Taata M’biemo et son combat de résistance pour la cause nationale congolaise durant les années 1940
La colonisation française au Congo-Brazzaville a été l’une des plus dures ou des plus répressives que l’Afrique noire ait connue. Dans cette colonie, le code de l’indigénat d’expression coloniale française a été appliqué de la manière la plus féroce voire de la manière la plus bestiale qui soit. Historiquement, 1887, marque le début de l’application du code de l’indigénat en Afrique. L’Algérie en est l’espace d’essai. A titre définitionnel, le code de l’indigénat est un ensemble de textes législatifs et réglementaires ayant pour objet d’organiser dans les colonies françaises le contrôle et la répression des populations dites « indigènes ». Il s’agit d’une justice répressive spéciale qui crée de nouveaux délits et de nouvelles peines, contrairement à la justice pénale applicable en métropole. De plus, elle est exercée par l’autorité administrative et non judiciaire. C’est dire que, l’Etat français disposait dans les colonies d’un régime d’exception, c’est-à-dire, d’un régime dans lequel, l’application du droit pénal relève de la compétence des juridictions administratives. Et dans plusieurs colonies, ce régime d’exception a, le plus souvent, donné lieu à des abus dans la qualification des faits ou actes de conduite sociale. C’est le cas, au Congo-Brazzaville où la divagation des individus atteints d’aliénation mentale, le vagabondage, les actes de désordre sans en définir très clairement les contours, le refus de payer l’impôt ou de s’acquitter des prestations voire le refus de prêter aide en cas d’arrestation d’un délinquant… étaient placés au rang des comportements infractionnels ou délits donnant ainsi lieu, à des sanctions pénales et ce, en application du décret du 15 janvier 1919, portant création du gouvernement de l’Afrique Equatoriale Française et du décret du 31 mai 1910, portant règlement sur l’indigénat en Afrique Equatoriale Française. Cependant, comme le relève, à juste titre Gilbert Doho « Ce qui importe avant tout, c’est la réaction des Congolais contre ces infractions spéciales. Dans leur application, il y aura beaucoup d’abus étant donné que toutes les colonies en A.E.F sont confiées aux compagnies concessionnaires. Celles-ci paient les impôts à l’Etat et se font payer en exploitant l’immense richesse des colonies…Or, au sortir de la Première Guerre mondiale, ces Africains qui ont aidé à vaincre l’oppresseur de leur oppresseur et qui ont goûté, hors des colonies, l’odeur de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, ces Africains-français vont corner les injustices dont ils sont l’objet. L’exemplarité du cas d’André Grenard Matsoua est…source d’inspiration. Il est un des rares Africains à avoir organisé les indigènes de la métropole et des colonies, à avoir protesté par écrit contre le monstrueux instrument d’animalisation des indigènes, et à avoir payé les prix de son audace. Les recherches tardent à valider un homme qui, pendant que la Deuxième Guerre mondiale, rage contre la France, est outré de constater que les Africains sont, de nouveau appelés à sauver leur oppresseur. L’ancien combattant Matsoua mène une guerre intellectuelle contre la France au sein de l’amicale qu’il crée en France. » [Gilbert Doho in « Le Code de l’indigénat ou le fondement des Etats autocratiques en Afrique francophone L’Harmattan 2017 P.214.] Taata M’biémo ou le chef coutumier M’biémo s’inscrit aussi au niveau local dans le droit fil du combat d’André Grenard Matsoua, celui d’une dénonciation des injustices dont sont victimes les Congolais vis-à-vis du pouvoir colonial français. Chef charismatique du village Tsinamana des pays de Mpangala dans le département du Pool au Congo-Brazzaville, taata M’biémo sera parmi ces hautes personnalités emblématiques de la société Traditionnelle Congolaise qui aura réussi à galvaniser des foules sur des questions d’émancipation de l’homme noir en dénonçant avec véhémence les abus voire les atrocités commises par le pouvoir colonial français. Ainsi, taata M’biémo manifestera avec ténacité sa résistance contre non seulement l’occupation française, de façon générale et plus particulièrement contre les pratiques coloniales de mépris et de manque de considération voire de manque de dignité de l’homme noir. Fils de « Mâ » Mbanza et de « Tâ » Massengo, M’biémo est né dans les années 1890 dans les pays de Mpangala dans le département du Pool. Il connaît pratiquement, une enfance et une jeunesse de résistant face à l’oppression coloniale française. Son intelligence, la droiture de son esprit, sa fermeté et son courage feront de lui, un homme exceptionnel et un haut dignitaire fort apprécié par ses pairs et ses sujets réputé notamment pour son franc parler. De coutume ou d’ethnie basundi, le chef Mbiémo sera fusillé au même titre que son frère Milongo le 5 décembre 1940, à Mayama à 15H40, à la suite d’un jugement expéditif colonial durant lequel, il n’aura bénéficier d’aucun ministère d’avocat et avec lequel, les principes d’équité, d’impartialité et d’indépendance juridictionnelle n’auront été respectés. Le procès de taata Mbiémo tenu le 18 novembre 1940 en audience publique du Tribunal indigène du second degré du Département du Pool sous la présidence de Monsieur Pierre De Buttafoco, administrateur des Colonies, chef du Département du Pool est, peut-on dire, une mascarade ou une parodie de procès. Un procès où le déroulé des débats est mené par le président beaucoup plus à charge qu’à décharge. Il dit le procès qu’il ne l’organise, de façon objective, impartiale et indépendante. Pierre De Buttafoco est un administrateur et un juge, peut-on dire, susceptible, raciste qui accepte difficilement la nuance, la différence notamment lorsque celle-ci émane de ses adversaires que sont les indépendantistes Congolais à l’instar de taata M’biémo ou taata Matsoua qu’il aurait absolument voir condamner au bûcher et contre qui, il s’est battu, corps et âme, pour qu’il soit arrêté à Paris un certain 3 avril 1940. Pierre De Buttafoco est, à la fois, juge et partie au procès faussant ainsi véritablement le jeu du débat contradictoire dans le procès M’biémo et, somme toute, du respect des droits de la défense. Taata M’biémo sera prévenu d’une part, du délit de constitution de bande armée de couteaux, de bâtons, sagaies et fusils après avoir réuni les hommes de son village Tsinamana et de Kaounga et d’autre part, d’avoir confié au nommé Milongo, son frère, le commandement de la