De quelques principes de gouvernance d’après le Muntuïsme
Dans de nombreuses publications, le Muntuïsme a été défini comme un ensemble de principes de vie qui concourent au respect et à l’intégrité de l’être ou du Muuntu dans tous les aspects de son existence. C’est aussi un courant de pensée qui est dominant auprès des populations de l’aire Bantoue. A dire vrai, le Muntuïsme est la manifestation de Ntu chez l’être, c’est-à-dire de l’intelligible qui, au final, doit contribuer au bonheur ou du moins à une vie raisonnablement paisible et heureuse du Muuntu. Le Muuntuïsme est, à la fois, science et religion du Muuntu, au sens où il lui permet de comprendre et de saisir les lois, de façon expérimentale du milieu dans lequel, il évolue. Il croit aussi en l’existence d’un Dieu créateur Nzambi Mpungu, l’être suprême, le Dieu du savoir Zaaba, et de libération (saala, sâ-mbila : sâ-mbila, saala). Ainsi, dans cet univers de principes auxquels s’attache le Muuntu, le chef dispose d’un certain nombre de prérogatives pour assurer la paix et le développement de la famille qui passent par une observance des lois et préceptes des anciens et donc une vigilance sans faille des principes qui concourent au maintien de l’intégrité socio-humaine. Les principes auxquels doit s’attacher un chef tournent autour, peut-on-dire de l’évocation de certains termes qui ont une même racine qui se traduit par la lettre K et le vocable de Nda lequel mot, en langue Koôngo, exprime toute notion de mouvement, d’action ou de force agissante. Il s’agit de : Kaânda: c’est le cercle parental et familial de l’être ou du Muuntu au sein duquel, il naît, grandi, évolue et, apprend, entre autres, les liens qui le rattachent tant au monde des vivants que celui des morts. Kînda: dont l’extension donne le mot kîndisa qui exprime toute notion de courage, de vaillance, de force ou de vigueur. Kênda: lequel tend à exprimer toute notion de marche ou d’impulsion pour montrer la voie, le chemin qu’il convient d’emprunter pour aller à tel endroit ou tel autre… Kônda: qui exprime toute notion de défense ou d’interdiction dans le respect des lois qui régissent le Nzâ ou l’univers. Kûnda: lequel verbe tend à exprimer toute notion d’adoration et de méditation qui, par voie de conséquence, place le Muuntu dans une attitude d’examen et d’analyse des principes qui le gouvernent et du milieu dans lequel, il évolue. Il accède ainsi dans l’univers du kû-ndu, la science du savoir et du bien-être. Partant de la définition de ces mots, le chef ou M’pfumu voire le M’pfumu Mpu, le chef à couvre tête, le représentant de l’autorité au sein de la communauté ou Kaânda est celui qui doit remplir les conditions que voici : Il doit être sociable. De par cette qualité, on lui reconnaît le sens de la famille qu’il porte en lui et la force dont il dispose pour veiller à sa cohésion, son harmonie et son épanouissement. Il est, somme toute, solidaire de sa communauté. Il doit, comme le relève le vénéré pasteur Emile cardinal Biayenda, avoir des aptitudes et la poigne d’un chef, plein d’équité, impartial, ayant le sens de la justice, ferme dans ses décisions, apprécié et jugé comme tel par le clan, les alliés et tous les voisins. Il doit être un visionnaire. C’est à ce titre qu’un M’pfumu dispose, comme le relève à juste titre taata Biayenda, du pouvoir de déplacer par exemple un village, lorsque des circonstances difficiles le recommandent, comme les épidémies de toutes sortes s’abattant sur tout le village. C’est aussi, en cette qualité qu’il est non seulement un conciliateur avéré au sein de sa communauté mais également un fin juge dans le règlement de conflits ou différends qui sont susceptibles d’entraver l’unité de son groupe. Il est le justicier suprême de sa communauté. Il doit être un défenseur du clan en veillant sur les principes et lois dont la violation est de nature à entraîner de pires calamités pour son groupe. Il doit être un habile représentant de l’autorité qui, à ce titre a la lourde charge d’assurer la prospérité de sa communauté, d’en assurer pleinement la cohésion. En somme, l’exercice de l’autorité, chez les Bantous, en l’occurrence chez les Koôngo, n’est point une question de volonté mais plutôt et surtout l’expression d’un ensemble d’aptitudes que l’on a pour certaines d’entre elles et d’autres que l’on acquiert, à la suite d’une initiation sociale, plus précisément dans le cadre d’un processus dit d’éducation, de formation et de socialisation de l’être ou du Muuntu. Il s’agit là, de la philosophie même du Muntuïsme politique qui intègre, en son sein, une vision « sacro-sainte » du pouvoir et de l’exercice de l’autorité. Tsiangu, Ntu buzitu, Mpu buzitu, c’est ainsi que, le respect et le rayonnement de la couronne dépendent intimement de la personnalité et de la sagesse de l’être qui en est investi. C’est dire, comme en Koôngo, Ki-mpfumu kele mambu ya nene ya bantu kele na ndwenga, le pouvoir est une grave affaire qui est notamment celle des gens qui jouissent d’un certain nombre d’aptitudes nées de la sagesse et de l’intelligence. Tels sont les aspects de l’autorité et de ses prérogatives, chez les Bantous, sur lesquels j’invite, entre autres, tous les Congolais et particulièrement les héritiers de Koôngo-dia-Ntootela du Congo-Brazzaville, à réfléchir et que sont notamment les : Sundis, Laris, Koôngo, ngângalas, Beembés, Minkenges, Doondos, Kaambas, Kunyis, Lumbus, Vilis etc, en raison de leur proximité de l’idéel Koôngo de Kimuntu. Je dédie ce texte au père fondateur de la République du Congo-Brazzaville l’Abbé Fulbert YOULOU à l’occasion du quarante-sixième anniversaire de son décès (05/05/1972-05/05/2018). TAATA NDUENGA