CONGO. MADAME GRENARD (suite 5)

CONGO. MADAME GRENARD (suite 5)

HISTOIRE. Lorsque le mercredi 2 avril 1930 à 8 heures commence le procès des amicalistes devant le tribunal indigène du second degré de la circonscription du Pool, audience tenue dans une salle du rez-de-chaussée de la mairie de Brazzaville (un ancien bâtiment au même endroit que celui d’aujourd’hui, détruit en 1960) avec au prétoire Marius Camp, à la question sur son état matrimonial, Matsoua répond « Marié. Avec une française. Blanche ». Julie apparaît pour la première fois dans les archives de police parisienne le 12 de janvier 1929, lorsqu’un commissaire de police de la ville de Paris, Louis Lefèbvre, flanqué de trois de ses assistants, fait irruption dans son nid conjugal du 79, rue Notre-Dame-de-Nazareth, dans le 3e arrondissement. La chambre, puisqu’il s’agit bien d’une simple chambre, fait également office de siège social officiel de l’Amicale. La dame qu’ils y trouvent leur répond facilement: « Grenard est mon ami, déclare t-elle au commissaire qui prend note, et nous vivons ici tous les deux. Mon ami est absent il doit être à l’hôpital Lariboisière, car il est atteint d’un abcès à la cuisse. » Jeune Bretonne, d’origine sociale modeste, absolument pas politisée et craignant l’autorité, les policiers tireront d’elle toutes les informations qu’ils voudront sur Matsoua et l’Amicale. « Il y a ici quelques papiers qui concernent son association, mais il y en a peut-être aussi 2 rue du Boulois, où se réunit chaque mois l’association » lâche Julie, honnête et persuadée que son ami l’est aussi. La police embarquera toute la paperasserie sur laquelle on pourra mettre la main. Elle se refuse cependant de reconnaître la mise sous scellé des documents confisqués par la signature qu’on lui demande d’apposer. Julie Alexandrine Plevert est née le 12 avril 1902 à Auray dans le Morbihan, elle est la troisième d’une famille de six enfants. Son père, Jules Plevert, travaille comme débitant de boissons au quai du port de Saint-Goustan à Auray et sa mère, Marie-Louise Leju, est ménagère. Matsoua l’a rencontrée à l’hôpital Cochin où lui travaille comme aide-comptable et elle comme fille de salle. Ils ne sont pas mariés, bien qu’elle signe ses lettres « Mme Grenard ». Elle est une compagne attachée, mais effacée dans l’action publique comme à peu près tous les Bretons à l’époque, région particulièrement marginalisée et dont les ressortissants s’intègrent aussi mal à Paris que les étrangers dont ils s’entichent souvent. Elle n’effleure que très superficiellement l’action du mouvement. Elle connait les acteurs qui pour elle sont avant tout les amis de Grenard, et les appelle par leurs sobriquets familiers que les congolais aiment se donner dans leurs milieux. En la quittant, les inspecteurs ne manquent pas de remarquer que Julie est enceinte jusqu’aux yeux. Par Hervé Mahicka