements de réfugiés. La question se pose forcément : si cela se produit en période de croissance mondiale solide et de relative stabilité financière, que pourrait induire le prochain ralentissement économique? L’histoire laisse penser qu’un ralentissement se profile à l’horizon et les signes récents d’un essoufflement de la croissance mondiale doivent mettre en évidence l’obligation de se préparer à des événements imprévus. La méfiance à l’égard des institutions ne se limite pas aux entités multilatérales. La gouvernance nationale a, à bien des égards, perdu tout crédit, comme en témoigne l’agitation consécutive aux élections récentes dans de nombreux pays. Pour prévenir le prochain ralentissement économique et atténuer ses effets lorsqu’il surviendra, les pays doivent renforcer leurs moyens de défense dès maintenant. Ces moyens de défense englobent la puissance de feu financière, les mesures de lutte contre les crises et les réglementations, dont beaucoup ont été mises en place après la crise financière internationale. Cependant, dans l’état actuel des choses, rien ne garantit que ces moyens seront suffisants pour empêcher une récession parmi d’autres de devenir une nouvelle véritable crise systémique. Concernant la politique monétaire, la manière dont les banques centrales peuvent riposter à un ralentissement prononcé ou durable donne lieu à d’intenses discussions. À titre d’exemple, durant les précédentes récessions aux États-Unis, la Réserve fédérale a réagi en procédant à des baisses des taux de 500 points de base ou plus et, lors de la crise financière mondiale, les banques centrales ont amplement utilisé leur bilan. Cependant, alors que les taux directeurs sont encore si bas dans tant de pays et que la normalisation des bilans est toujours en cours, cette même riposte des pouvoirs publics ne sera peut-être pas possible. D’aucuns laissent entendre que des mesures de politique monétaire non conventionnelles pourraient permettre de faire face à une crise via des taux négatifs, des engagements prospectifs à maintenir les taux à des niveaux plus bas pendant plus longtemps que les objectifs d’inflation ou les règles d’action ne le justifient, ou d’autres innovations. Toutefois, comme la pertinence de ces idées est au mieux incertaine, il y a lieu de s’interroger sur l’efficacité de la politique monétaire. L’autre ligne de défense est la politique budgétaire. De nombreux observateurs soulignent que la marge de manœuvre s’est réduite dans les pays avancés. La dette publique s’est creusée, notamment aux États-Unis à la suite des allégements d’impôts et de l’augmentation des dépenses. Dans bon nombre de pays, les déficits restent trop élevés pour stabiliser ou réduire la dette. Dans le même temps, si le prochain ralentissement est synonyme de chômage et de sous-emploi des ressources économiques, il faut s’attendre à une hausse des multiplicateurs. Cela redonnerait une certaine puissance à la politique budgétaire, même avec des niveaux d’endettement élevés. Il ne faut toutefois pas penser que les autorités disposeront de la marge nécessaire dans leurs budgets pour riposter comme elles l’avaient fait il y a dix ans. Dans le contexte d’une dette souveraine élevée, l’idée de la relance budgétaire risque de susciter beaucoup de réticence sur le plan politique. Le sentiment que les banquiers ont été épargnés, au détriment du travailleur moyen, a provoqué un mécontentement durable à l’issue de la crise financière mondiale. Par conséquent, une future récession qui mettrait en péril les finances des petites entreprises ou des propriétaires d’un logement se traduirait probablement par des appels à alléger le poids de la dette. Soutenir une fraction plus grande de l’économie pourrait peser sur des finances publiques déjà mises à rude épreuve mais s’abstenir de le faire pourrait accentuer les clivages politiques. Si une récession menace de nouveau la stabilité des banques, le recours à des plans de sauvetage est à présent limité par la loi, à la suite de réformes de la réglementation financière qui imposent un renflouement interne des propriétaires et prêteurs. Ces nouveaux dispositifs restent néanmoins sous-financés et n’ont pas encore été expérimentés. Il ne faut pas perdre de vue que l’affaiblissement des principaux marchés des capitaux aux États-Unis au cours de la crise financière mondiale, qui aurait pu avoir des conséquences désastreuses à travers le monde, a été freiné vigoureusement grâce aux mesures non orthodoxes des banques centrales appuyées par des financements de garantie des ministères des Finances nationaux. Il risque de ne pas être facile de pouvoir les reproduire. Le fond du problème est que les solutions relevant des politiques nationales et les ressources financières publiques sont peut-être nettement plus restreintes que dans le passé. L’enseignement à tirer de cette possibilité est que chaque pays doit se montrer beaucoup plus prudent pour pérenniser la croissance, réduire les facteurs de vulnérabilité et se préparer à tous les événements qui pourraient survenir. Une autre conclusion est l’importance de la capacité d’anticipation et d’intervention multilatérale. Les institutions comme le FMI ont joué un rôle déterminant pour répondre aux crises et maintenir l’économie mondiale sur les rails. La capacité à riposter efficacement à ces difficultés a nécessité un processus permanent de réforme qui doit se poursuivre. Face au mécontentement suscité par le multilatéralisme dans certains pays avancés, il est indispensable que le processus d’évolution du FMI se poursuive, pour tout l’éventail des activités de prêt, d’analyse et de recherche, de façon à ce que nous puissions continuer à accomplir notre mission fondamentale, à savoir stimuler la croissance mondiale et œuvrer à la stabilité financière. Cela sera d’autant plus important si les