Une voix veloutée, un timbre reconnaissant entre mille
Architecte de la rumba, Sam Mangwana a valorisé le talent de quelques musiciens dont il a interprété les chansons. L’orsqu’ on s’intéresse à son cas, le chanteur, auteur, compositeur et interprète incontestable, on constate que la frange des critiques qui ont vanté ses mérites entre 1966 et 1980, s’accorde à reconnaître ses prouesses toujours en évolution. Car, à écouter de façon suivie tous les enregistrements auxquels il a participé pendant toute sa carrière, on se persuade assez aisément que son art présente des premiers aux toutes récentes une exceptionnelle continuité. Au vrai, il est peu de grands « rumberos » qui aient manifesté dans leurs conceptions une telle persévérance.
Une extrême disponibilité
Son idée, largement développée par lui-même dans le genre « rumba originale », c’est que le chanteur ténor doit pouvoir se concentrer sur ce qu’il désire faire avec intensité, sans être influencé par des suggestions extérieures. Mangwana est unique dans son style. Tout le travail de la tessiture veloutée – envisagé dans le sens de la plus totale intégration – consiste seulement à le rendre plus libre dans son exploration harmonique. L’intelligence et la pudeur sont ses vertus majuscules. Intelligent, il parvient à prévoir avec sûreté l’itinéraire de ses accompagnateurs vocaux. La première de ces deux qualités est l’effet d’une règle harmonique subtile et nuancée, capable de multiples variations ; la seconde est la cause d’une véritable philosophie dans ses compositions.
Influence = forte impression
Sam Mangwana représente à lui seul, un évènement d’importance. Parce que se retrouve chez lui cette « différence » essentielle qui sépare un chanteur de qualité ressentant la nécessité impérieuse de chanter en ténor et en solo ou dans un orchestre comprenant d’excellents instrumentistes, mais dont la réunion est dû au travail de concerts ou d’enregistrements en studio. Notons que, outre la rumba, c’est la musique afro-caribéenne qui a eu le plus d’influence sur lui.
Une carrière époustouflante.
Sam Mangwana, en effet n’est pas né d’un accident fortuit. Il sait pourquoi il est arrivé à son niveau actuel. Cette présence correspond à un choix délibéré et, lorsqu’on examine sa carrière, on s’aperçoit vite qu’il est dans le lot habituellement réservé aux professionnels de la musique congolaise de premier plan, mais qui a donné l’impression d’instabilité à force de passer d’une formation à une autre.
Kinshasa 1963 : Cette année peut être considérée comme celle qui a vu naître sa vocation pour la musique. Avec Théo Bitsikou, son ami d’enfance, il s’exerce à la pratique du chant aux environs du quartier dit « Zando ya Bayaka » à Kinshasa. Mangwana, commence également à cette période à côtoyer Tabu Ley qui s’y plaît à ses talents de compositeur. Notons qu’auparavant, comme il est de coutume pour nos grands chanteurs, Mangwana a commencé à chanter dans une chorale de l’Armée du Salut à Kinshasa.
Brazzaville 1964 – Sam Mangwana, Théo Bitsikou, Gérard Kazembe, Diki Baroza… sont sollicités par Mr Touneleck, un homme d’affaires camerounais installé à Brazzaville pour renforcer l’orchestre qu’il vient de créer du nom de « Los Batchichas ». Cet orchestre qui a compté parmi les meilleurs de cette époque, peut être considéré comme celui qui a donné naissance à la carrière professionnelle de Sam Mangwana.
Kinshasa 1966 – Sam Mangwana rejoint l’African Fiesta de Tabu Ley et Nico. Dans la foulée, il rencontre Wendo Kolosoy avec qui il tourne en Europe, puis en Zambie l’année suivante. C’est ce qui a constitué son bagage comme chanteur dans le groove de la rumba congolaise.
Kinshasa 1967 – Sam Mangwana intègre l’orchestre Vox Africa de Jeannot Bobenga. il chante en compagnie de Ntesa Dalients et Jeannot Bobenga, mais juste pour quelques mois car, dans la même année, Sam Mangwana rejoint l’African Fiesta National de Tabu Ley et prend part au voyage de Montréal au Canada.
Kinshasa 1968 – Sam claque la porte à Tabu Ley pour créer avec Dalients, Guvano, Dizzy Mandjeku, Mavatiku, Johnny Bokosa, Nzenze Jean Trompette, Barami, Kaya Depuissant, Gérard et Makulukala, l’orchestre Festival des Maquisards, qui, hélas, Se disloque en 1969, suivi de la création du groupe Festival de Sam avec Dino Vangu.
Kinshasa 1972 – Sam Mangwana, fait un grand pas en avant, car il intègre avec fracas le TP OK Jazz de Luambo Makiadi, aux côtés de Michel Boyibanda et Youlou Mabiala. Dans la foulée, il rend si bien les compositions « Ebale ya Zaïre », « Ceidu » « Djemelasi », « Minuit eleki », etc. Cette intégration dans l’OK suscite un conflit aigu entre Luambo et Tabu Ley.
Kinshasa 1974/1975 – Adieu l’OK Jazz et retour aux sources dans l’Angola de ses ancêtres, le temps de retrouver les siens et de se faire une belle place dans le cercle culturel angolais. En effet, en 1975, le voici de nouveau avec Tabu Ley, et dans sa besace, 2 chansons qui illustrent son séjour angolais : « Minha Angola » et « Mosekonzo ».
Afrique-Europe 1976/1979 – Après avoir roulé sa bosse dans presque tous les grands orchestres kinois, l’honneur lui échoit d’entamer une carrière solo et internationale. Il sillonne les capitales des pays comme Centrafrique, le Cameroun, le Nigéria, le Bénin, puis le Ghana où il met sur pied le groupe Africa all stars, avec les musiciens Syran, Bopol Miasamina, Pablo, Dizzy Mandjeku…et enregistre sous le label Suzana Coulibaly , le mécène du groupe. Deux titres sortent du lot et embrasent toute l’Afrique : « Georgette Eckains » et « Eyebani » (sept.1979) puis « Maria Tebo » et « Mathilda » (1980). Sam, qui entre-temps s’est rapproché de Théo Blaise Kounkou, crée des rythmes extrêmement novateurs. Il tient d’ailleurs, en cette année 1979, à vouloir se développer une nouvelle configuration, ce qui l’oblige de descendre à Kin et de ramener avec lui Canta Nyboma. Abidjan va constituer pendant plusieurs années le centre de vitalité du groupe, avec des allers et venues en Europe, aux Etats-Unis, en Afrique de l’Est… car la fièvre Mangwana a longtemps gagné les grandes salles du monde.
1981 Retour à Kinshasa : Victime de son succès, le groupe African All stars se sépare de Sam, qui revient à Kinshasa, tandis que le reste du groupe s’installe à Paris sous une autre dénomination : « Les quatre mousquetaires ». A Kinshasa, et fort de son expérience, Sam Mangwana fait le tour du Zaïre en compagnie de sa nouvelle trouvaille ; Marie-Claire Mboyo « MBilia Bell », qui fait ses débuts à la chanson. Il ouvre après cette tournée, la voie à Mbilia Bell qui atterrit chez Tabu Ley en 1982.
1982, Sam Mangwana est disponible et sa voix impressionne. C’est dans ce contexte, qu’il chante « Faute ya commerçant » de Lutumba Simaro avec l’accompagnement de Luambo-Makiadi et le TP OK Jazz. En tout cas, pendant une bonne période Sam prête sa voix à de nombreux artistes qui se plaisent à sa voix et à son timbre de charme.
1984 – Sam Mangwana se joint à Ndombe Opetum et Empompo Deyesse pour créer l’orchestre dit « Tiers-Monde Coopération », en réaction contre « les trois mousquetaires » (Luambo-Tabu Ley-Kiamuangana) considérés comme le triumvirat qui domine la musique congolaise au détriment des jeunes groupes.
Luanda 1998 – Sam Mangwana qui est depuis installé à Luanda où il a été reçu en apothéose, n’arrête pas de chanter et de voyager entre le Congo, l’Afrique, l’Europe, et le monde. Il sort l’album « Galo Negro » avec l’accompagnement de Nedule Papa Noël.
La sortie de « Galo Negro » a un tel retentissement international qu’il remporte le « Crossroads Music Awards » de la World Music comme « Gold Star 1999. Avec cet album électro-acoustique, Sam Mangwana renoue avec ses racines avec une forte prédominance des musiques traditionnelles tout en gardant une dimension résolument moderne. L’accordéon du Malgache Régis Ghisavo répond à la guitare de Papa Noël faisant chanter le « coq noir » éveilleur des consciences africaines. En 1999, dans le même élan, il sort avec Dino Vangu l’album « Femme africaine » qui connaît une large diffusion et un énorme succès auprès des Angolais.
Luanda 2003 – Sam Mangwana continue de porter en lui le lyrisme lusophone de ses origines angolaises, sans s’éloigner de la rumba congolaise dont il est un des derniers géants. Son nouvel album, Cantos d’Esperança, résolument nostalgique, a le parfum des premiers jours des indépendances.
Paris Juillet 2013 : Sam Mangwana se trouve à Paris où il répète avec quelques artistes la comédie musicale dénommée « Heza » – dans le cadre du Festival Arts Comores – qui a lieu à Marseille le 30 juin 2013.
Sam Mangwana Congolais ou Angolais ?
Une question qui ne devrait même pas se poser, mais que d’aucun ne cesse de poser. Sam Mangwana est né à Léopoldville-Kinshasa (Congo-Belge) le 21 Février 1945, de parents originaires de Maguela do Zombo, (Province d’Ulge, au nord de l’Angola) et qui ont travaillé toute leur vie à Kinshasa. Naturellement, à l’indépendance de l’Angola en 1975, tout Angolais se devait soit de garder les deux nationalités soit de réintégrer sa nationalité d’origine ; le cas de Sam Mangwana. Quoi qu’il en soit, il tire de la présence familiale au Congo Belge, puis au Congo démocratique un goût prononcé pour le voyage, les langues et une curiosité naturelle pour les autres cultures. Sa connaissance du Portugais, du Lingala, du Swahili, du Français, de l’Anglais, du Kikongo et son apprentissage de l’Espagnol font de lui le chanteur ténor le plus polyglotte du continent. Mais étant africain, il demeure chez lui dans tous les pays d’Afrique où la culture est Une.
Les Albums : Pour l’essentiel, ci-après le recueil des albums de Sam Mangwana :
• Cantos de esperança • The very best of 2001 • Wenze wenze • Galo negro • Maria Tebbo – Waka waka • Georgette Eckins • No me digas no • Rochereau, Sam Mangwana et L’African Fiesta 1968 / 1970 • Rumba music • Mega mix • Sam et Franco : Forever • Aladji • For Ever • Franco & Sam Mangwana et le T.P. OK Jazz (1981-1982).