Doit-on chanter les malheurs des autres ?
Pour son prochain album intitulé « Contentieux », Roga Roga a jugé bon d’introduire les pleurs d’un père téké dont la mélodie l’a visiblement séduit. Mais si ce travail est d’un point de vue musical plutôt réussi, l’initiative suscite par contre des interrogations chez certains Congolais.
Ces derniers jugent indécent le fait que la star congolaise reprenne dans son album les sanglots d’un père, qui plus est, a perdu sa maison suite aux explosions de Mpila. Il ne faut pas chanter les malheurs des autres, arguent-ils. Une perception des choses qui surprend le leader du groupe Extra Musica, persuadé qu’il s’agit là d’un genre artistique à part entière.
«C’est en mémoire des victimes de cette tragédie que j’ai voulu faire une chanson qui restera gravée dans nos mémoires de sorte qu’à chaque fois qu’on l’écoutera, on se souviendra des victimes qu’elle a faites», confiait l’été dernier Roga Roga, à l’émission d’actualité musicale Fara-Fara.
« Il y a des gens qui pleurent en chantant. C’est le cas de ce père dont la mélodie nous a paru extraordinaire. Nous avons pensé qu’on ne devait pas l’écouter qu’en de telles circonstances. D’où l’idée de l’immortaliser », a-t-il soutenu. D’autant plus que plusieurs «enfants nés à l’étranger ou qui y ont grandi connaissent peu de choses de la culture téké. Quand bien même ils pourraient appartenir à cette ethnie, ils ne seraient pas à mesure de savoir comment on pleure en téké. N’imaginez donc pas autre chose », lançait-il à ceux qui critiquent son initiative. Il rappelle, par ailleurs, qu’«il n’est nullement indiqué quelque part que le deuil n’existe que pour pleurer. Le plus important, c’est d’honorer la mémoire du défunt». Et d’ironiser: « Vous avez aussi beaucoup d’hypocrites parmi ceux qui pleurent. Même le sorcier pleure au cours d’une veillée ».
A propos du titre de l’album, l’artiste congolais rappelle que le mot contentieux existe depuis toujours. Mais que, dit-il, « il est devenu à la mode lorsque les autorités ont décidé d’indemniser les victimes et que des gens venus d’ailleurs ont voulu tirer profit de ce drame pour escroquer l’Etat. Grâce à la vigilance des autorités, ces derniers ont été mis sous contentieux. Tout comme, nous contestons les gens qui ont voulu voler la musique congolaise sans être des artistes musiciens.»
Pour la petite histoire, Roga Roga nous invite à écouter les pleurs de ce fameux père téké dont un obus a détruit la maison.