Michel Bohiri : «Le cinéma congolais ne fait pas suffisamment de tapage»

Michel Bohiri : «Le cinéma congolais ne fait pas suffisamment de tapage»

Venu au Congo pour le tournage d’un film de la réalisatrice Lizbeth Mabiala, l’artiste Michel Bohiri a déclaré à la rédaction de Pagesafrik (ex-Starducongo) que le cinéma congolais est dynamique mail qu’il ne fait pas suffisamment de tapage pour se faire voir et connaitre. Pagesafrik/Starducongo: Peut-on savoir les raisons de votre présence à Brazzaville ? Michel Bohiri : Je suis à Brazzaville au Congo dans le cadre du travail. Je suis ici pour le tournage d’un film, réalisé par la congolaise Lizbeth Mabiala. Je suis là depuis le 18 août 2015 et cette tâche va bientôt finir et j’envisage de regagner mon pays la Côte d’Ivoire le 4 septembre. Quelle lecture faites-vous du film congolais maintenant que vous participez au tournage d’un film sur le sol congolais ? Michel Bohiri : J’ai constaté que même si le cinéma congolais n’est pas un cinéma pauvre, il ne fait pas suffisamment de tapage. Nous sommes dans un domaine où il faut faire parler de soi, il faut se faire voir et se faire connaître. Il ne fait pas suffisamment de bruit comme on le dit vulgairement. Lorsque j’ai vu sur le net ce que fait Lizbeth Mabiala, j’ai tiqué et ai découvert qu’elle est une réalisatrice de renom. Elle fait ce parcours parce qu’on avait déjà commencé à parler d’elle dans le domaine, au Fespaco et à Cannes. Je suis donc entré en contact avec elle, nous avons échangé et avons parlé du métier. Elle m’a parlé de ses projets de films. Elle m’a proposé de venir l’accompagner et j’ai spontanément donné mon accord. Je dis en passant que je lui ai même fait pression parce que j’ai senti qu’elle avait tendance à relâcher et à ralentir. Je lui ai demandé de me donner l’occasion de venir tourner à ses côtés au Congo, ce qui devrait être un grand plaisir pour moi. Lorsqu’on j’ai entendu parler de réalisateurs congolais, j’ai pensé à deux de l’autre rive que j’ai connus, je parlerais de Mouenzé et de papa Loufou. Je ne connaissais pas véritablement de réalisateur du Congo Brazzaville. J’ai posé plusieurs questions sur la manière dont se présente le cinéma que produit le Congo Brazzaville. Alors quand j’ai vu Lizbeth, je me suis dit que j’allais approcher quelqu’un de Brazzaville avec qui j’allais parler du cinéma. C’est elle qui allait dans ce cas lever un coin de voile sur le cinéma à Brazzaville au Congo. Peut-on avoir une idée du point de départ de votre forte visibilité ? Du groupe Ma famille à travers lequel le public congolais vous a connu ou d’un autre ? Michel Bohiri : Je suis un acteur professionnel depuis 1985. J’ai fait l’école de théâtre, je suis un comédien professionnel. En Côte d’Ivoire, on me connaissait beaucoup parce que je participais à plusieurs de téléfilms. Je faisais beaucoup de spots publicitaires et beaucoup de planches. J’avais tendance à taquiner mes amis en leur disant que je n’étais pas populaire mais que j’étais célèbre. Mais il est vrai que c’est le groupe Ma Famille qui m’a fait véritablement connaître au-delà des frontières de la Côte d’Ivoire. Il faut dire que j’ai profité du cadre de ce téléfilm et c’est aussi parce que j’y ai investi tout ce que j’avais comme passion pour ce métier et il me l’a bien rendu. Je remercie Dieu parce que ce n’est pas évident qu’on réussisse à faire de sa passion son gagne pain. Maintenant, on fait du chemin et on espère aller le plus loin possible. Qu’en est-il du groupe Ma Famille aujourd’hui ? Michel Bohiri : La production de ce groupe est suspendue pour des raisons de production pour ainsi parler. Depuis un an, il est de plus en plus question d’une éventuelle reprise. A mon avis, les conditions techniques et financières ne sont pas encore tout à fait réunies. Il y a en ce moment des partenaires qui sont autour de ce projet. Selon la productrice, on devrait reprendre incessamment. Comment vivez-vous votre forte visibilité ? Michel Bohiri : Ce n’est pas facile. C’est à peine si on a une vie. Comme le disait tout à l’heure mon ami et collègue Rock Banzouzi, c’’est insupportable. C’est acceptable avec moi, mais c’est plus insupportable avec mon ami Michel Gohou. J’en suis arrivé à lui dire que je ne me promènerai plus avec lui. Dès qu’on le repère quelque part, c’est foutu, tout le monde vous entoure et on ne peut pas se défaire de ce monde d’admirateurs. C’est à peine si les gens pensent que vous pouvez vous aussi être stressé à un certain moment. Vous êtes obligés d’être au rendez-vous de la joie avec tout le monde. Ce n’est pas évident et ce n’est pas facile à supporter. Propos recueillis par Florent Sogni Zaou

Sorel Boulingui : «Le cinéma congolais a presque disparu au Congo»

Sorel Boulingui : «Le cinéma congolais a presque disparu au Congo»

Sorel Boulingui est un des artistes comédiens et acteurs de cinéma qui se bat pour le maintenir en selle. Il a déploré, lors de sa rencontre avec Pagesafrik (ex-Starducongo) à Ouesso dans le département de la Sangha, la descente aux enfers de la culture congolaise en général et du cinéma en particulier. Pagesafrik/Starducongo : Vous dites que vous êtes un artiste comédien mais est-il possible de dire à nos lecteurs ce que c’est un artiste comédien ? Sorel Boulingui : Un artiste comédien est une personne qui fait de la comédie et un artiste musicien est la personne qui fait de la musique. C’est un canal par lequel on peut accéder au cinéma. Vous dites que vous êtes un artiste congolais mais ce métier est-il connu du public congolais ? Sorel Boulingui : Ce métier était considéré par les congolais à un certain moment. Nous ne devons pas oublier que le Congo a eu des grands comédiens qui ont fait valoir le Congo sur le plan artistique tant national qu’international. Il y a de ce fait une génération qui a fait parler de ce métier noble avec un public qui les a accompagnés pendant des années. Ce métier a commencé à décliner au début des années 80. On peut dire qu’il est en berne et mieux, inexistant. Les quelques artistes encore en activité se battent avec leurs propres moyens pour tenter de la pérenniser. C’est un métier de combat, de résistance. Est-il vrai que les comédiens sont des provocateurs qui passent leur temps à ne rechercher que la petite bête ? Sorel Boulingui : ce sont les affirmations de certaines personnalités. Aujourd’hui, on classe les activités culturelles en fonction des aspirations et de vocations. On dit que le comédien est un provocateur, simplement parce qu’il n’a pas sa langue dans la poche comme l’écrivain. Nous puisons dans la littérature ou nous nous inspirons du vécu quotidien de la société. Nous ne faisons pas de l’art pour l’art. Selon mon analyse, l’art est avant tout engagé. Je rappelle que lorsqu’on est engagé dans l’art, il faut choisir des contextes pour dénoncer ce qui est dénonciable ou faire valoir ce qui a de la valeur. On ne saurait dire que le comédien est la personne qui perturbe. Sinon, que dire des musiciens, des politiciens ? Nous avons connu des musiciens qui ont dénoncé le comportement des hommes politiques et de manière particulière les gouvernants. C’est peut-être pour ces dénonciations que ce métier n’est pas financé ou soutenu. Pour eux, ce métier devrait être au service de certaines personnalités qui aiment toujours recevoir des salves d’applaudissements. Je ne pense pas que les artistes devraient vivre ce qu’ils vivent. On reconnait que le comédien passe son temps à dénoncer, c’est ce qui explique la réticence de certaines personnes quant à apporter un tant soit petit soutien aux artistes comédiens. Vous êtes aussi acteur de cinéma comme vous l’avez dit au début de cet entretien, vous est-il arrivé de parler de cet art avec les cinéastes et surtout avez-vous concocté un plan de remontée de la pente ? Sorel Boulingui : Nous essayons de remonter la pente. Le théâtre, comme vous le savez, bat sérieusement de l’aile. Le cinéma congolais, on peut le dire sans risque de se tromper, a presque disparu, à l’exception de quelques réalisateurs qui essaient de se battre de jour comme de nuit. Le cinéma est le septième art. C’est un art assez complexe et qui nécessite beaucoup de moyens financiers et matériels, un investissement complet. Le Congo est un pays qui pourrait apporter un soutien tant matériel que financier aux artistes et aux cinéastes. Je crois qu’il y a une certaine volonté manifestée pour faire valoir la chose. Vous ne pouvez pas vous imaginer des pays comme ceux de l’Afrique de l’Ouest où les gouvernants ont manifesté la volonté d’accompagner les cinéastes dans leur action. Ici au Congo, on ne voit pas. Pourquoi ? Il y a eu à Brazzaville, un collectif de cinéastes congolais dénommé Tozali, incluant les cinéastes de la diaspora et les locaux ainsi que les acteurs. Ils ont tenté de faire valoir les œuvres artistiques et purement cinématographiques, mais qui n’ont jamais bénéficié d’un quelconque soutien. Ce sont des individualités qui se débrouillent avec leurs propres moyens pour créer des œuvres. Lorsque nous participons à certains films, en tant qu’artiste comédien, nous sommes obligés de puiser dans nos propres poches pour accompagner les réalisateurs afin de trouver ensemble les meilleures possibilités de faire valoir ce cinéma. Comment se porte votre art sur le plan international après le tableau sombre que vous venez de peindre sur le plan national ? Sorel Boulingui : Sur le plan international, on peut dire que c’est un problème de coopération. Vous savez que lorsqu’un pays a des accords de coopération culturelle avec un autre, le pays accompagne les artistes nationaux pour aller se produire à l’international. Par contre, lorsqu’un pays n’a pas de partenaires à l’étranger, ce sont donc les artistes qui créent les conditions pour se frayer des voies et trouver des créneaux pour une visibilité. Je crois que c’est ce qui se passe présentement au Congo. Je doute qu’il y ait à ce jour un groupe d’artistes qui a été soutenu par les pouvoirs publics pour aller se produire à l’extérieur. Je vous informe que dans le domaine du théâtre par exemple, chaque artiste essaie de trouver son créneau pour aller se vendre hors du pays. Les artistes peuvent être très connus à l’étranger mais ne bénéficient d’aucune considération dans leur pays. Ce n’est que lorsqu’il a forcé les portes par ses propres moyens qu’on vante ses mérites et on crie partout que c’est le fils du pays et on a un petit regard sur lui. Je ne dérange personne si peux affirmer que le cinéma ou le théâtre sur le plan international est une affaire de coopération entre artistes ou entre individus. Je ne pense pas qu’on se représente des artistes comme Dieudonné Niangouna, Rufin Mbou qui