Congo. Pascal Lissouba traité en ennemi plutôt qu’un adversaire politique

Congo. Pascal Lissouba traité en ennemi plutôt qu’un adversaire politique

TRIBUNE. C’est assez navrant de constater le concert d’hommages suscité par la disparition du professeur Pascal Lissouba, ancien chef d’Etat congolais ; lequel, il faut le rappeler, a été chassé du pouvoir des suites du coup d’Etat sanglant du 5 juin 1997 par le puschiste multirécidiviste et bourreau du peuple Denis Sassou Nguesso. On est en même temps surpris de voir ces hommages venir d’un camp dont on s’y attendait le moins ; c’est-à-dire du pouvoir, notamment du PCT. Une formation politique, véritable calamité pour le Congo, surfant sur une idéologie mythomane sinon utopiste et dont Sassou Nguesso est curieusement le président du comité central, en toute violation de sa propre constitution. En passant, il faut signaler qu’ils sont déspérément accrochés, comme à une bouée de sauvetage, à la fallacieuse devise de ce parti : “Tout pour le peuple! Rien que pour le peuple!” Et ce, en dépit de la cruelle réalité du triste et moins enviable sort imposé au même peuple. Cynisme, quand tu nous tiens! En effet, le gouvernement congolais et le Parti Congolais du Travail ont osé l’outrecuidance d’amuser la galérie, au point de paraître ridicules. C’est ainsi qu’on a vu tour à tour le ministre de la communication et porte-parole du gouvernement Thierry Moungalla ainsi que la ministre du tourisme et de l’environnement Arlette Soudan-Nonault s’illustrer, toute honte bue, par des hommages dithyrambiques ponctués de superlatifs à la mémoire de l’illustre défunt. Mais il y a tout de même lieu de présumer que dans cet Etat policier qu’est devenu le Congo-Brazzaville, le gouvernement ainsi que les membres du PCT, étaient au courant de la santé vacillante de Pascal Lissouba qui se dégradait inexorablement au cours de ces dernières années. C’est ainsi que l’on comprend très mal pourquoi cette alarmante situation n’avait pas préoccupée les autorités, au point de les inciter à envisager une décision de bon sens consistant à amnistier, à titre humanitaire, une ancienne personnalité de premier plan du pays dont elles savaient moribonde? En outre, il n’a pas échappé aux congolais que ces hommages posthumes nimbés de démagogie et d’hypocrisie, relèvent non seulement d’une indécente récupération politique, mais aussi d’une façon de se donner bonne conscience devant le mépris sinon le déni du droit à un homme, ayant dirigé le Congo, de mourir et d’être inhumé avec les honneurs de la République sur la terre de ses ancêtres. Mais, il faudrait qu’on se le dise, cette attitude incongrue et ignoble n’honore guère ce pouvoir maléfique et criminogène, dont les tenants se sont montrés incapables de faire preuve de grandeur d’âme. On déplore également le fait que même les membres de son propre parti L’UPADS n’aient jamais osé introduire une demande de grâce présidentielle ou d’amnistie à l’égard de Pascal Lissouba auprès du gouvernement congolais et de Sasssou Nguesso. Il convient cependant de souligner que seul Paulin Makaya, le président de Unis Pour le Congo (UPC), qui a eu la présence d’esprit, le 30 juillet dernier, à la veille de la célébration du 60ème anniversaire de l’indépendance du pays, de plaider une amnistie générale en faveur de l’ancien chef de l’Etat ainsi que pour tous les prisonniers politiques, sans oublier les hommes politiques congolais qui ont choisi le chemin de l’exil. Ceci n’a, hélas, rencontré aucun écho favorable auprès des gouvernants. De ce refus obstiné d’amnistie, on est donc en droit d’inférer que Pascal Lissouba, jusqu’à la fin de sa vie, était perçu par les autorités congolaises comme un ennemi plutôt qu’un adversaire politique. Certes, on ne saurait perdre de vue le fait qu’aucune oeuvre humaine n’est parfaite. C’est ainsi qu’on ne peut occulter le fait que l’action politique de Pascal Lissouba, à la tête du pays, était entachée de nombre d’irrégularités déplorables. C’est pourquoi il faille reconnaître sa part de responsabilité dans des guerres fratricides ayant endeuillé des familles congolaises. Mais pour des raisons évidentes de réconciliation nationale et de paix des braves, il aurait été idéal que le pouvoir de Brazzaville fasse ce geste humanitaire ultime en vue d’une éventuelle décrispation du climat social tant espérée. Il y a lieu d’affirmer sans coup férir que l’amnistie de Pascal Lissouba aurait eu la vertu de cicatriser un tant soit peu des plaies, d’apporter du baume au coeur des congolais et surtout de sceller la paix. Et par voie de conséquence, une telle action aurait pu raffermir sinon consolider la cohésion sociale, l’unité et la concorde nationales ainsi que le vivre ensemble ébranlés par de multiple conflits armés dont le pays a été le théatre. Bien évidemment, on aurait fait l’économie de cette fracture tribale patente et de l’hystérie de l’ethnocentrisme exacerbé dans lesquelles sombre notre société. On est en droit de se poser la question de savoir à quoi sert-il de rabâcher les oreilles des congolais avec des mots creux sur la paix quand on est incapable de traduire cela par des actes concrets? Pour ce faire, il ne serait pas exagéré de déduire que les autorités congolaises ont manqué un opportunité de réconcilier le Congo avec lui-même. En outre, il convient de souligner que Pascal Lissouba est mort loin de son Congo natal, dans le sud de la France, avec le profond sentiment de persona non grata sur la terre de ses ancêtres du fait d’une condamnation par contumace prononcée à son encontre. C’est ce qui, semble-t-il, justifie le fait que dans son testament il ait eu à manifester un refus catégorique de voir sa dépouille mortelle rapatriée et inhumée au Congo pendant le règne du bourreau du peuple qui l’a toujours considéré comme un ennemi. Le moins que l’on puisse dire c’est que le vieil homme fatigué par le poids des ans et rongé par la maladie n’avait plus de velléité de reconquête du pouvoir. Il ne représentait donc plus aucune menace pour le pouvoir de Brazzaville. C’est à ce titre qu’on aurait pu faire preuve de mansuétude sinon d’humanisme à son égard, en lui gratifiant une amnistie qui l’aurait permis d’envisager un éventuel retour au bercail et finir ses jours