Grand prix Epitomé de poésie : Marie-Léontine Tsibinda et Florent Sogni Zaou honorés

Grand prix Epitomé de poésie : Marie-Léontine Tsibinda et Florent Sogni Zaou honorés

L’Association Tchicaya U Tamsi présidée par Antoine Yirrika a attribué, le 17 décembre 2019 à Brazzaville, au cours d’une soirée du Festival international Mantsina sur scène, le Grand prix Epitomé de poésie, aux poètes congolais, Marie Léontine Tsibinda Bilombo pour son recueil, « La tourterelle chante à l’aube » et Florent Sogni Zaou pour son recueil « Sanglots pour Loango ». «Je suis honoré de ce prix de reconnaissance qui m’a été décerné et tout ce que je peux dire, c’est un grand merci aux organisateurs pour avoir porté leur choix sur ma modeste plume », a dit en substance le poète, romancier, essayiste, nouvelliste et dramaturge, Florent Sogni Zaou, présent dans la salle de l’IFC. Madame Tsibinda Bilombo, vivant au Canada, n’était pas présente. « La Tourterelle chante à l’aube » de Marie Léontine Tsibinda Bilombo, a dit Antoine Yirrika,  est un élan d’envol et de quêtes ouvreurs du portail d’émancipation de l’être entre les dernières résistances de la nuit et la poussée du jour. Cette somme construite comme une anthologie poétique personnelle comprend quatre anciens titres plus un cahier d’inédits. Selon lui, si les premiers titres de cette poétesse congolaise circulant entre le Mayombe et les forêts boréales du Canada l’ont classée bien avant la mode d’aujourd’hui, parmi les amoureux de la nature et de la terre-mère, les inédits du cinquième cahier, sous le titre « Soleil mon seul pays », donnent à lire une créatrice civique inspirée et combative, dont la fraîcheur et la hauteur de l’indignation étonnent et emportent l’adhésion la plus amicale. L’ouvrage a été publié aux éditions L.C. et préfacé par Boniface Mongo-Mboussa. Nouvelliste, conteuse et dramaturge congolaise résidant actuellement au Canada, Marie-Léontine Tsibinda est née en 1958 à Girard, une localité située à quelques kilomètres de Pointe-Noire, dans le département du Kouilou. En 1980, elle publie son premier recueil, « Poème de la terre », qui fait d’elle la toute première femme écrivaine du Congo. Publié en mai dernier, aux éditions Renaissance Africaine, « Sanglots pour Loango » de Florent Sogni Zaou est un recueil de cinquante-trois poèmes en vers libres, écrits tant en français qu’en vili, une langue ethnique du Congo. Cet ouvrage est une nostalgie du royaume Loango, qui, à en croire l’auteur, autrefois cité de grâce et de rire, s’est quasiment éteint. La poésie de Florent Sogni Zaou s’inscrit dans la veine élégiaque, marquée par une émouvante sincérité du sentiment. Qu’il ferme les yeux, et voici que défilent, sinistres, des caravanes de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, la terreur à la prunelle, avançant sous le fouet levé du garde qui a oublié qu’ils sont ses frères. Journaliste de formation, Florent Sogni Zaou est auteur de plusieurs ouvrages dans presque tous les genres littéraires. Il est actuellement le président du Pen Centre Congo-Brazzaville, troisième vice-président du bureau exécutif des Pen Afrique francophone et promoteur de la rentrée littéraire du Congo et des Gourmandises poétiques. C’est la première fois que ces distinctions attribuées. Les ouvrages sélectionnés pour y participer concernaient les recueils de poèmes publiés chez un éditeur national ou international, en langue française ou congolaise, dans la période allant du 22 avril 2018 au 10 avril dernier, soit quelques jours avant l’ouverture de la deuxième édition. Tchessess Eléazar

LA POÉSIE CONGOLAISE. La tourterelle chante à l’aube (1) de Marie-Léontine Tsibinda

LA POÉSIE CONGOLAISE. La tourterelle chante à l’aube (1) de Marie-Léontine Tsibinda

Depuis janvier 2019, la romancière, nouvelliste, dramaturge et poétesse Marie-Léontine Tsibinda nous invite à savourer les mélodies que chante « la tourterelle à l’aube », en traçant un accent circonflexe qui va de son Congo natal à son Canada d’adoption À travers ce chant de la tourterelle, s’étale l’inspiration poétique.de Marie-Léontine Tsibinda en un seul volume, de sa vie d’étudiante à l’âge adulte. Sur plus de deux cents pages,difficile de tout prendre sans faire un effort de synthèse dans la mesure où s’y reflète l’enfance de la poétesse au cœur de ses souvenirs, quelques éclairs sentimentaux et son pays marqué par les guerres civiles des années 90. Elle retrouvera le goût de vivre hors frontières plus précisément dans le froid canadien. La tourterelle chante à l’aube, un condensé de textes en Cinq livres qui s’interpellent les uns les autres. L’enfant-poétesse Au cœur des souvenirs, naissent les premiers balbutiements poétiques. Marie-Léontine Tsibinda n’a pas échappé à ses souvenirs d’enfance ; aussi l’image qui revient de temps à autre, c’est celle de son village natal,  Girard au bord de la rivière Loukoula : « J’ai salué ma Loukoula aux eaux sombres / (…) Je vous dois mes pas d’enfance / Je vous dois mes pas de jeunesse »(p.48).. Mais, de son Girard natal, émerge, à certains moments, l’image de ses parents : « Tu sais maman / J’ai rêvé de toi / (…) dans le ciel constellé de Girard / tu marchais et moi comme un ombre »(p.54). Mais, dans ce silence de l’enfant-poétesse, défilent les astres, la nature ; car pour elle, « la mer est toujours belle  / et le soleil fidèle au rendez-vous » (p.104). Aussi, faut-il lire cet ouvrage du début à la fin pour réaliser sa richesse poétique, particulièrement dans ses « Poèmes de la terre » publiés en 1980. C’est au cours de cette décennie que Marie-Léontine Tsibinda est admise dans le cénacle des poètes  de son pays. Et dans sa poésie, elle n’oublie pas d’évoquer ses « parrains » tels Sylvain Bemba, Tchicaya U Tam’Si, Sony Labou Tansi… Sa passion pour le Congo culturel se prolonge à travers la peinture de Gotène et la poésie chantée pour que « Delalune, Delapoussière, Moundanda, Essous 3S, Pamelo Mounka, Mamy Claudia et Pierrette Adams l’entonnent afin que jamais le Congo ne disparaisse » (p.222). Mais, au cœur de cette enfance qui sied déjà avec sa juvénilité, explosent quelques étincelles sentimentales de femme sensible et sensuelle. Quelques élans de cœur amoureux La poésie de Marie-Léontine Tsibinda est plus portée vers l’analepse qui définit son enfance et sa jeunesse, ainsi que sa vie d’adulte, rattrapée par le destin tragique de son pays. Mais à travers le pont qui relie l’âge-enfant à l’âge-adulte, la poétesse revoit l’image de l’homme aimé : « à l’heure du firmament / si tu m’emportes / dans le désert brûlant / (…) aux pays des oueds grondants / je serai ton oasis / et toi mon roi d’ébène… » (pp.139-140). Le côté sentimental devient plus pertinent quand elle s’adresse plus intimement à l’être aimé : « Je sertirai  ta tête /  de rayons de soleil / et ta bouche / de gouttes de rosée / (…) Amour tu viendras ouragan mugissant / ravir à la mer / les sables de ses mélancolies » (p.198). Il faut reconnaitre que La tourterelle chante à l’aube n’a pas ce lyrisme sentimental que nous rencontrons, par exemple, dans Les Amours de Pierre de Ronsard ; Chez Marie-Léontine Tsibinda, ces élans sentimentaux se révèlent par moments à travers ses souvenirs juvéniles. Et dans cette poésie qui devient mature avec le temps, se découvrent des textes qui dessinent, à l’encre rouge, le tableau sombre de son pays et de l’Afrique. Le Congo et l’Afrique dans le cœur de la poétesse Difficile de lire la poésie africaine sans un lyrisme national et panafricain. La poésie de Marie-Léontine Tsibinda n’échappe pas à ce penchant. C’est le Congo de son enfance qui se réveille en elle dans ses premiers ses textes de ses Poèmes de la terre où on peut lire : « De Girard un tunnel souterrain mène à les Saras (…) / On dit encore que Loukoula ma rivière / possédait  dans son verger un safoutier maléfique » (p.31). Ce Congo où il fait bon vivre qui va se métamorphoser au fil du temps en un monstre. C’est le Congo des guerres civiles qu’elle va quitter malgré elle, à la recherche d’un ailleurs paisible : « Congo d’insurrection et de barricades, de  crimes et de culpabilités, de malheurs et de honte, de cris et de larmes, de viols et de vols, de coeurs qui s’affolent et s’effilochent » (p.219). Aussi, continue à chanter la tourterelle pour apaiser les hurlements des canons et des fusils qui accompagnent le destin de notre poétesse dans des nuits d’angoisse et de prières. De son Congo natal dont elle a chanté les heurs et malheurs, Marie-Léontine Tsibinda  souffre de son Afrique martyrisée : « Quand on tue / L’Afrique / la terre entière saigne / le ciel verse des larmes de sang » (p.165). Une Afrique dont les  valeureux fils soucieux de son avenir se sont confrontés à la méchanceté de l’Occident. Aussi, la poétesse n’oublie pas certains qu’elle glorifie : « Rouge le sang de Ben Barka / Rouge le sang de Patrice Lmumba / Rouge le sang de Martin Luther King / Rouge le sang de Franklin Boukaka / Rouge le sang de Steve Biko » (p.233). À cela, il faut ajouter l’honneur fait aux femmes noires pour leur identité telles Rosa Parks, Kimpa Vita, Angela Davis, Christian Taubira… (p. 237). À travers le martyre de ces figures emblématiques noires qui ont perdu leur vie pour leur peuple, Marie-Léontine découvre le racisme de l’homme blanc qui va perdurer par le système de l’apartheid du côté de l’Afrique du sud : « On dit que là-bas /  bousiller nu Noir / est chose courante / (…) on me crie apartheid / est-ce vraiment nouveau / on me crie racisme » (p.163). Le goût de vivre retrouvé au-delà des frontières congolaises Face à l’atrocité des guerres civiles de son pays, l’écrivaine pense à d’autres ailleurs plus paisibles : « Devant une telle barbarie, je n’avais qu’une seule solution raisonnable : la