POESIE CONGOLAISE. Mélodie des larmes (1) de P.A. Matoko ou le premier chant de départ

POESIE CONGOLAISE. Mélodie des larmes (1) de P.A. Matoko ou le premier chant de départ

Une soixantaine de poèmes pour exprimer ses sentiments intérieurs dans tous les sens de la vie ; telles sont ces larmes du poète Prince Arnie Matoko qui nous tombent à travers l’harmonie qu’il donne à ses textes. Mélodie des larmes constitue « les mots de vie pour les maux d’esprit » comme le signifie lui-même le poète dans l’incipit de son poème liminaire. L’Afrique, le pays avec ses corollaires comme la ville et le natal, l’image maternelle et les souvenirs à califourchon sur son enfance et sa jeunesse, constituent la toile de fond des textes de Prince Arnie Matoko écrits avec ses larmes intérieures. L’Afrique polyphonique L’Afrique vient dans l’esprit du poète avec toutes ses formes idéelles. D’abord une Afrique dans les mains sales de l’impérialisme, enfant de la colonisation. Et le poète le crie haut et fort : « Ils sont arrivés tels des loups affamés / Cherchant en pleine nuit les proies / Sous nos cieux où nous restions / Apeurés, ahuris et même sans voix ». Aussi les Blancs qui sont venus nous « civiliser », apparaissent comme des animaux dans leur façon de traiter l’humain noir. Et le poète de les comparer aux vipères, aux renards-hyènes. Mais cette Afrique subit des sacrifices dans la douleur que lui inflige le colonisateur : « Sur les bûchers de haine et de guerres / De pillage et de spoliation / Ô vieux bûchers de déracinement ». Aussi, revient chez le poète l’image colonisatrice d’un certain De Brazza qui va marquer son pays : « On a tué Mfoa (…) / le jour même de son mariage incestueux (…) / Mais quel mariage illicite de De Brazza ». Mais tout n’est pas obscurité chez le poète quand il se rappelle son continent, son Afrique est aussi Amour, son Afrique est aussi sienne : « Afrique mon Afrique / Je t’aime ô ma terre d’Afrique ». Le pays, la ville, le natal au cœur de l’inspiration du poète Le vécu quotidien a toujours influencé l’écrivain, à plus forte raison le poète qui souvent, chante son intérieur et son extérieur. Son pays est beau, et il le féminise comme pour mieux admirer sa beauté et de commettre l’inceste imaginaire : « Connais-tu mon beau pays / C’est une fille de ma mère noire aux mains jadis / Pétrifiées de fer / C’est une vieille fille aux pieds d’argile ». Et ce pays qu’il chante lui rappelle, tel Baudelaire dans Les Fleurs du mal, l’image de la ville. Une image qui est symbolisée ici par les viles de Brazzaville et Pointe-Noire qui s’appellent l’une l’autre chez lez poète : « Brazza ! Brazza / Ville inconnue Combien de fois n’ai-je pas rêvé de toi, ». Si Brazza est un rêve que le poète veut transformer en réalité quand il va y vivre, il ne s’empêche pas de revivre le natal qui ne peut se passer de l’océan, cet immense désert d’eau et de vague qui a inspiré des grands poètes tels Tchicaya U Tam’Si et Jean Baptiste Tati Loutard, deux enfants de la mer. Dans le titre éponyme « La mer », le poète chante la douceur de cette Atlantique qui symbolise sa ville natale : « Mer ! Douce mer / Bijou inestimable de la nature généreuse / (…) Que la nature a su généreusement / Offrir aux habitants de Pointe-Noire ». Malgré sa douceur et sa candeur la mer, pour Matoko, a une autre dimension qu’il n’oublie pas dans le flux et le reflux de ses eaux, celle d’une mer qui se transforme en mère triste pour ses malheurs : « La mer pleurait en mère amère des malheurs / Et tout le deuil immensément couvrait son visage ». Ici, on est endroit de penser au symbolique de l’océan qui apparait comme un vaste cimetière liquide qui a englouti toutes les filles et fils du pays emmenés de force vers l’autre côté de l’Atlantique. Comme dans « L’homme et la mer » de Victor Hugo où il y a des marins sans retour, on imagine la situation inquiétante des pêcheurs sans retour du côté de Pointe-Noire. Enfance, jeunesse et image maternelle dans Mélodie des larmes Très souvent, ce sont les souvenirs qui reviennent dans les conscient et le subconscient du poète, tels des rêves inachevés. Aussi, ne s’empêche-t-il pas se s’adresser à une tierce personne qui se reflète sur lui-même : « Te souviens-tu, cher ami d’enfance / Quand nous partions / Matin ou après-midi / Au milieu des mots et rires parfois narquois / Semblables au père soleil / Dans sa longue course pénible ». Et le poète de se montrer orphelin d’une enfance à laquelle il doit beaucoup. Debout sur le pont qui va de l’enfance à la jeunesse, Matoko se montre perplexe entre la naïveté de l’enfance et les tourmentes de la jeunesse : «Tendres enfance si naïve / Ah… Jeunesse si tourmentée / Que prendrai-je donc ? ». Mais malgré le temps qui passe et repasse, et la jeunesse qui se construit sur l’enfance, le poète reste toujours rêveur comme revisitée par le passé : « Ô tendre enfance chérie / Ma belle lueur ! / Je ne t’oublierai pas ». Pour l’homme, l’addition de l’enfance et de la jeunesse trouve souvent son écho à travers l’être cher de sa vie qui n’est autre que sa mère : Matoko n’échappe pas à cette règle. L’image de sa mère s’avère puissante dans cette mélodie qu’accompagnent ses larmes. Comme dans le célèbre et emblématique poème « A ma mère » de Tati Loutard dans les années 60, Matoko s’adresse aussi à sa mère avec des mots couleur océan : « Dites à ma mère, je vous en prie / Que bientôt lorsqu’une pièce germera / Dan s ma poche rongée par les rats / Je la rejoindrai là-bas à Pointe-Noire ». De tous les textes qui constituent cette « mélodie des larmes », la puissance lyrique du poète semble peindre les mots qui vont droit vers l’image maternelle.