Salon du livre : Héritage de la traite négrière au Brésil et lieux de mémoire : Gorée, Ouidah et Loango
La table ronde portant sur «Héritage de la traite négrière au Brésil et lieux de mémoire : Gorée, Ouidah et Loango» a eu lieu le 22 Mars 2015 devant un public particulièrement nombreux au stand Livres et auteurs du Bassin du Congo. Au cours de cette table ronde, la directrice du musée-galerie Congo et Conseillère du Président de la République du Congo, Chef du département de la culture et des arts, Mme Lydie Pongault qu’entouraient des historiens et des universitaires comme les Professeurs Elikia Mbokolo et André Patient Bokiba ainsi que des brésiliens invités pour la circonstance, ont débattu autour des lieux de mémoire que sont Gorée, Ouidah et Loango. Mme Lydie Pongault a profité de cette table ronde pour annoncer la tenue au mois de juin prochain la tenue à Brazzaville d’un colloque international sur la Baie de Loango et la traite négrière dont le comité scientifique est composé de chercheurs français, cubains, venezueliens, colombiens, brésiliens etc. Le Professeur André Patient Bokiba a replacé les enjeux de ce colloque dans le contexte du discours politique européen et de la montée dans cette région du monde du « refus de la différence la plus élémentaire ». Les débatteurs, en l’occurrence MM Elikia M’Bokolo, Jean Hébrard, André Patient Bokiba, Florent Couao Zoti, Béatrice Tanaka, Hamidou Sall et le photographe Jean-Dominique Burton ainsi que la Comtesse Emmanuelle Vidal Simoës de Fonseca, descendante du Maréchal Manuel Déodoro da Fonseca, premier président du Brésil, qui abolit l’esclavage dans ce pays sont intervenus respectueusement sur cet héritage de la traite négrière au Brésil. Le spécialiste de la traite, Jean Hébrard, a indiqué que l’Afrique connaissait l’esclavage avant l’arrivée des européens mais que c’est à partir du 16ème -17ème siècles que l’Europe a décidé de tirer profit de l’esclavage africain à son avantage pour mettre en valeur l’Amérique. La traite atlantique reposant sur la déportation massive des africains vers les Amériques a duré du 15ème au 19ème siècle. Selon lui, des chercheurs ont réussi à estimer qu’environ 50% du Produit Intérieur Brut (PIB) français au 18ème siècle provenait du commerce du sucre produit à Saint Domingue. Ce commerce était au cœur de la richesse de l’empire colonial français et notamment des ports de Bordeaux, La Rochelle et de Nantes. Hamidou Sall a rappelé qu’à Gorée, hollandais, français et anglais se battaient pour rafler le plus d’esclaves. Pour un africain déporté, 10 étaient tués si bien que pour les 10 à 12 millions d’africains arrivés sur le nouveau continent, on pouvait estimer à 120 millions le nombre de morts. Pour Jean Hébrard, c’est le Brésil qui avait réorganisé la Traite directe entre le Congo et le Brésil pendant que le Nord de l’Amérique bénéficiait du commerce triangulaire (Afrique-Europe-Amérique). Il a expliqué que le Brésil est le dernier pays à avoir aboli l’esclavage en 1888, après avoir inventé une traite directe tout en produisant lui-même les biens nécessaires à l’échange avec les esclaves en Afrique. A au moment de l’interdiction de la traite dans l’hémisphère nord, le Bassin du Congo devint la première source d’extraction d’esclaves brésiliens. Les esclaves Kongo furent également acheminés vers Cuba, Saint Domingue et le sud des Etats-Unis par des trafics illégaux. Les professeurs André Patient Bokiba et Elikia M’Bokolo on révéla qu’on retrouvait ainsi des traces multiples de cet héritage dans la culture brésilienne à Salvador de Bahia du Proto-kikongo d’il y a 400 ans. Le portugais du Brésil est riche d’occurrences de mots africains, le pays célèbre au mois de Novembre Zumbi, un esclave provenant d’Afrique centrale, qui prit les armes pour fonder la république de Palmares. Le mouvement de retour du Brésil vers l’Afrique Le mouvement de retour du Brésil vers l’Afrique a également eu lieu. Jean Hébrard a rapporté qu’à l’issue de la «Révolte des malais » de 1835, d’anciens esclaves sont repartis en Afrique. Cette communauté des Agudas dont l’écrivain Florent Couao-Zotti, auteur des Fantômes du Brésil, est un descendant, se sont installés au Bénin où ils prospérèrent en trafiquant les esclaves. Florent Couao-Zotti témoigne d’une communauté fermée, vivant une vision idéalisée de sa culture et de sa civilisation. La Comtesse Emmanuelle Vidal Simoës de Fonseca, incarne par son histoire personnelle ce lien toujours vivant entre l’Afrique et le Brésil. Descendante du premier président du Brésil, fille du grand acteur sénégalais Douta Seck, épouse d’un membre de la famille Mobutu, elle a livré un témoignage lumineux et plein d’espoir. « L’avenir de l’Afrique, c’est nous les métis ! » a-t’elle lancé à l’auditoire présent sur le Stand Livres et auteurs du Bassin du Congo. Pour clore la table ronde le conteur Gabriel Kinsa a fait sonner la trompe et déclamé un poème en hommage aux défuntes victimes de l’esclavage.