TRIBUNE. « En dépit de toutes difficultés, la CENI a travaillé dure pour franchir chaque étape inscrite dans son calendrier et ne s’est pas fermée de toute critique ou observation, bien au contraire, elle s’est montrée réceptive et à l’écoute des parties prenantes, elle a à plusieurs occasions monté sa bonne foi et se refuse d’être subjective. Tout ce que la CENI met en œuvre pour garantir la crédibilité, la transparence et l’inclusion du processus est fait par conviction (..) Les erreurs constatées sont rapidement prises en charge pour améliorer le processus, quand une idée est communiquée de bonne foi, elle est prise en compte, la CENI ne considère pas cela comme une faiblesse », c’est en ces termes que s’est exprimé Dénis Kadima, le président de la CENI, lors de la rencontre de tous les candidats présidents ce lundi 13 novembre 2023, dans le cadre de concertation pour l’organisation du scrutin électoral de décembre 2023.
À l’exception de Moise Katumbi et de Denis Mukwege qui ont décidé d’être absents de la cérémonie, tous les 24 autres candidats ont répondu présent, y compris le candidat Tshisekedi qu’on a vu serrer la main de son farouche opposant Martin Fayulu.
Cette concertation politique très médiatisée, je la comprends personnellement comme une opération de marketing politique à l’échelle nationale et internationale.
Sur le plan interne d’abord, la communication politique du président sortant veut renvoyer l’image d’un président “humble” qui travaille en synergie et de manière démocratique avec son opposition, se rendant ainsi disponible à discuter d’égal à égal, sur des questions d’intérêt national. Dans une seconde hypothèse, le pouvoir a essayé de tâter la possibilité d’amorce d’un dialogue interne pour repousser les élections en invoquant la situation sécuritaire chaotique à l’Est du Congo et des problèmes logistiques non de moindres, tels que les machines à voter encore en fabrication à Séoul et les difficultés énormes à transporter les bulletins de vote dans ce vaste pays sans réseau routier avec zéro avion de la compagnie aérienne nationale.
Sur l’échelle internationale, il suffisait juste de considérer la meute des journalistes de la presse étrangère invités à cet événement pour qu’on sache estimer les bons signaux que la centrale électorale congolaise entend envoyer aux nombreuses chancelleries occidentales qui ne cessent de douter de la tenue transparente et démocratique des élections de décembre prochain. Ce doute est répercuté jusqu’au département d’état américain et à l’Union européenne, ces deux partenaires jugés précieux par Kinshasa et dont la reconnaissance du prochain verdict des urnes s’avère décisive pour asseoir la légitimité du nouveau pouvoir en janvier 2024 et pour pouvoir ensuite attirer des investisseurs étrangers.
Et pourtant? Et pourtant nonobstant ce décor faussement reluisant, les problèmes de fond n’ont pas été vidés. Pour preuve, les 23 candidats à la présidentielle ont refusé de signer le code de bonne conduite, disant n’être pas convaincus de la transparence du processus électoral.
La CENI fait la sourde oreille à toutes les conditions que les parties prenantes exigent pour se rassurer que ces élections soient inclusives et transparentes. Les graves dénonciations récentes de Francis Kalombo, un des porte-parole de la plate-forme Ensemble pour la République (ER) sur les fausses listes électorales exagérément bourrées dans le grand Kassai; le refus catégorique du Bureau la Ceni de rendre publiques lesdites listes électorales; l’insécurité des candidats présidents de la part des milices du régime qui en ont fait voir de toutes les couleurs à M. Fayulu à Tshikapa et les sévères avertissements du candidat Delly Sesanga durant la concertation sur les irrégularités et le flou du processus électoral ont fini par mettre les participants sur la défensive et ont fait ressembler cette concertation avec une atmosphère bon enfant en un tombeau blanchi, avec une façade de salutations « amicales » mais avec à l’intérieur la cruelle réalité des ossements desséchés et l’odeur pestilentielle de la fraude électorale en gestation.
La CENI vient de faire un grand pas dans son projet de vente d’illusion. La pièce de théâtre a juste réussi à distraire les moins avertis des congolais qui ne tarissent d’éloges pour l’humilité de tel ou tel candidat qui s’est conformé au protocole. La vérité, elle, reste têtue, à savoir : le plat du processus électoral a juste été lavé du DEHORS tout en laissant intacte la saleté INTERNE. On a beau croire manipuler l’opinion internationale là où l’on fait soi-même le lit d’une crise postélectorale assurée.
Par Germain Nzinga