RD Congo. LU POUR VOUS (Laurent-Désiré Kabila. Ma part de vérité de Mwenze Kongolo)

RD Congo. LU POUR VOUS (Laurent-Désiré Kabila. Ma part de vérité de Mwenze Kongolo)

LIVRE. Cet opus “Laurent-Désiré Kabila. Ma part de vérité” de 136 pages publié en 2007 aux éditions L’Harmattan se veut un document historique qui dévoile, pour la première fois, dans les menus détails, ce qui s’est réellement passé, en cette fin de matinée de mardi 16 janvier 2001, au Palais de Marbre, quand la main armée d’un garde du corps décide d’ôter la vie au Président Laurent-Désiré Kabila, Mzee. L’auteur de ce livre/événement : Mwenze Kongolo, est un des plus proches collaborateurs du président congolais assassiné. Au-delà du récit tragique, ces pages portent, avec gravité, une double volonté politique : rendre compte à l’Histoire, en nationaliste, et proposer au peuple congolais une source idéologique viable et fiable. Mwenze Kongolo subordonne, en effet, la survie de la nation congolaise et le recollage de la RDC au retour à la pensée politique de Mzee, dont il livre, ici, toute la dynamique et la richesse. Enfin, ces pages pleines d’émotion témoignent de l’histoire d’une complicité politique, d’une solidarité intellectuelle et idéologique, entre l’auteur et Mzee. Elles sont le récit d’un étrange deuil : à la fois politique et personnel. Pour l’auteur. Pour le peuple congolais. Je vous livre dans les pages suivantes le clou du message de ce livre avec des extraits tirés des pages 120-122. “Janvier 2001, Mzee LD Kabila est assassiné au Palais de Marbre. Mwenze Kongolo, son Ministre de la Justice dévoile comment s’est organisée la succession des événements. “Mais, comme on le verra par la suite, l’attitude responsable de Eddy Kapend sera mal interprétée; le procès sur l’assassinat de Mzee sera, pour ce dernier, un procès à charge alors que ce brave compatriote ne faisait que son de voir. Moi aussi, je ne pensais qu’à mon devoir. J’ai pris l’initiative d’étendre le cercle de la réflexion. Je trouvais en effet important que l’on réfléchisse ensemble sur la grave situation. J’ai appelé le Chef de la Garde présidentielle, le Général Tango Tango. J’ai fait venir certains ministres. Je demanderai à l’intendant d’envoyer un avion chercher le Général Joseph Kabila qui était au Katanga. Pour moi, sa présence était indispensable et naturelle : il était l’aîné de la famille. J’ai appelé les Généraux Yav, Olenga et Lwetcha. Dans la nuit, j’apprends – par Eddy Kapend qui venait d’être informé par Mashako – la mort de Mzee. La tension s’amplifiait… Je me souviens de Eddy Kapend me demanda, inquiet : « Mais qu’est-ce qu’on va faire ? » En effet, il fallait réfléchir rapidement, avant que la panique nous domine, nous pousse à des actions infructueuses et maladroites. L’avion qui ramenait Joseph Kabila à Kinshasa arriva vers 2 heures du matin […] Arrivé à Kinshasa, Joseph Kabila se rendra tout de suite à la Cité de l’OUA, sous la protection du Général zimbabwéen Tshingombe qui commandait « Task Force ». La même nuit, vers 3h du matin, nous allions gagner à notre tour la Cité de l’OUA. Nous y trouverons le Général Olenga, et deux autres généraux zimbabwéens. J’étais le seul civil. Je n’ai pas pris des gants et je leur ai annoncé sans détours : « Mzee est mort… ». Un silence lourd planait au-dessus de nous. La tension était extrême. Une tristesse indicible habitait chacun de nous. Mais j’ai poursuivi mon propos en m’adressant à Joseph : « Ecoute, tu es un homme… La situation est grave. II faut prendre tes responsabilités. » Le Général [Zimbabwéen] Tshingombe prit mal ma suggestion, et dira « Mais la politique, c’est une affaire de civils… » Je continuais sur ma lancée : « Il faut sauver la nation… Il n’y a que le fils de Kabila pour assurer la relève… » Eddy Kapend était d’accord, le Général Olenga aussi. Joseph était d’accord, aussi, évidemment. C’est encore moi qui allais proposer l’évacuation du corps de Mzee pour Harare. Séance tenante, nous allions appeler au téléphone le Chef d’Etat-major zimbabwéen. Il était lui aussi choqué par la nouvelle. Il donna son accord sans hésiter. Le Pdt Mugabe était en Egypte, en visite officielle. J’ai insisté pour avoir son numéro de téléphone. Je connaissais la force de l’amitié qui unissait Mzee et Mugabe, ces 2 africains intransigeants. Mugabe, que je fais réveiller en pleine nuit, est atterré par la nouvelle. Il était au bord des larmes. Je lui ai expliqué la délicate mission dans laquelle la mort de son ami nous plongeait. Pour moi, la dépouille devrait être à l’abri de l’agitation qui commençait à gagner la ville. Nous ne savions pas comment les choses allaient évoluer. Nous nous sommes rendus à la Clinique Ngaliema. J’ai fait venir les médecins, infirmiers et autres auxiliaires médicaux qui veillaient sur le corps de Mzee. Je leur ai expliqué, sur un ton solennel et ferme : « Ecoutez-moi. La mort d’un Président est une affaire d’Etat… Je vais faire appel à votre sens de responsabilité. Je vous demande de garder ce secret avant la diffusion officielle de la nouvelle. De toutes les façons, à partir de cet instant, vous ne pouvez plus rentrer chez vous… On vous amène à Harare [Zimbabwe]. » Pendant que je parlais, le corps de Mzee gisait sur un lit : le Président souriait… Oui, Mzee est mort avec le sourire aux coins des lèvres. J’ai eu un pincement au cœur… Cette image du Président gisant sur un lit, banal, sans vie, me hante encore… Le premier scénario était de transporter le corps de Mzee par hélicoptère. Mais ça n’a pas marché : le siège était trop étroit. Nous avons dû nous rendre alors en voiture, en utilisant l’ambulance de l’hôpital. L’hélicoptère nous avait précédés. Tout le personnel de l’hôpital qui était au courant de l’accident était embarqué pour l’étrange voyage à destination de Harare. Y compris le chauffeur de l’ambulance… Le lendemain matin, nous avions dû maintenir, au niveau des médias, que la version suivante : « Le Président a été victime d’une tentative d’assassinat. Il a été grièvement blessé, mais il n’est pas mort. Il est au Zimbabwe en soins intensifs. » Mais notre stratégie sera très vite battue en brèche à cause du comportement de certains ministres

RD Congo. 16 Janvier 2001 : la version d’un témoin…

RD Congo. 16 Janvier 2001 : la version d’un témoin…

Le Président congolais Laurent-Désiré Kabila est assassiné pendant qu’il travaille dans son bureau, au palais de Marbre, accordant quelques audiences de « routine ». Mwenze Kongolo, un des plus proches collaborateurs du Président LD Kabila, et qui est alors son Ministre de la Justice, a sorti, en 2007 aux Editions L’Harmattan, son livre « Ma Part de Vérité », dans lequel il dévoile, pour la première fois, dans les menus détails, ce qui s’était réellement passé, en cette fin de matinée du mardi 16 janvier 2001. Il s’agit d’un récit d’un étrange deuil : à la fois politique et personnel, pour l’auteur, pour le peuple congolais. J’ai sélectionné pour vous ces extraits, tirés des pages 120, 121 et 122, sur la gestion de la situation, aux heures qui ont suivi l’assassinat de L Kabila. [Page 120] Mais, comme on le verra par la suite, l’attitude responsable de Eddy Kapend sera mal interprétée ; le procès sur l’assassinat de Mzee sera, pour ce dernier, un procès à charge alors que ce brave compatriote ne faisait que son de voir. Moi aussi, je ne pensais qu’à mon devoir. J’ai pris l’initiative d’étendre le cercle de la réflexion. Je trouvais en effet important que l’on réfléchisse ensemble sur la grave situation. J’ai appelé le Chef de la Garde présidentielle ; le Général Tango Tango. J’ai fait venir certains ministres. Je demanderai à l’intendant du Président d’envoyer un avion pour aller chercher le Général Joseph Kabila qui était au Katanga. Pour moi, sa présence était indispensable et naturelle : il était l’aîné de la famille. J’ai appelé aussi les Généraux Yav, Olenga et Lwetcha. Dans la nuit, j’apprends – par Eddy Kapend qui venait d’être informé par Mashako – la mort de Mzee. La tension s’amplifiait… Je me souviens de Eddy Kapend me demanda, inquiet : ‘’Mais qu’est-ce qu’on va faire ?’’ En effet, il fallait réfléchir rapidement, avant que la panique nous domine, nous pousse à des actions infructueuses et maladroites. L’avion qui ramenait Joseph Kabila à Kinshasa arriva vers 2 heures du matin. Arrivé à Kinshasa, Joseph Kabila se rendra tout de suite à la Cité de l’OUA, sous la protection du Général zimbabwéen Tshingombe qui commandait ‘’Task Force’’. La même nuit, vers 3h du matin, nous allions gagner à notre tour la Cité de l’OUA. Nous y trouverons le Général Olenga, et deux autres généraux zimbabwéens. J’étais le seul civil. Je n’ai pas pris des gants et je leur ai annoncé sans détours : ‘’Mzee est mort…’’ [Page 121] Un silence lourd planait au-dessus de nous. La tension était extrême. Une tristesse indicible habitait chacun de nous. Mais j’ai poursuivi mon propos en m’adressant à Joseph : ‘’Ecoute, tu es un homme… La situation est grave. II faut prendre tes responsabilités.’’ Le Général [Zimbabwéen] Tshingombe prit mal ma suggestion : ‘’Mais la politique, c’est une affaire de civils…’’Je continuais sur ma lancée : ‘’Il faut sauver la nation… Il n’y a que le fils de Kabila pour assurer la relève… ‘’ Eddy Kapend était d’accord, le Général Olenga aussi. Joseph était d’accord, aussi, évidemment. C’est encore moi qui allais proposer l’évacuation du corps de Mzee pour Harare. Séance tenante, nous allions appeler au téléphone le Chef d’Etat-major zimbabwéen. Il était lui aussi choqué par la nouvelle. Il donna son accord sans hésiter. Le Président Mugabe était en Egypte, en visite officielle. J’ai insisté pour avoir son numéro de téléphone. Je connaissais la force de l’amitié qui unissait Mzee et Mugabe, ces deux africains intransigeants. Le Président Mugabe, que je fais réveiller en pleine nuit, est atterré par la nouvelle. Il était au bord des larmes. Je lui ai expliqué la délicate mission dans laquelle la mort de son ami nous plongeait. Pour moi, la dépouille devrait être à l’abri de l’agitation qui commençait à gagner la ville. Nous ne savions pas comment les choses allaient évoluer. [Page 122] Nous nous sommes rendus à la Clinique Ngaliema. J’ai fait venir les médecins, infirmiers et autres auxiliaires médicaux qui veillaient sur le corps de Mzee. Je leur ai expliqué, sur un ton solennel et ferme : ‘’Ecoutez-moi. La mort d’un Président est une situation politique grave, une affaire d’Etat. Je vais faire appel à votre sens de responsabilité. Je vous demande de garder ce secret avant la diffusion officielle de la nouvelle. De toutes les façons, à partir de cet instant, vous ne pouvez plus rentrer chez vous… On vous amène à Harare [Zimbabwe].’’ Pendant que je parlais, le corps de Mzee gisait sur un lit : le Président souriait… Oui, Mzee est mort avec le sourire aux coins des lèvres. J’ai eu un pincement au cœur… Cette image du Président gisant sur un lit, banal, sans vie, me hante encore… Le premier scénario était de transporter le corps de Mzee par hélicoptère. Mais ça n’a pas marché : le siège était trop étroit. Nous avons dû nous rendre alors en voiture, en utilisant l’ambulance de l’hôpital. L’hélicoptère nous avait précédés. Tout le personnel de l’hôpital qui était au courant de l’accident était embarqué pour l’étrange voyage à destination de Harare. Y compris le chauffeur de l’ambulance… Le lendemain matin, nous avions dû maintenir, tant au niveau des médias que des institutions de la République, la version suivante : Le Président a été victime d’une tentative d’assassinat. Il a été grièvement blessé, mais il n’est pas mort. Il est au Zimbabwe en soins intensifs. Mais notre stratégie sera très vite battue en brèche à cause du comportement de certains ministres qui, pris de peur, sont allés demander asile auprès de certaines ambassades, celle de la Belgique notamment. Et celle-ci éprouvera un malin et malsain plaisir à annoncer dans les médias internationaux la mort de Mzee. Je dois reconnaître que la fuite dans les médias de masse provenait aussi des autorités zimbabwéennes ; elles n’étaient pas aussi précautionneuses comme nous. Et cela se comprend. La priorité était alors pour nous de combler le vide laissé par Mzee : un grand vide au regard de sa forte popularité.