Congo. Discours prononcé le 15 août 1960 par le Président de la République, l’abbé Fulbert Youlou
15 Août 1960 – 15 Août 2020: Commémoration des 60 ans de l’Indépendance de la République du Congo. Ci-dessous, le Discours prononcé le 15 AOÛT 1960 par le Président de la République, l’Abbé FULBERT YOULOU: Monsieur le Représentant du Président de la Communanuté, Excellences, Mes Chers Compatriotes, Mesdames et Messieurs, A quelques pas d’ici, dans ce stade auquel notre reconnaissance émue a donné le nom d’un grand Français de race Noire, le Gouverneur Général Félix Eboué dont nous avons honoré hier la mémoire, dans le stade Eboué dont nous voici près de deux ans, le Général Charles de Gaulle exposait aux populations congolaises sa conception de la Communauté franco-africaine destinée à transformer le régime désuet de la colonisation en un régime de coopération fraternelle et d’entraide.A son appel, nous avons tous répondu d’une manière unanime par le « Oui » massif du référendum du 28 septembre 1958. Le 28 novembre de la même année, l’Assemblée territoriale proclamait que l’ancien territoire du Moyen-Congo devenait la République du Congo. Le 28 juillet 1959, l’Assemblée nationale a ratifié les accords passés avec la République Française par lesquels nous avons accédé cette nuit même à l’indépendance. Cette indépendance de la République du Congo, mes chers concitoyens, je la proclame solennellement et universellement, en présence du Représentant personnel du Général de Gaulle, Président de la Communauté ; nous sommes ici tous associés, en cette heure historique, à la réalisation du vœu unanime, du désir le plus cher de tout notre peuple.Vous allez manifester à juste titre votre allégresse, car il est bien vrai que nous vivons un jour faste et ce 15 août 1960 doit être consacré à la joie. Mais cette journée doit être aussi un moment de réflexion, car elle marque une étape essentielle de la vie de notre Etat. Mes amis, nous atteignons aujourd’hui notre majorité. Nous sommes comme le jeune homme qui est devenu adulte ; il acquiert la liberté de se diriger seul, comme il l’entend, comme il le désire, il reçoit de ses parents une dot pour l’aider à démarrer dans la vie et dont il dépendra de lui qu’il l’utilise sagement, la fasse fructifier ou la dissipe. Notre dot à nous, mes amis, c’est d’abord le fruit de plus de 75 ans d’amitié et de vie en commun avec la France. Ce sont les grands travaux qu’elle a édifiés sur notre sol, c’est la connaissance de la langue française que vous avez et qui vous permet de vous faire comprendre dans le monde ; c’est une façon commune et identique de peser les valeurs humaines, de respecter le travail et le bien d’autrui, de vous aimer les uns les autres. C’est aussi l’union qui s’est forgée entre nous Congolais de toutes races de Brazzaville à Impfondo, Ouesso et Fort-Rousset, de Djambala à Dolisie, à Mossendjo et Pointe-Noire. C’est enfin l’amitié qui nous lie à ceux que je peux appeler nos parents, aux Français de France ou qui se sont installés à demeure chez nous, nous ont aidé de leurs conseils, y ont fondé des entreprises et nous ont apporté une richesse nouvelle. Sans doute des heurts isolés, individuels ont-ils pu se produire ici et là, mais n’en est-il pas ainsi dans les familles les plus unies. Bien au contraire, nous avons toujours rendu justice à l’esprit de compréhension et de mesure de nos concitoyens d’adoption que sont devenus les Français du Congo. D’ailleurs nombre d’entre vous, qui m’écoutez en ce moment, laisserez parmi nous le souvenir de véritables amis dont le nom demeurera dans nos mémoires, comme parmi vos prédécesseurs il en est beaucoup dont nous gardons fidèlement l’image au fond de nous-mêmes. Surtout nous garderons précieusement le message que nous a apporté l’homme qui pour nous symbolise de manière si prestigieuse la France et la Communauté. Le Général de Gaulle a su apporter à l’Afrique la liberté, l’indépendance, dans l’amitié, la fraternité et l’union. Qu’il en soit à jamais remercié.Cet apport essentiel que je qualifierai de vital se superpose à notre fond propre auquel nous devons proclamer notre fierté d’appartenir. Voilà, Messieurs, ce qu’est le Congo, ce qu’il doit être : une synthèse harmonieuse de deux civilisations dont l’une plonge ses racines dans cette Afrique éternelle, massive, mais cependant si diverse, pays des grandes savanes, des profondes forêts, des fleuves immenses qui fait que nous demeurons proche des sources mêmes de notre vie et dont l’autre est la civilisation française, elle-même issue de ses apports si divers d’où est sortie la France moderne. C’est pourquoi il nous est permis de dire que de nous aussi sortira une civilisation originale digne de notre essence propre et de notre apport occidental tous deux intimement mêlés et transformés. Voilà donc la dot que notre peuple, si vieux et si jeune tout à la fois, a reçue en partage au moment où s’ouvre pour lui une carrière nouvelle. Sachons en être dignes, sachons l’utiliser au mieux, faisons que notre jeunesse réalise les promesses de notre passé. Ces jeunes, toujours plus nombreux, dont la montée croissante doit être soulignée et qui constituent notre future richesse, se pressent dans nos écoles, chaque année insuffisantes, se présentent toujours plus nombreux aux examens, aux concours, aspirent aux grandes écoles. Je vois bientôt le temps où le centre d’études supérieures qu’il a fallu créer ici pour eux se transformera peu à peu en une véritable université, dont la valeur rehaussera encore le renom de Brazzaville, donc du Congo. Le Service Civique de la Jeunesse dont vous allez voir défiler les futurs cadres est encore une preuve de l’intérêt que prend notre jeunesse aux taches de demain. Voilà d’autres raisons que nous avons d’espérer que notre Congo deviendra vite un pays toujours plus évolué, plus prospère, plus heureux. Mais pour cela, mes chers amis, sachons converser et faire fructifier cette dot que nous avons trouvée dans notre berceau. Maintenons ce potentiel, qui peut être inépuisable, d’entente et d’union. C’est un capital inestimable, ne le gaspillons pas. Tout enfant qui grandit est sujet aux maladies, puis s’affermit,