RDC : Est-ce le retour à une justice à deux vitesses ?

RDC : Est-ce le retour à une justice à deux vitesses ?

TRIBUNE. Une justice à deux vitesses? C’est en tout cas cette impression que le procès de Sieur Barnabé Milinganyo jugé tout récemment a laissée. Et voici de quelle manière? Depuis quelques semaines, ce monsieur a multiplié des déclarations fracassantes qui ont fait mouche jusqu’à ce que les services spécialisés s’y intéressent de plus près. Son arrestation manu militari à son domicile par des agents de l’ANR suivie immédiatement de sa comparution et sa condamnation étaient devenues quasi inévitables au regard des troubles à l’ordre public auxquels il exposait le pays. Personnellement je me suis dès le début inscrit en faux contre le comportement incivique de ce monsieur qui, vantant son passé de kadogo (sic!), a maintes fois invoqué l’usage des armes en RDC et a appelé à l’arrestation du président de la République jusqu’à lui souhaiter la mort physique. De tels propos touchant à l’intégrité physique d’un citoyen, qu’ils soient adressés contre le président ou contre un simple citoyen lambda sont et resteront inacceptables. Je les condamnerai toujours avec véhémence d’où qu’ils viennent, car ils attentent à la sécurité d’un peuple et de tout citoyen qui se veut sujet de dignité inviolable et de droit. Mais là où les bâts blessent et où j’exprime clairement mon désaccord, c’est exactement sur cette impression d’une justice à deux vitesses. Tout le monde sait que selon la procédure en flagrance qui a poussé la justice congolaise à recourir à des mesures coercitives, l’infraction qui venait de se commettre a été qualifiée de flagrante et le verdict de condamnation de son auteur n’a donc pas trainé. Mais mon désaccord concerne l’impression de cette justice à deux vitesses mise en œuvre par le pouvoir actuel de l’UDPS. Il nous suffit d’aller sur YouTube pour répertorier tous les fatwa émis par les dirigeants de ce parti contre l’ancien président et contre ses collaborateurs, les injures et menaces contre leur vie. Outre les violences, saccages et actes d’intolérance dont les marches de colère de ce parti se sont distinguées ce dernier temps, c’est surtout à la responsabilité de ses dirigeants qu’il faille rappeler certains faits tout autant délictueux. En plein stade des martyrs bondé de dizaines de milliers de personnes, l’alors opposant Félix Tshisekedi et son défunt père ont traité publiquement de rwandais Joseph Kabila et de burundais Vital Kamerhe avec lesquels le fils va curieusement faire alliance à Nairobi et à Kingataki. L’argument d’offense au chef de l’état invoqué hier au procès n’est-il pas en train d’être utilisé à sens unique et d’une manière sélective selon les circonstances favorables à la partie lésée? Il y a quelques mois, devant sa base de Limete, le président ad interim actuel de l’UDPS a expressément promis à ses propres alliés de la coalition (devenus brusquement adversaires politiques dès sa radiation au bureau du parlement) de les faire nager dans le fleuve Congo pour être poussés en exil vers Brazzaville alors que la loi congolaise interdit formellement à quiconque d’envoyer un autre citoyen congolais en exil. Ce n’est pas tout! Lorsque le secrétaire général actuel de ce même parti qui venait de lancer l’opération « Toyebi ndako » a exposé un officiel congolais à la vindicte populaire en appelant publiquement sa base à “régler le compte” au Ministre congolais de finances ou lorsque l’autorité de la présidente de l’Assemblée Nationale a été déshonorée et traînée dans la boue parce qu’arrosée publiquement d’insultes désobligeantes touchant jusqu’au détail de ses parties intimes et que sont médiatisées tant d’autres injures ordurières dont beaucoup de tribuns du parlement debout se sont rendus très célèbres, l’on est surpris de constater qu’il n’ y a aucune procédure judiciaire engagée. Pour les faits similaires de justice, on est condamné ou non selon qu’on est du côté des vainqueurs ou des vaincus. La même flagrance sur la sécurité du territoire a été tout récemment constatée avec un Moise Nyarugabo furieux de la tournure que prenait le dossier Minembwe et qui a publiquement menacé de déclencher une guerre contre le peuple congolais, et rien non plus n’a été fait à son encontre. Et pourtant ces menaces de Nyarugabo sont le copier-coller des mêmes propos qui avaient commencé dans la bouche de l’ambassadeur Karega, repris ensuite par Joseph Kabila dans sa lettre à ses ex pairs africains avant d’être répercutés par Barnabé sur des plateaux de télévision ! Peut-on nous expliquer pourquoi Barnabé est arrêté et Nyarugabo reste intouchable et continue à courir librement dans les rues de Kinshasa sans être inquiété ? De toute évidence l’actuel pouvoir est en train de tomber dans l’arbitraire en appliquant à l’un la rigueur de la loi exemptée chez l’autre. Donnant ainsi le visage d’une justice instrumentalisée et devenue le bras répressif d’un camp contre un autre. Il faut de l’ordre public et l’Etat a tout à fait raison de s’y appliquer. C’est là une de ses prérogatives constitutionnelles. Mais de grâce ! L’on demande au moins que la loi soit égale pour tous! On réalise simplement qu’on est loin du compte d’une justice équitable à tous en RDC. Il faut sonner le tocsin avant que ce ne soit trop tard… Par Germain Nzinga (Chercheur indépendant)